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[CRITIQUE] : Dark Waters


Réalisateur : Todd Haynes
Acteurs : Mark Ruffalo, Anne Hathaway, Tim Robbins, Bill Camp, Victor Garber,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h07min

Synopsis :
Robert Bilott est un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques. Interpellé par un paysan, voisin de sa grand-mère, il va découvrir que la campagne idyllique de son enfance est empoisonnée par une usine du puissant groupe chimique DuPont, premier employeur de la région. Afin de faire éclater la vérité sur la pollution mortelle due aux rejets toxiques de l’usine, il va risquer sa carrière, sa famille, et même sa propre vie...





Critique :


On avait laissé le talentueux Todd Haynes avec ce qui était sans aucun doute, l'un de ses plus beaux essais, Le Musée des Merveilles, un conte vibrant, intemporel qui aborde avec simplicité et délicatesse la vie, dans tout ce qu'elle a de plus beau et douloureux.
Un beau et grand moment de cinéma, tout simplement, ou il profitait de l'occasion, à l'instar de papy Scorcese pour son adaptation d'Hugo Cabret, pour étoffer sa fibre révérencieuse en rendant hommage avec maitrise, à tout un pan du septième art (du Nouvel Hollywood en passant par le cinéma muet et noir et blanc), en revenant à l'essence même du cinéma : la force de l'image primant littéralement sur la force des mots.
Près de trois ans plus tard, c'est un cinéaste résolument plus engagé qui nous revient avec un drame puissant et nécessaire profondément ancré dans son époque : Dark Waters, thriller d'investigation sur l'affaire DuPont (et le fameux scandale du Téflon) qui remet tout en haut de la chaîne alimentaire Hollywoodienne, le sous-genre de dénonciation et de lutte contre le pouvoir établi, popularisé au coeur des 70's (Z, Les Hommes du Président,...) avant d'être un brin vulgarisé à l'aube de la dernière décennie par un vent d'ironie empoisonnant venue d'une réalité ou la théorie du complot est devenu une monnaie courante.



Et il y est bien question de poison ici, celui qui gangrène physiquement les terres (les grosses firmes n'ayant aucune honte à déverser leurs produits chimiques partout sans être inquiété) et ceux qui y habitent (ou vivent grâce à elle), mais aussi celui qui fragilise les mentalités et la moralité à une heure politiquement et socialement sombre, ou l'on est tous - ou presque - confrontés de plein fouet aux dérives du monde libéral et du capitalisme.
Tout en retenue, il ne fait que pointer du doigt un fait indéniable et même, plus fou, totalement assumé : depuis début des années 1950, Dupont, la plus puissante entreprise chimique américaine, a utilisé des matériaux toxiques dans un certain nombre de ses produits, sachant parfaitement bien - en raison des propres recherches internes de l'entreprise - les effets désastreux que ces matériaux pouvaient avoir sur quiconque serait entré en contact avec eux.
Avec force et d'une manière incroyablement réelle et complexe, le nouveau long de Todd Haynes restitue ce sentiment de choc et de crainte face à la découverte de vérités répugnantes longtemps tapis dans le silence, mais surtout le sentiment encore plus terrifiant et désespérant d'une lutte impossible face à un pouvoir qui, quoique l'on face, trouvera toujours un moyen de nous battre même dans le tort le plus absolu.
Plus encore que le bouillant Erin Brockovich de Steven Soderbergh (au sujet pas si éloigné), Dark Waters subjugue par l'intensité et la palette émotionnelle qu'il dégage, sa manière d'osciller entre une investigation palpitante et captivante, et une porté sociologique proprement effrayante, mettant en images le mélange de cynisme et de dédain incroyable qu'on " les grands de ce monde " à privilégier sans remords l'économie à l'humain.
Vissé aux basques d'une figure obstiné, loyale et courageuse étant longtemps du mauvais côté de la barrière (Robert Bilott, un avocat de la défense des entreprises), véritable David moderne face à un Goliath de jour en jour plus puissant (et dont on ne voit que la pointe de l'iceberg toxique), se nourrissant des déséquilibres qu'il orchestre lui-même, le film incarne une expérience à couper le souffle et profondément cathartique, à la conception certes classique mais férocement solide, dont le facteur X qui le démarque de ses récents petits concurrents (The Report en tête), est sa texture singulière.



Todd Haynes, qui n'a jamais réalisé un drame à distance comme celui-ci, colore le scénario avec une dimension sous-jacente d'obsession personnalisée, et prend totalement faits et cause d'un homme qui s'échine à dévoiler l'empoisonnement réel de la vie américaine.
Loin de n'être qu'un docu-fiction conçu comme une attaque féroce contre la cupidité des entreprises, c'est un formidable exposé sur pellicule, de la corruption environnementale dont on est tous plus ou moins acteur, mais surtout victime.
Porté par une mise en scène magnifique et dépouillée ainsi que par un casting vedette impliqué (d'un Mark Ruffalo époustouflant en avocat émoussé qui se réveille lentement, à une Anne Hathaway formidable en femme devant endurer le combat de son mari, entre agonie déchirante et loyauté, en passant par un Bill Camp tout en fureur impuissante), Dark Waters est une merveille de thriller d'investigation, aussi nécessaire et pertinent qu'il est dérangeant - dans le bon sens du terme -, qui hante autant qu'il appelle à l'action, tant on en sort tout sauf en sécurité.


Jonathan Chevrier 



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