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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #13. Before Sunrise

Photo by Hulton Archive / Getty Images - © 2013 Getty Images

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !






#13. Before Sunrise de Richard Linklater (1995)

Il est assez fou de ce dire que cela fait désormais vingt-quatre ans cette année, que le merveilleux trio Richard Linklater/Julie Delpy/Ethan Hawke nous ont permis de faire la connaissance de Josse et Céline, deux jeunes adultes dont l'amour aussi empathique qu'universel, narré sur une toute petite poignée d'heures seulement, en aura fait sans contestation possible l'un des couples les plus attachants de l'histoire du septième art, pour tout cinéphile ayant eu la chance de pouvoir mirer et se laisser séduire par leur romance compliquée - et donc infiniment réaliste.
En l'espace de trois films étalés sur un tout petit peu moins de cinq heures, quintessence de ce que le cinéma indépendant US fait de meilleur, ils auront su habilement dynamiter et révolutionner un genre littéralement souillé dans les grandes largeurs par une Hollywood - mais pas que - privilégiant le pathos de supermarché au réalisme naturel, dans des comédies plus génériques que romantiques.

Photo by Hulton Archive / Getty Images - © 2013 Getty Images


Et tout à simplement démarrer au coeur d'une journée ensoleillée d'été, dans un TGV où les querelles d'un couple d'allemand n'auront jamais paru aussi salutaires : sans elles, jamais Jesse, jeune américain qui traverse l'Europe pour se remettre d'une peine amoureuse - et rentré au plus vite dans son Amérique natale -, n'aurait adressé la parole à Céline, une française de retour d'un voyage familial, et qui s'apprête à préparer sa rentrée à la Sorbonne.
Mais la vie fait bien des choses et, un sujet de discussion en allant à un autre, ils vont sympathiser et apprendre à se plaire, à tel point que lorsque Jesse doit quitter le train à sa destination, Vienne, il propose à Céline de passer la nuit avec lui, à arpenter une capitale autrichienne qu'il ne connaît pas, tout comme sa compagne improvisée...
Et si la magie de l'amour et de la vie tout simplement, fera le reste, c'est aussi et surtout celle du septième art, qui fera son oeuvre de la plus intime et douce qui soit.
Gentiment lové entre les cinémas d'Olphus et Rohmer (un cinéma miroir troublant, ou les personnages semblent réels tout en jouant pourtant un rôle), Before Sunrise déjoue aussi bien qu'il étreint passionnément les codes de la bluette qu'il égraine avec une fausse légèreté incroyable, tant c'est dans la superficialité qu'il semble montrer (née d'un travail d'écriture et d'appropriation titanesque), qu'il dégage toute la puissance de son oeuvre sur la naissance du sentiment amoureux.

Photo by Hulton Archive / Getty Images - © 2013 Getty Images

C'est dans ses dialogues foisonnant, traitant de tout et de rien - mais passionnant à suivre -, que Linklater va permettre à ses deux héros de se dévoiler, de laisser transparaître autant leurs personnalités que leurs failles et leurs désirs d'aller plus loin qu'une simple nuit idyllique et hors du temps (même si ses dits mots et certaines actions, sont parfois subtilement contradictoires, le spectateur sait la vérité), car ce n'est rien d'autre qu'un amour fou qu'ils sont en train de vivre.
Ne lâchant jamais ses personnages, filmés en longs plans-séquences et incarnés à la perfection par deux acteurs fusionnant littéralement avec leurs doubles à l'écran (Julie Delpy et Ethan Hawke, dont la profondeur des liens qui les unit à leurs rôles, n'aura de cesse de grandir au fil des opus) le cinéaste retranscrit l'existance et la quête romantique dans ce qu'elle a de plus banale, poétique et pure même si quelques détails naïfs pourraient un poil trancher avec son souci de crédibilité de chaque instant (que ce soit le fait d'accepter de suivre aveuglément un inconnu dans un lieu que l'on ne connaît pas, où encore le fait que rien ne vient troubler la bulle créée par Jesse et Céline).

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Sans grand artifice (une caméra et deux acteurs impliqués), Linklater nous enivre dans sa quête d'un réalisme tellement authentique qu'ils nous impliquent passionnément jusqu'à l'ultime morceau de sa bobine qui, à l'époque, n'appelait pas encore une suite neuf ans plus tard, et encore moins une suivante dans le même laps de temps, qui approfondiront encore un peu plus le procédé de d'ultra-réalisme sentimental.
Impossible de ne pas se prendre à ce jeu de séduction perdu d'avance pour le spectateur, ni de ne pas vouloir croire après, naïvement peut-être, en l'importance de l'amour et la puissance d'une rencontre fortuite.
La force des grands moments de cinéma, et Before Sunrise en est assurément un.


Jonathan Chevrier