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[FUCKING SERIES] : The Eddy : Not quite my tempo


(Critique - avec spoilers - de la saison 1)


Dire que l'on attendait avec une impatience non feinte, la première série pensée et concoctée par Damien Chazelle, était un doux euphémisme, eut égard à la propension croissante du bonhomme à avoir su nous passionner sur grand écran avec quatre excellents - et le mot est faible - longs, mais aussi et surtout, à la curiosité de le voir se replonger à nouveau sur pas moins de huit épisodes, au coeur d'une histoire faisant la part belle à la musique.
Hébergé avec amour par Netflix, la bien nommée The Eddy, flanquée dans un Paris qui n'a jamais paru aussi vrai sur le petit écran, étend sans trembler notre fascination pour le cinéaste (il dirige d'ailleurs deux premiers episodes, donnant le ton à Houda Benyamina (Divines), Laïla Marrakchi (Rock the Casbah) et Alan Poul (The Newsroom) pour signer les autres), tout en montrant les limites de son cinéma, quand il est étiré sur la longueur - plus de 7 heures de show -, et qu'il n'approfondit jamais vraiment tous ses parti-pris.

Copyright Lou Faulon/Netflix


The Eddy donc, c'est avant tout l'histoire d'Elliot Udo, patron d'un club au coeur de Paris (The Eddy, tout est dans le titre), qui doit jongler au quotidien entre une gestion chaotique de son business - jadis bien plus fructueux, mais aujourd'hui au bord du gouffre -, un orchestre ou se produit sa petite amie " mais pas trop " Maja (et aux personnalités toutes différentes, et donc pas évidente à gérer justement), pour lequel il désespère de décrocher un contrat; mais aussi et surtout l'arrivée volcanique de sa jeune fille (qui ne s'entend absolument plus avec sa mère, la faute à une consommation abusive de drogues couplée à une désobéissance générale), Julie, ado angoissée et perturbée qui va vite à son tour, perturber les habitudes de son paternel.
Sans trop en dire sur le passé du héros (une tragédie douloureuse, la mort de son fils, l'ayant fait perdre sa volonté de jouer, puis fait divorcer de sa femme avant de déménager à Paris et de se créer une nouvelle vie, en construisant le club avec son meilleur ami Farid), mais en faisant clairement de son présent sur la corde raide, le coeur de son récit, le show se concentre assez logiquement sur Elliot et Julie, même si chaque épisode à le plus ou moins bon goût de mettre en lumière plusieurs personnages singuliers gravitant autour d'eux - y compris certains membres du groupe d'Elliot.
Une manière habile (et très commune au fond, dans les productions Netflix) mais jamais totalement assumée, de décomposer l'intrigue mère avec une pluie d'intrigues secondaires, avant qu'ils ne finissent tous par se rattacher au récit principal, certains ayant évidemment plus d'impact global et/ou d'intérêt que les autres, ou un traitement de faveur différent.
Le meilleur exemple étant l'arc centré sur Maja (sublime Joanna Kulig, sur qui il est impossible de détourner le regard), la chanteuse du groupe d'Elliot, une personnalité fougueuse et romantique - intimement liée à Elliot -, que l'on aurait adoré voir plus souvent; un phare éclatant au milieu de figures pas toujours empathiques, et majoritairement croquées à la truelle.

Copyright Lou Faulon/Netflix


Sous l'ombre tutélaire de la vénérée Treme (tout simplement indétrônable, c'est dit), la série excelle en revanche, autant dans sa mise en images de la verve et de la passion musicale (avec le bon point de faire appel, même pour le casting des seconds couteaux, à de vrais musiciens, rendant de facto chaque morceau joué à l'écran, encore plus chatoyant pour nos écoutilles), que dans sa patine ultra-réaliste (filmé caméra à l'épaule, et presque de manière " Jason Bournesque "), donnant à son cadre une sensation " indé brute " tendue assez inédite pour la capitale hexagonale (plus crasseuse et réaliste, on est bien loin de la vision carte postale qui n'aurait pas du tout servi le propos), tout en en faisant pleinement un personnage à part entière de l'histoire.
Jamais totalement entre la relation sado-masochiste à l'amour du jazz affirmé de Whiplash, et rupture musicale romantico-onirique à travers Hollywood de La La Land, mais réellement frappée par une lenteur souvent plombante et pas toujours légitime, le show dépeint plus ou moins adroitement une sorte d'odyssée stressée et étonnante; ou comment chaque musicien/musicienne - qui se doit d'avoir une vie éclatée - négocie quotidiennement avec les démons qui les habitent (entre ruptures, sentiments refoulés, mensonges, abus de drogues et pauvreté), pour s'offrir une oasis de quelques minutes parfaites de musique chaque soir.
Laissant parler la musique comme peu (des scènes de performance aux répétition, il leur donne tout le temps et l'espace dont elles ont besoin pour être vibrante et passionnante à suivre), avec des mélodies originales - signées Glen Ballard et Randy Kerber -, faisant un brin fit de sa prévisibilité certaine (ou de son manque de profondeur parfois, ce disant peut-être avec une certaine arrogance, que l'histoire a juste besoin d'être superficiellement accomplit pour nous divertir), The Eddy fonctionne alors comme un morceau jazzy et dynamique populaire, qui ne raconte rien de nouveau (pas un défaut en soi d'habitude) mais que l'on ne peut s'empêcher d'écouter jusqu'au bout, même si toutes les notes ne sont pas parfaites (voire un peu trop longues, la durée excessives des épisodes étant la gangrène contagieuse number one des shows Netflix).

Copyright Lou Faulon/Netflix


Un tube estival savoureusement polyglotte (anglais, français, polonais, arabe, serbe,...) qui ne marquera sans doute pas son temps - et qui sera encore moins du goût de tous -, mais qui vaut l'attention fugace qu'on lui apportera, en grande partie grâce à la partition impliquée de ses interprètes titres, que ce soit André Holland, furieusement empathique dans la peau d'Elliot (tout en nuances et en vulnérabilité), Joanna Kulig (touchante dans la peau d'une femme déterminée à poursuivre son rêve, malgré les douleurs et la frustration) ou encore Amanda Stenberg (qui prend du temps, tout comme nous, à apprivoiser le personnage de Julie).
Not quite my tempo, but the sound remains fine.


Jonathan Chevrier 


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