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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #8. Face/Off

Copyright Touchstone Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !





#8. Volte/Face de John Woo (1997)

A une heure ou il est très douloureux de voir Nicolas Cage se consumer à petit feu au sein de séries B de luxe flirtant douloureusement avec la bordure du Z (de nombreuses gouttes de pisses qui vont bientôt faire déborder la cuvette pour les amoureux du bonhomme), il est si bon de se remémorer aux bons souvenirs de ses meilleures péloches - surtout d'action -, pondues aux dernières heures des 90's : Rock, Les Ailes de l'Enfer mais aussi (et surtout) Volte/Face; de loin le meilleur film - le moins amputé pour être plus juste - du roi John Woo sur les terres de l'oncle Sam, et un véritable objet de fascination pour moi durant toute mon enfance.
Exemple parfait du triste sort réservé aux cinéastes étrangers expatriés aux États-Unis, le bonhomme, d'une humeur méchamment revancharde après deux opus divertissants mais un poil informe (Chasse à L'Homme, Broken Arrow), s'était mis en tête de gentiment latter les burnes du cinéma d'action ricain en lui offrant son rejeton le plus irrévérencieux et dopé à la surenchère.
Volte/Face donc, véritable petite miracle viscéral au postulat de départ complètement barré et très SF sur les bords (un flic va prendre le visage et l'apparence physique de son pire ennemi dans le coma, pour déjouer un attentat, jusqu'à celui-ci en fasse de même à son réveil), est ni plus ni moins une explosion de jubilation et d'éblouissement artistique.
S'appuyant sur ses thèmes de prédilection (la gémellité entre l'innocence et la culpabilité, la pureté et la dépravation, la vérité et l'apparence), le cinéaste transcende le concept de l'anticipation scientifique en illustrant avec une subtilité et une ambiguïté rare, la définition du bien et du mal dans la psyché de deux anti-héros.


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On suit les actions de deux ennemis jurés, deux personnages qui vivent dans l'obsession quasi constante de détruire l'autre : quand Troy sera dans le coma, l'autre Archer, devrait se sentir libre et pourtant, tant que les méfaits de Castor Troy ne seront pas définitivement effacés du monde, il aura toujours en lui un poids qui le perturbera.
Incapable de faire son deuil (et de gommer une culpabilité qu'il s'est lui-même attribuée), il choisira de devenir l'autre, pour l’éliminer complètement.
Et c'est là que toute l’ambiguïté du métrage atteint son paroxysme, car en devenant l'autre, l'ennemi ultime, chacun ne fera que se détruire lui-même : la séquence la plus culte du film, celle du miroir, le démontre implacablement.
Dos à dos contre un miroir, les deux ennemis tentent de trouver un terrain d'entente pour retrouver chacun leur existence d'antan, mais voyant très vite qu'ils n'arriveront à aucun compromis, ils décident à nouveau de s'entretuer.
Ils se retournent face au miroir derrière lequel se trouve l'ennemi et font feu, le miroir renvoyant à chacun le visage à abattre, mais au final c'est leur identité propre qu'ils se doivent d'éliminer, pour avoir une chance de redevenir eux-même...
Une ambiguïté dans les deux personnages principaux qui se reflète inéluctablement sur leur entourage, qui se laisse complètement berner par les apparences.
Même s'ils émettent des réserves, aucun ne peut soupçonner ce changement d'identité.
Quand Archer devient Troy, et colle une raclée à un codétenu, tout le monde l'acclame alors que Sean est en totale perte de repères; quand ses anciens complices l'accueillent, ils ont des doutes mais ils se laissent tout de même séduire par cette figure proche de ce qu'ils avaient connu, folle et imprévisible.
Idem pour Troy en Archer, ses collègues du FBI le portent au nu, sa fille le respecte plus et même sa femme se laissera séduire par les attentions d'un mari qu'elle a toujours voulu en sécurité dans un bureau, et plus sur le terrain.


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Dans des univers inconnus, les deux s'adaptent et cela même au risque de cruels sacrifices : en devenant le méchant de l'histoire, Archer annihilera toutes ses croyances, se remettra profondément en question, épousant même l'adrénaline de la violence alors que Castor, en " gentil ", détruit l'image qu'il incarnait en liquidant ses amis malfrats (tout en sauvant même le couple et la famille, de son rival).
Littéralement déstabilisant, troublant, ce jeu des ambivalences est d'une complexité et d'une densité rare, un complet vertige psychologique habilement maitrisé d'une main de maitre par un Woo en totale possession de ses moyens, et ne lésinant jamais sur une surenchère visuelle absolument dément (les scènes anthologiques sont légion : le miroir, la fusillade dans l'appartement vue par les yeux du petit Adam, la poursuite finale).
Alignant les anecdotes à la religion (les symboles religieux; les références bibliques avec le nom de la femme de Archer, Eve, et de l'enfant qu'ils adopteront, Adam), s'appuyant sur un scénario en béton armé - de Michael Colleary et Mike Werb -, un producteur intelligent et franchement impliqué (coucou Michael Douglas), un score puissant, porté par deux acteurs en complet état de grâce : Nicolas Cage (tout en folie grimaçante et en douleur intérieur, de loin l'une de ses plus belles performances) et John Travolta (grandiose, à la fois touchant, disjoncté et troublant), ainsi que des seconds-rôles de qualité (Joan Allen, Gina Gershon, Thomas Jane, Alessandro Nivola et le réalisateur Nick Cassavetes); John Woo accomplit quasiment l'impossible en accouchant en tout point d'un chef-d’œuvre du cinéma d'action moderne.


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D'ailleurs, on ne peut s'empêcher de penser à Ulysse quand on regarde le parcours impossible de Sean Archer qui, tout comme dans l'odyssée d'Homère, subit des mésaventures incroyables alors que son unique but est de rentrer chez lui.
Bref, une hallucinante histoire d'échange de visages, extraordinaire de bout en bout, qui marqua mon enfance autant que celles de nombreux bouffeurs de VHS.
S'il te plaît Nic, redeviens comme avant...



Jonathan Chevrier

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