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[CRITIQUE] : The Art of Self-Defense


Réalisateur : Riley Stearns
Acteurs : Jesse Eisenberg, Alessandro Nivola, Imogen Poots,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h44min.

Synopsis :
Après s'être fait attaquer dans la rue en pleine nuit par un gang de motards, le timide comptable Casey décide de s'inscrire à des cours de karaté afin de pouvoir se protéger en cas de nouvelle agression. Sous l'oeil bienveillant de son charismatique professeur, Sensei, Casey découvre un sentiment nouveau ; la confiance en soi. Mais l'image auréolée de son instructeur tombe quand le jeune homme participe aux cours du soir de son mentor...




Critique :




Il y a quelque chose de totalement frustrant à l'idée de voir comment la majorité des belles productions indépendantes que défend le génial Jesse Eisenberg par sa présence, peine à sensiblement trouver son chemin dans les salles obscures hexagonales... où même son chemin tout court, tant même une sortie obscure et timide en VOD, paraîtrait déjà une lueur d'espoir un tantinet encourageante.
Si la liste est longue comme un bras (Vivarium devrait sortir au moins en salles, merci The Jokers, et Resistance de Jonathan Jakubowicz est une co-production française donc l'espoir est là), gageons que le petit coup de pouce offert par l'Étrange Festival à l'excellent The Art of Self-Defense de Riley Stearns, pourrait lui permette d'avoir de beaux jours dans l'hexagone, car il le mériterait amplement.
Vissé aux basques d'un jeune homme sans ami ou presque - il a un teckel -, la péloche suit l'histoire de Casey, timide gaillard dans la trentaine, qui voit sa vie bouleversée quand il se fait attaquer un soir par des motards.
Bien décidé à s'armer (le hic, c'est que le processus pour en obtenir une est long) et changer un brin, il s'inscrit à des cours de karaté où il grimpe aussi vite les échelons que sa confiance en lui et son estime de sa personne, regagne en assurance.
Mais tout va vite changer lorsqu'il suivra des cours du soir, uniquement réservés aux ceintures noires et brunes, où la brutalité est reine...


Bleecker Street

Comédie noire franchement amusante et proprement dérangeante à la fois, visant à pointer du bout de la pellicule une toxicité particulièrement masculine et une morale sociétaire sensiblement à la rue depuis longtemps, la péloche est un vrai petit bout de cinéma ambitieux, qui vise à frapper avec une mathématique délicate, là où cela fait mal, brossant son auditoire dans le sens du poil avant de volontairement le choquer par de petites touches isolées mais marquantes, au coeur du parcours iniatique prenant d'un comptable attachant, qui a découvert une estime de soi improbable, même si elle prend racine dans des préceptes férocement erronés.
Caractérisant ce parcours initiaque/anti-anxiété aux couleurs des ceintures du karaté, comme une sorte d'indicateur/étiquetage comportemental du héros (on passe d'un jaune ensoleillé, caractérisant un positivisme excitant et salvateur, à un marron sombre et sinistre, correspondant à une colère et une agressivité bouillonnante), dont le nom est volontairement unisexe, le film séduit par sa propension à croquer le besoin maladif de l'homme à chercher à comparer sa virilité/légitimité dans l'approbation/acceptation de ses contemporains (et surtout du mâle Alpha), quitte à se complaire dans la dominatiion, la manipulation et/ou l'acquiescement, quand on est définitivement plus vulnérable qu'un autre.
Le réalisateur - et également scénariste - Riley Stearns ne prend jamais de gants pour asséner la lucidité de son message ironico-alarmant, quitte à user d'une violence surprenante et totalement décomplexée, bien plus alignée sur la rugosité de Fight Club que la bienveillance karatéka de Karaté Kid, dont il est une double relecture tordue et assumée via de nombreux clins d'oeil parfaitement identifiables.


Bleecker Street

Dans le rôle du sensei hilarant et effrayant à la fois, qui considère sa ceinture noire comme un permis de mutiler son prochain avec sadisme, Alessandro Nivola offre un répondant absolument génial et manipulateur à la partition appliquée d'un Eisenberg en terre connue (les personnages timides, nerveux et bavards sont un peu sa marque de fabrique), dont la palette de jeu nuancée, lui permet d'explorer toutes les facettes ambiguë de son personnage, et de nous le rendre incontestablement empathique là ou sa transformation ne devrait pourtant jamais le permettre (une ambivalence qui colle tout du long au ton du film).
Belle performance également de la douce Imogen Poots, volcan de féminité dans un océan de testostérone, luttant contre la misogynie qui gangrène son quotidien.
Abordant à sa manière le genre du film sportif et de la transformation physique et psychologique qu'il peut amener à ses pratiquants, The Art of Self-Defense est un délice de comédie noire déstabilisante, minimaliste et pertinente dans sa mise en image volontairement pathétique et hilarante - voire même effrayante - de la toxicité masculine.


Jonathan Chevrier