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[CRITIQUE] : Au Bout du Monde


Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
Acteurs : Atsuko Maeda, Ryô Kase, Shôta Sometani,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Japonais, Ouzbek, Qatarien.
Durée : 2h00min

Synopsis :
Reporter pour une émission populaire au Japon, Yoko tourne en Ouzbékistan sans vraiment mettre le cœur à l’ouvrage. Son rêve est en effet tout autre… En faisant l'expérience d’une culture étrangère, de rencontres en déconvenues, Yoko finira-t-elle par trouver sa voie ?




Critique :



Il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont le talentueux et prolifique Kiyoshi Kurosawa semble férocement brouillé les pistes avec son dernier long-métrage, le bien nommé Au Bout du Monde, laissant volontairement dans le flou un auditoire ne sachant pas vraiment à quoi s'attendre là ou le film semblait pourtant partir sur une histoire plus que banal.. comme un peu tous les longs du cinéaste, en somme.
Partant sensiblement dans la droite lignée de son fantastique Seventh Code, avec une héroïne catapultée sur une terre plus qu'hostile, le film s'amuse pourtant tout du long, à jongler avec les genres et les ambiances tel un funambule qui n'a jamais peur de trébucher, en contant l'histoire singulière d'une journaliste japonaise, Yoko qui, accompagnée par une équipe de télévision, tente de produire un reportage sur un animal marin rare en Ouzbékistan.
Evidémment, rien ne va se passer comme prévu, la tentative de reportage est un cuisant échec et l'équipe va errer dans un pays qu'elle ne connaît ni d'Adam ni d'Eve, dans le seul but de ramener quelque chose à la maison, et si possible des images les plus insolites qui soient...



Comme à son habitude, l'intrigue simpliste n'est ici que prétexte, un terrain de jeu planté pour que le cinéaste puise s'amuser à sa guise, multipliant les genres (la comédie, le drame, le thriller et même le film musical et le film de fantômes), l'irrévérence qui lui est chère (une manière habile de questionner l'envers du décor des prises de vue, partant littéralement sur réflexion même sur le processus de création et laissant parler sa caméra comme personne, transcendant des scènes en apparence simples (un simple voyage en bus), pour en faire de vrais moments de cinéma parfois profondément anxiogènes.
Véritable trip expérimental drôle, dépaysant et délicat, certes loin d'être dénué de quelques longueurs mais passionnant, Au Bout du Monde se veut au final autant comme une comédie lâche et acide sur le difficile choc des cultures - une incompréhension aussi bien physique que psychologique - qu'un mélancolique récit initiatique d'une femme (lumineuse et touchante Atsuko Maeda) devant lutter contre ses propres angoisses intimes et un déracinement profond.
Une poétique et pure balade existentielle et personnelle, dont la fausse légèreté n'a d'égale que la passionnante gravité de son âme, un Kurosawa peut-être pas majeur, mais hautement recommandable.


Jonathan Chevrier