[CRITIQUE] : La Plateforme
Réalisateur : Galder Gaztelu-Urrutia
Acteurs : Ivan Massagué, Zorion Eguileor, Antonia San Juan, Algis Arlauskas,....
Distributeur : Netflix france
Budget : -
Genre : Science fiction, Épouvante-horreur
Nationalité : Espagnol
Durée : 1h34min
Synopsis :
Dans une prison-tour, une dalle transportant de la nourriture descend d'étage en étage, un système qui favorise les premiers servis et affame les derniers.
Critique :
Malgré son manque d’originalité dans son concept (une critique des inégalités des chances, avec une dynamique allant de haut en bas), #LaPlateforme s’en sort grâce à un scénario solide et une atmosphère poisseuse qui se dégrade petit à petit. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/Gt4h8ftyi4— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) March 23, 2020
Le sens de l’ironie est fort dans la sortie du film de Galder Gaztelu-Urrutia, La Plateforme sur Netflix, disponible depuis le 20 mars. Projeté au TIFF (Toronto International Film Festival) l’année dernière, où il a gagné le prix du public dans la section Midnight Madness, c’est à ce moment-là qu’il a négocié une diffusion sur la célèbre plateforme de streaming. Un coup de chance, sachant les conditions actuelles et les annulations des festivals de cinéma, où il faisait partie de la programmation, comme le BIFFF par exemple (Brussels International Fantastic Film Festival) qui devait se tenir en avril.
Si nous sommes confinés chez nous à cause du Coronavirus pendant encore quelques temps, notre sort paraît beaucoup plus privilégié que celui des détenus de la Fosse, une prison en hauteur, où l’important est de se trouver dans les premiers étages. Pourquoi ? Parce qu’une plateforme passe une fois par jour, dans les trous béants des cellules des prisonniers (d’où le titre original El Hoyo). Elle porte tout un tas de mets savoureux. Une cuisine de qualité, que le début du film nous montre en train d’être préparée, contrôlée méticuleusement. Le problème cependant, c’est qu’il existe près de deux cent étages. Ceux des premiers étages sont donc privilégiés et ne se privent pas. La nourriture se fait de plus en plus rare à mesure que la plateforme descend, jusqu’à ne plus avoir assez de plats pour le reste des étages. Il est interdit de garder de la nourriture une fois la plateforme partie, sous peine de se voir carbonisé. Chaque mois, les détenus changent d’étages. Ils sont endormis et se réveillent dans leur nouvelle cellule, au hasard. Avec un peu de chance, ils se trouvent dans les cinquante premiers étages. Au delà, l’humanité est mise à mal et l’instinct de survie prime.
Nous suivons Goreng, fraîchement arrivé dans la Fosse. Il apprend en même temps que nous, spectateur, le fonctionnement de cette prison particulière. Il est tout plein de principe et essaye au début de créer une sorte d’entraide, avec son compagnon de cellule, ainsi que les autres détenus au dessus et en-dessous de la sienne. Peine perdue, évidemment. Pour eux, il n’y a que la survie qui importe. Surtout quand la nourriture vient à manquer. Nos pires instinct prend le pas sur notre éducation, malgré nous. Goreng l’apprend à ses dépends, quand après un mois, son co-détenu et lui descendent au cent soixante douzième étages. Lui, qui s’est inscrit naïvement pour une raison que nous ignorons et qui a emporté avec lui une copie du livre Don Quichotte de Miguel de Cervantes va devoir apprendre à faire la pire des choses pour survivre.
Avec son système vertical, La Plateforme n’est évidemment pas subtil. La critique des inégalités des chances, avec une dynamique allant de haut en bas a déjà été montrée plusieurs fois au cinéma (dernièrement Parasite de Bong Joon-ho), surtout dans un seul et même bâtiment (tel Snowpiercer de Bong Joon-ho également, mais dans une dynamique plus horizontale cette fois). Pourtant, le scénario ajoute un élément un peu plus pervers, le choix hasardeux des étages, qui change tous les mois. C’est-à-dire qu’un nanti le premier mois peut atterrir au plus bas des étages le deuxième mois. Un système un peu plus juste qui devrait instaurer un équilibre et une entraide. Il n’en est rien. Ceux d’en hauts continuent de s’empiffrer et ceux d’en bas de mourir de faim. Malgré son manque d’originalité dans son concept, le film s’en sort grâce à un scénario solide et une atmosphère poisseuse qui se dégrade petit à petit. Le hasard met une tension, palpable chez les détenus. Goreng évolue, devient un être prêt à tout pour s’en sortir. Lui reste-il une once d’humanité après de telles épreuves ?
Laura Enjolvy