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[CRITIQUE] : The Hunt

 

Réalisateur : Craig Zobel
Acteurs : Betty Gilpin, Hilary Swank, Emma Roberts,...
Distributeur : Universal Pictures France (?)
Budget : -
Genre : Action, Thriller, Epouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h30min 


Synopsis :
Sur fond d’obscure théorie du complot sur internet, un groupe de dirigeants se rassemble pour la première fois dans un manoir retiré, afin de se divertir en chassant de simples citoyens américains. Mais leurs sombres desseins vont être mis en péril par Crystal, une de leurs proies, capable de les battre à leur propre jeu. La jeune femme renverse les règles, et abat un par un les chasseurs qui la séparent de la mystérieuse femme qui tire les ficelles de ce passe-temps macabre.




Critique :



Alors que le film était initialement prévu en salle pour septembre 2019, des tueries de masses aux États-Unis ont poussé les studios Universal à repousser la sortie de The Hunt à Mars 2020. Mais comme on le sait tous les sorties de Mars 2020 souffrent d’un karma abominable et n’ont pas pu jouir d’une quelconque diffusion en salle pour cause de COVID-19. Plusieurs destins possibles s’offraient alors au nouveau film de Craig Zobel (scénariste et réalisateur de l’excellent drame psychologique Compliance). Il aurait pu voir sa sortie repoussée, comme tant d’autres métrages. Il aurait pu être racheté par une plateforme de SVOD. Mais voilà qu’il se retrouve à louer sur Rakuten TV pour la « modique » somme de 17€99. Même si le film s’avère être très chouette, ça a le mérite d’être encore plus scandaleux que le prix d’une place de cinéma, ce qui est une sacrée performance. Mais comme on dit, quand on aime… Et bah à presque 20€ la location on compte quand même, non mais sérieusement vous vous moquez de qui ? Je précise avant tout que c’est un film qui comporte certaines révélations intéressantes que je vais suggérer dans ce billet, et que je vous suggère de voir le film avec le moins d’informations possibles. 



On va mettre les choses à plat immédiatement : The Hunt est un film génial principalement parce qu’il est profondément misanthrope et tir à balle réelle (au sens propre comme au figuré) sur absolument tout le monde. Adaptation d’une nouvelle de Richard Connell, Le plus dangereux des gibiers, le film propose une situation qu’on a déjà vu un paquet de fois au cinéma ou dans des séries TV : Des salopards de riches capturent des pauvres, les balancent dans la nature et les chassent pour se divertir. Dans le cas présent, une de leur proies, Crystal (géniale Betty Gilpin) va s’avérer être plus futée qu’eux et va rapidement gagner en grade dans la chaine alimentaire. Le film va donc classiquement apparaitre comme une œuvre sur la lutte des classes, dans laquelle notre personnage principal va incarner un esprit de justice vengeur qui va écraser ces salauds de privilégiés meurtriers. Comme le suggère la morale de sa version alternative de la célèbre fable, pour survivre la tortue ne doit pas simplement battre le lièvre à la course : elle doit tuer le lièvre. Les personnages des chasseurs sont dépeints avec humour et cynisme : terriblement incompétent et faussement bienveillants envers les minorités, ce qui donne lieu à des scènes et des échanges absolument hilarants. A l’image de ce vieux couple blanc comme un cul d’albinos, qui après avoir commis un meurtre se félicitent d’avoir éliminé un descendant du peuple oppresseur des afro-américains puis se disputer sur les termes légitimes pour qualifiés ces derniers : acide et poilant.  


Sauf que ce n’est pas du tout un film sur la lutte des classes et les proies ne sont pas d’innocentes victimes, et c’est très compliqué d’aborder ce sujet sans révéler le gros twist final du film, que je vous conseillerais à nouveau de découvrir avec le moins d’informations possible. Disons que si les chasseurs sont en effets des débiles à la bienpensance accessoire et avec peu de considération pour la vie de gens « inférieurs », les proies sont quant à eux, des débiles complotistes, homophobes, racistes et autres joyeusetés et que toute la partie de chasse est finalement une prophétie autoréalisatrice qu’ils ont déclenché eux-mêmes par leur propre malveillance. Dans ce contexte où personne n’est à sauver, Crystal apparait comme une incohérence absolue et survole le film avec une sorte de détachement émotionnel et une facilité dans l’action déconcertante, qui provoque un certain malaise au visionnage, mais qu’on comprendra par le fait qu’elle est une anomalie systémique. Un bug dans la matrice, symbole de l’incompétence de ses bourreaux et qui va butter le lièvre, la tortue, la chauve-souris et le pangolin pour accéder au sommet de la chaine alimentaire. 


Ce dynamitage misanthrope d’un genre codifié (rappelant pas mal La Cabane Dans les Bois par certains aspects) fait de The Hunt un film intéressant, mais ses qualités dépassent ce postulat. Il démarre sous les meilleurs auspices, jouant vicieusement sur le point de vue et les attentes du spectateur qui se retrouve immédiatement déboussolé et totalement investi dans le film. C’est annoncé d’emblée : le réalisateur va jouer avec nous. Si le film et divertissant et offre des mises à mort rigolotes et des moment d’absurde très cools, il y a toujours quelque-chose qui ne colle pas, qui nous interpelle, et va nous pousser à élaborer des théories à la pelle. Et c’est pas désagréable. Même si le film est parfois, souvent, très brouillon dans ses révélations et ses usages de codes (peut-être, surement volontairement dans certains cas) ça enlève très peu au plaisir du visionnage. Reste qu’il n’aurait pas souffert de quelques moyens supplémentaires, d’effets spéciaux plus organiques et d’une identité visuelle plus marquée. Mais The Hunt est une réussite qu’on regrette amèrement d’avoir ainsi vu sacrifié en location VOD à un prix exorbitant, alors qu’une découverte en salle eut été fort gratifiante. En espérant que cette phrase ne devienne pas vraie pour trop de films prochainement.


Kevin



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