[CRITIQUE] : Lillian
Réalisateur : Andreas Horvath
Actrice : Patrycja Planik.
Distributeur : Nour Films
Budget : -
Genre : Aventure, Drame.
Nationalité : Autrichien.
Durée : 2h08min.
Synopsis :
Lillian, échouée à New-York, décide de rentrer à pied dans sa Russie natale. Seule et déterminée, elle entame un long voyage à travers l’Amérique profonde pour tenter d’atteindre l’Alaska et traverser le détroit de Béring…
Critique :
Ode rugueuse à la marginalité qui peut aussi, d'une certaine manière, se voir comme un vrai appel au voyage et au dépassement de soi comme Into The Wild - en volontairement plus singulier -, #Lilian est une oeuvre tragique, radicale mais surtout intimement poétique et touchante. pic.twitter.com/qSYpKy288i— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) December 11, 2019
Il y a quelque chose d'infiniment frustrant à l'idée de se dire que l'un des meilleurs films de la dernière Quinzaine cannoise et de la dernière réunion de l'Étrange Festival, soit un chouïa muselée par une sortie dans l'anonymat le plus total, entre un chef-d'oeuvre Malickien - Une Vie Cachée -, et une pluie de divertissements made in America qui risquent de fatiguer même les cinéphiles les plus tolérants (on pense fort à toi Cats).
Pourtant, Lillian premier long du cinéaste autrichien d’Andreas Horvath, un habitué du documentaire, mérite amplement toute l'attention qu'on pourra lui porter durant sa (logiquement) courte distribution en salles.
Road-movie minimaliste à la lisière du documentaire (logique quand on relit la phrase précédente), librement basé sur une histoire vraie quasi-centenaire (celle d'une jeune femme de l'est qui, dans les années 20, avait decidée de partir de New York pour rejoindre sa Russie natale à pieds), la péloche tisse en filigrane un regard morose sur la fausse promesse de l'American Dream autant que sur les dérives politiques et idéologiques d'une nation malade (et dont la pertinence est puissante, puisque perçue par le regard d'une immigrée au visa expiré), tout en démontant avec une irrévérence enthousiasmante, plusieurs codes imposants du survival.
Qu'elle soit confronté à la jungle sombre et rurale, ou à la dureté et à l'hostilité de dame nature, multiples cadres aussi furieusement cinégéniques que tragiques, le cinéaste capte avec acuité la solitude intense qui l'habite (rien ni personne ne lui parle, sauf des panneaux publicitaires impersonnels et limite agressifs), elle dont on ne saura finalement rien de plus que ce qu'elle veut bien nous montrer, figure mystérieuse voire même presque fantomatique d'un périple titanesque au coeur de terres abandonnées, crepusculaires et surtout indomptés (ou plutôt carrément indomptable) d'une Amérique des oubliés et qui elle-même, s'oublie.
À la quête potentiellement philosophico-volubile balançant la clé de ses tenants à l'écran, le cinéaste préfère l'épopée mutique et brute de décoffrage, qui ne dénote dès lors jamais de son cadre, toujours fixée sur une héroïne comme si la caméra, et par extension le spectateur, tissait un lien indéfectible et empathique avec elle, sa détresse face à une immensité interminable étant on ne peut plus palpable.
Ode à la marginalité qui peut aussi, d'une certaine manière, se voir comme un vrai appel au voyage et au dépassement de soi comme Into The Wild - en plus singulier, notamment dans sa mise en scène presque expérimentale -, Lillian est une oeuvre tragique, radicale mais surtout intimement poétique et touchante.
Jonathan Chevrier