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Champs-Élysées Film Festival 2020 - Courts métrages en compétition


Pour sa neuvième édition, le Champs-Élysées Film Festival a proposé une version en ligne, intégralement gratuite. L'occasion de voir deux masterclass de qualité des invités d’honneur de cette année, Edgar Wright et Stephen Frears. Ainsi qu'une sélection de longs métrages en compétition, où l’on peut retrouver À l’abordage de Guillaume Brac, 17 Blocks de Davy Rothbart ou encore Le Kiosque de Alexandra Pianelli, que l’on vous conseille fortement (nos chroniques, ainsi que toutes celles sur les films en compétitions, sont disponibles sur notre site). Parce que les courts métrages ont tendance à être oubliés, nous vous proposons un véritable tour d’horizon des sélections américaines et françaises, visibles sur le site du festival encore aujourd'hui !



Sélection américaine


Sin Cielo, Jianna S. Maarten



© Jianna S. Maarten 

Basé sur des histoires vraies, Sin Cielo est le septième court métrage de la réalisatrice. La dédicace de fin est sans équivoque : “aux milliers de femmes disparues au Mexique et aux familles qui les recherchent encore”. L’enlèvement des jeunes femmes est un véritable fléau dans ce pays fortement touché par le trafic sexuel et par un taux de féminicides très élevé. Ce sont des problèmes que Maarten essaye de mettre en lumière. Elle ne les aborde pas de front et les mêle à une histoire d’amour, qui n’aura tragiquement jamais de suite. Loin du récit choc, Sin Cielo déploie petit à petit son enjeu : se délaisser du silence oppressant qui entoure les violences envers les femmes.




Grandpa’s hands, Darren Colston


© Jean Melesaine

Grandpa’s hands est issu de la propre culpabilité du réalisateur, de ne pas avoir été présent pour son grand-père dans ses derniers instants. Il recherche donc à l'apaiser par le cinéma, ce qui explique sûrement l’extrême douceur qui se dégage du film. Le court métrage nous montre la difficulté de voir les gens que nous aimons s’en aller, même si c’est uniquement la mémoire qui n’est plus là. Le récit est naïf mais touchant. Il est dommage de constater la faiblesse de la mise en scène dans sa seconde partie qui manque de nuance. Un tout premier film, donc l’indulgence est de prime.




Handheld, Pixie Hochheim et Tony Oswald


© Cody Duncum

Handheld est un récit intime au sens premier du terme. Il raconte l’histoire de la sœur du co-réalisateur, qui a dû avoir une conversation très dur avec son fils, à la suite de sa découverte d’une vieille caméra dans les affaires de sa mère, avec à l’intérieur les seules images qui existent de son père. Le film est romancé, mais garde une profonde intimité car c’est le neveu de Tony Oswald qui joue son propre rôle. L’absence de ce père, dont on nous apprend subtilement sa toxicité, fait partie intégrante du film. Handheld ne répond pas à toutes nos questions : où est le père ? Pourquoi n’est-il plus là ? Il s’intéresse plus à la communication entre une mère et son fils et à la puissance des images, qui en quelques secondes nous ramènent à une émotion du passé.




Huntsville Station, Chris Filippone et Jamie Meltzer


© Chris Filippone / Jamie Meltzer

Les deux réalisateurs ont choisi de filmer les premiers instants de liberté d’ex-détenus de la prison de Huntsville, Texas. Loin du stéréotype des films hollywoodiens, Huntsville Station capture la complexité de cet instant, entre émerveillement et tristesse. Le film ne s’attache pas à une personne en particulier et forme un flux constant de différents protagonistes qui portent en eux une émotion qui leur est propre. Chacun à sa façon s’ouvre à ce monde extérieur, dans le magasin proche de la prison, qui fait office de liaison entre les barreaux et la liberté. Cet extérieur est à la fois exaltant et angoissant, et le film le capture à merveille.




Mizuko, Kira Dane et Katelyn Rebelo


Photo de Katelyn Rebelo - © One Eyed Productions

Récit intime sur l’expérience de l’avortement d’une des réalisatrices, le court-métrage est aussi éducatif sur la culture japonaise, à travers une prière spéciale pour les enfants qui n’existeront jamais. La langue a même un mot spécifiques pour eux, “mizuko”, que nous pouvons traduire par “enfant-mer”. Mélange d’animation et de prise de vue réelle en Super 8, les deux cultures (américaine et japonaise) s’opposent, entre métaphore de l’eau et l’univers chirurgical de New-York (le métro, la salle d’avortement), où Kira Dane raconte en voix-off son expérience. Alors que l’IVG est encore source de débat à travers le monde, les deux réalisatrices proposent une quête de sens, un réconfort pour ceux et celles qui en ont besoin.



Molly’s Single, Ariel Gardner


© Ariel Gardner

Il y a quelque chose de très moderne dans ce court-métrage, malgré la caméra utilisée (une miniDV). Molly se reconstruit après une rupture et enchaîne les rencontres. Les hommes qui l’entourent n’arrêtent pas de lui faire des réflexions “ tu es méprisante”, “tu devrais te démaquiller” ou de lui reprocher d’avoir tromper son ex. Malgré son malaise, elle ne réplique jamais, s’excuse ou s’éxécute. Elle pense être une mauvaise personne. Pourtant, c’est en étant elle-même, en acceptant sa honte, sa tristesse et ses émotions qu’elle pourra se reconstruire. Molly’s Single est marqué par le refus de l’injonction au bonheur, à l’obligation sociale de ne pas avoir d’émotions négatives.


Union County, Adam Meeks


© Mark Adam Meeks

Au fin fond de l’Ohio, un jeune homme poursuit son parcours de désintoxication et de réintégration dans le monde du travail. Sa situation est encore précaire, il vit dans sa voiture, est suivi par un juge qui refuse de l’applaudir malgré ses quarante cinq jours de sobriété. Le réalisateur, qui a fait beaucoup de recherche pour Union County, a été frappé par le nombre insignifiant de récits de guérison relayés par les médias, préférant les tragédies autour de la question de l’addiction. Qu’à cela ne tienne, le personnage de Adam Meeks est sur la bonne voie, mêlant dans sa narration la difficulté du voyage, mais surtout l’espoir de s’en sortir.




As they slept, Haroula Rose


© Haroula Rose

Pendant une nuit mouvementée new-yorkaise, peuplée d’échec, deux amies perdues dans l’immensité du changement à cause de leur entrée à l’université, vont se retrouver et ouvrir une parole bienvenue. Les langues se délient et le mal être se dévoile. Sorties de l’adolescence, mais pas encore des adultes (elles sont même refoulées devant une boîte branchée), elles apprennent à faire leur propre choix. C’est une belle sororité que filme Haroula Rose, une solution sans faille où l’on trouve la force d’avouer de ne pas se sentir à l’aise dans les études ou d’ouvrir les yeux sur une relation amoureuse toxique.




To Sonny, Maggie Briggs et Federico Spiazzi


© Maggie Briggs / Federico Spiazzi

C’est peut-être le portrait le plus réaliste d’une génération qui a arrêté d’y croire. Écrit par la co-réalisatrice Maggie Briggs, elle s’est inspirée de son père pour écrire le personnage de Sonny, un chauffeur qui parcourt les routes pour remplir des distributeurs à friandises. Il est filmé sans jugement, avec douceur, alors qu’il porte en lui une Amérique conservatrice, très fermée sur la jeunesse, jugée fainéante, par le biais de sa radio qui l’accompagne sur les routes dans un dialogue silencieux. L’American Dream en prend un coup.


Valerio’s day out, Michael Arcos

© Michael Arcos


Nous sommes embarqués dans l’esprit de Valerio, un jaguar d’un zoo qui arrive à s’échapper et tue huit animaux, avant d’être capturé de nouveau. Il nous livre son journal, sous forme de vidéo, où il raconte sa drôle d’aventure à son amie Lula, une jaguar mystérieusement disparue. Sous son air intriguant de court-métrage à la limite de l’expérimental, ne se cacherait-il pas une critique acerbe des zoos, où des animaux sauvages sont enfermés dans des cages, restreint de tout instinct naturel ? La question est ouverte tant Valerio’s day out peut être vu de différentes manières. 





Sélection française



Frisson d’amour, Maxence Stamatiadis

© Maxence Stamatiadis / Agathe Berman
   
Le réalisateur filme sa grand-mère, récemment veuve. Personne solaire, elle irradie l’écran de son charme touchant et primesautier. Loin des clichés des vieilles personnes ne comprenant rien à l’informatique, elle est entourée de ce monde virtuel, essayant de partager sa passion à son entourage. Malgré la bienveillance entourant le film, c’est par petite touche que Maxence Stamatiadis nous rappelle qu’il s’agit d’un film portant une tristesse sourde, d’une femme seule niant sa solitude grâce à des outils techniques lui permettant d’oublier son deuil. 



Sukar, Ilias El Faris

© Ilias El Faris / Robin Fresson
   
Du couple s’embrassant innocemment sur la plage de Casablanca ou des personnes se bagarrant violemment, qui les policiers ont-ils décidé d’arrêter ? Le réalisateur prend à bras le corps cette police de mœurs dans une critique facétieuse, faite de saynète drôle et burlesque. L’absurdité du jugement est moqué par ces jeunes gens, qui ne s’empêcheront pas de s’aimer. 



On fait salon, Léa Forest

© Envie de Tempête Productions
   
La réalisatrice pose sa caméra dans un salon de coiffure et filme des adolescents de 12 à 18 ans. Elle leur pose toutes sortes de questions, sur la masculinité, sur leur rapport aux filles. Ils se livrent, certains avec pudeur, d’autres plus bavards nous racontent leur peur d’être différent, de ne pas être assez viril. “J’aimerais bien avoir le point de vue des filles, leurs discussions” nous confie l’un d’entres eux, preuve que ces jeunes sont aussi curieux et capables de remettre en question leur privilège. Une prise de parole salutaire, entre bruit de ciseaux et sèche cheveux.


All movements should kill the wind, Yuyan Wang

© Yuyan Wang
   
Film sans parole, la réalisatrice s’intéresse aux hommes de l’ombre, qui taillent, façonnent, polient la roche pour donner des statues imposantes, immenses de divinités chinoises. Le respect et le calme qu’elles imposent contrastent avec le bruit incessant des machines et la poussière de roche, qui s’insinue partout sur les corps de ces travailleurs. D’une beauté visuelle intrigante, Yuyan Wang montre la condition sociale des ouvriers, un mouvement sans relâche qui souille le corps. Elle capte des gestes d’ouvriers interchangeables et voués à disparaître, tandis que la roche, elle, restera fièrement ancrée dans le sol.


Blaké, Vincent Fontano

© Vincent Fontano
   
Deux vigiles de nuit d’un parking souterrain se parlent de leurs rêves, de leurs fantasmes, de leurs désillusions. L’un est amoureux d’une jeune femme, il l’accompagne chaque soir jusqu’à sa voiture. Il fantasme cette relation platonique, il en fait quelque chose loin de son métier déprimant. Mais le rêve peut se transformer en cauchemar quand on se rend compte que ce parking est la seule chose à laquelle nous avons droit. Vincent Fontano signe un premier court-métrage d’une grande maîtrise, malgré l’écriture du personnage féminin à déplorer. L’image léchée devient à la fois vecteur d’espoir et de rage, qui crée un contrepoint avec le décor, une spirale incessante d’une condition miséreuse à laquelle on ne peut échapper. 




Miss Chazelles, Thomas Vernay

© Thomas Vernay

Clara n’a pas obtenu la première place au concours de beauté du petit village de Chazelles-sur-Lyon, au grand dam de ses proches. Ils s’amusent alors à fustiger Marie, la grande gagnante, protégée par ses deux cousins violents. Comme Roméo et Juliette, Clara et Marie partagent une profonde affection en secret, alors que leurs proches respectifs se bagarrent. C’est avec subtilité que Thomas Vernay peint le portrait d’un village rural, où les préjugés et le sexisme sont légions. En reprenant certains codes du conte de fée, le réalisateur les déjoue pour créer un film où l’amour rayonne et perdure malgré tout. 



Chienne de vie, Jules Carrin

© Jules Carrin

Deux amis font les quatre cent coups dans le petit village où ils habitent. Malgré les apparences, leur amitié est teintée de toxicité, Lamiche entraînant Yannick dans de mauvais plans, avant de le laisser s’en sortir tout seul. Cette jeunesse s’ennuie, mais ne fait rien pour s’en sortir. Lamiche se laisse dorloter, incapable d’être autonome, tandis que Yannick est obligé d’être indépendant. Cette différence sera leur perte.


Qu’importe si les bêtes meurent, Sofia Alaoui

© Envie de Tempête - Jiango Films

Alors qu’il se rend dans un village récupérer de la nourriture pour ses bêtes, Abdellah ne trouve personne à son arrivée et aperçoit une étrange lueur dans le ciel. Il n’y a pas de coïncidence. Ces extraterrestres ne sont qu’une métaphore du changement. Certains ont peur, d’autres y voient une occasion de saisir une opportunité et les derniers ne changent rien à leur vie. Sofia Alaoui filme la modernité comme une entité, une forme non-violente mais présente et qui surtout fait peur.





Genius Loci, Adrien Mérigeau

© Adrien Mérigeau
  Comment ne pas être fasciné par la beauté de l’animation en 2D et colorée que nous propose Adrien Mérigeau et son équipe. Une jeune femme déambule dans la nuit chaotique, entre désir, hallucination et même rage, de ce monde magnifique et cruel à la fois. Cinéma de l’abstraction et du symbole, Genius Loci est un diamant brut qui se regarde tel quel. La compréhension du récit n’est pas importante comparée au ressenti.





Beauty Boys, Florent Gouëlou

© Florent Gouëlou
  Léo et Yaya préparent un show en full drag queen pour une scène ouverte dans le village de Vôge-les-bains, ce qui n’est pas au goût de tout le monde, notamment du grand frère de Léo, Jules, qui ne l’assume pas. Mais Léo se fout des conventions, des règles et s’assume pleinement. Beauty Boys n’est pas un récit d’acceptation de soi, mais bien d’acceptation de l’autre. Et c’est à Jules de faire ce boulot, de remettre en question le stéréotype de l'hyper virilité dans lequel il s’enferme. 



Laura Enjolvy


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