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[CRITIQUE] : Millenium Actress


Réalisateur : Satoshi Kon
Acteurs : avec les voix de Miyoko Shôji, Mami Koyama, Fumiko Orikasa,...
Distributeur : Septième Factory
Budget : -
Genre : Animation, Drame, Fantastique, Romance.
Nationalité : Japonais.
Durée : 1h27min.

Synopsis :
Lorsque les prestigieux studios de cinéma Ginei font faillite, une chaîne de télévision commande un documentaire et mandate deux journalistes pour retrouver et interviewer Chiyoko Fujiwara. Celle qui fut une des grandes stars de la Ginei, et qui vit recluse chez elle depuis trente ans, accepte la proposition et se lance dans le récit de sa vie. Adolescente, avant la guerre, elle croise la route d’un jeune dissident politique qui essaie d’échapper à la police. Ce dernier lui confie une clef avant qu’elle ne l’aide à s’enfuir en train et qu’il disparaisse brutalement de sa vie. Amoureuse éperdue, elle décide de devenir actrice de cinéma dans l’espoir que le fugitif la reconnaisse un jour sur un écran et qu’il la retrouve...



Critique :

Suite au succès de l’ambitieux Perfect Blue, en 1997, Satoshi Kon commence à travailler sur son Paprika. Mais suite à des problèmes de production, il est amené à travailler sur un autre film, Millenium Actress.
Millenium Actress est d’abord pensé comme une oeuvre-illusion, un “trompe-l’oeil”.
Au centre de cette illusion, se trouvent les relations humaines, d’abord celle entre une artiste et ses fans (comme dans Perfect Blue); avant d’élargir son propos aux relations humaines dans leur ensemble.


Ce canevas, confus au premier abord, triomphe cependant par son originalité, son propos touchant et sa sincérité criante.
L’ouvrage exprime tout cela grâce à un montage haletant, mêlant réalité et fiction, souvenirs et espérance.
Nous sommes invités à rejoindre la folle épopée d’un réalisateur, Genya Tachibana, et de son caméraman, Kyoji, déterminés à enregistrer un documentaire retraçant la vie de Chiyoko, grande actrice de son époque, vivant désormais seule dans une petite maison reculée.
Invitée à partager son expérience, Chiyoko livre ses souvenirs et son histoire. Une histoire qui est celle du cinéma japonais et de ses idéologies, ses motifs, ses angoisses et ses secrets. Une histoire intimement mêlée à celle du Japon qui traversa des troubles bien spécifiques. Chiyoko traverse les époque et les pellicules. Toujours au centre de l’image, les époques et les paysages se succèdent sous ses pas. Elle est ancrée dans le sol, liée à la Terre et ses tremblements.


On la découvre jeune actrice amenée à jouer devant la caméra des premiers émois qu’elle vient d’éprouver dans la vraie vie. Il est difficile de déterminer ce qui relève de la fiction et ce qui est véridique dans son récit. Cette confusion s’interrompt parfois pour laisser de la place au réalisateur et son cadreur, et par extension, aux spectateurs dont ils sont les reflets.
Elle court Chiyoko, après les rôles, après l’amour, après la vie... Dans les films et dans ses rêves. Et derrière elle, Genya court pour la sauver. Le thème, la fuite en avant, est si central que le morceau le plus emblématique du film, composé par Susumu Hirasawa (le compositeur fétiche de Satoshi Kon) s’intitule «  Run Chiyoko ».
Et le spectateur d’être embarqué dans cette course folle. Le temps s’écoule différemment dans le cinéma de Satoshi Kon.
Sa perception n’est pas linéaire mais sensible. Le réalisateur, par son montage, si particulier, nous met au défi de comprendre ce qui tient du vrai et ce qui est une image. Le médium de l’animation challenge ce que l’on tient pour vrai dans une histoire.


Satoshi Kon nous prouve qu’au fond, ce qui est vrai n’est pas important car le message véritable de son œuvre est, je le crois, que tout est vrai, surtout les impressions et les sentiments. Ce ne sont pas de simples fables que l’on se raconte, ce sont des éléments centraux de nos identités. On ne court jamais après les souvenirs pour se raconter la vérité, on court après les souvenirs pour se rappeler ce que l’on a ressenti et qui l’on était quand on les a ressenti. Et quand on se souvient de ça, on devient nous-mêmes à nouveau.


Marie-Laure