[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #50. Rocky III
Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM) |
Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#50. Rocky III - l'Oeil du Tigre de Sylvester Stallone (1982)
Passé un second opus qui, quoiqu'en diront certains, fut au moins aussi réussi que son illustre aîné (et pour lequel, pour la première fois de la saga, Stallone portait la triple casquette de réalisateur/scénariste/comédien titre), où l'attachant boxeur des bas fonds de Philadelphie passait du statut de loser magnifique/outsider, à celui de champion du monde poids lourd dans un final aussi dantesque qu'émouvant, Sylvester Stallone se devait de conclure les aventures de Rocky Balboa avec un ultime opus.
Un au-revoir demandé par tous, et que son auteur voyait au départ comme un véritable chant du cygne ou l'Étalon Italien devait purement et simplement...mourir.
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Heureusement, Sly n'a jamais pu se résoudre à voir son alter-ego mourir et, faute de convaincre un public réticent à le voir ailleurs que dans un ring (les flops successifs de tous ses films hors Rocky, le démontre amèrement), il va totalement changer de fusil d'épaule et accentuer encore un peu plus l'image méta qu'à Balboa avec sa propre carrière à Hollywood.
Exit la magie touchante du mélodrame intime des deux premiers volets, Rocky III entre pleinement dans l'air totalement débridée et pop glamour des 80's : Stallone est une superstar mondiale et son alter ego, lui-même champion ultime d'un noble art qu'il représente à travers le globe, doit encaisser de plein fouet cette mutation physique, psychologique et sociologique.
Totalement conscient des impératifs qu'impose l'époque aux divertissements populaires, Stallone concentre sa troisième histoire bien plus sûr la carrière de Rocky que sur sa cellule familiale (un revirement encore plus extrême, à tous les niveaux, sera opéré sur Rocky IV), mais surtout bien plus sur l'action, brutale et intense, que sur le drame, sans pour autant brader les thèmes essentiels de la saga, ni s'empêcher quelques envolées réflexives (on y décèle une jolie même si légère, théorisation sur l'embourgeoisement et la notion de célébrité).
Plus court, plus musclé et rythmé, Rocky III ne s'embarrasse que de peu de chose et va strictement à l'essentiel : marquer son auditoire avec des coups qui font mal, que ce soit ceux que l'on reçoit (aussi bien sur le ring qu'en dehors, Balboa n'a jamais été autant éprouvé) ou ceux que l'on donne (le boxeur tape plus fort qu'à l'accoutumée).
Et si la saga change, Rocky et par extension Stallone, doit lui aussi changer... et de manière radicale.
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Affûté comme un mi-lourd (80kg tout mouillé), grâce à un entraînement titanesque (qu'il appliquera au moins jusqu'au milieu des 90's), Sly se transforme véritablement en boxeur professionnel, quitte à même tout faire pour en affronter un en vrai à l'écran (Joe Frazier avait un temps été espéré, avant qu'il ne mette k.o. l'acteur en quelques secondes, sur une simple session d'entraînement), avant de judicieusement se raviser et de jeter son dévolu sur Mister T (alors bodyguard et pas encore superstar ni à la WWE, ni à la TV US dans L'Agence Tout Risque), pour incarner le terrifiant Clubber Lang.
Un buffle brutal lui aussi né dans des quartiers difficiles (à Chicago), mais qui à la différence du Rock, n'attend pas qu'on lui donne sa chance pour le titre (il la réclame de force, dans la provocation et la colère) et boxe uniquement pour fracasser son adversaire, le blesser pour lui faire regretter d'être monté sur un ring face à lui.
Un anti-Apollo - plus égocentrique et puncheur -, qu'il méprise évidemment, là ou Balboa lui, se transforme peu à peu comme son ancien adversaire, un champion victime de son succès, qui s'est embourgeoisé à un tel point qu'il va devoir recevoir une bonne piqûre de rappel affective (la mort de Mickey) et sportive (une déculottée menant à une perte de titre expéditive), pour réagir et changer sa boxe.
Sauf qu'à l'exception de Creed, il ne sera pas seul pour effectuer son changement, et il sera justement aidé par son ancien ennemi devenu entre-temps son meilleur ami, Apollo, et l'ancien entraîneur de celui-ci (le génial Duke).
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Touchant son héros dans sa propre virilité et son propre statut de boxeur champion (les vannes de Lang et les " manigances " de Mickey pour le protéger), avant de lui faire retrouver sa flamme - le dit " oeil du tigre " -, au coeur d'un retour aux sources modeste et salvateur, Rocky III conforte la transformation en vainqueur absolu de son héros - jamais on ne doutera de la réussite de son come-back -, symbole de la réussite véhiculée par un American Dream voulant encore dire quelque chose... à l'époque.
Facile autant dans son scénario cousu de fil blanc, que dans l'évolution de ses personnages (jadis rival, Creed devient le BFF du héros, Paulie passe du boulet violent au boulet/ressort comique usé à l'extrême) et sa mise en scène (inspirée dans l'action mais fébrile en dehors), le film n'en est pas moins porté par de belles fulgurances : l'amitié naissante et fraternelle entre Apollo et Rocky (leur entraînement est magique), remplace joliment la relation filiale entre Mickey et Rocky (dont la mort est l'une des séquences les plus bouleversantes de la saga, plus encore que celle d'Apollo, assez expéditive au final), tandis que l'amour indéfectible unissant le boxeur et sa femme Adrian, qui s'affirme ici de plus en plus comme une épaule forte sur laquelle il peut se reposer (elle ne le quittera pas de tout le film, même dans ses séances d'entraînement), se solidifie encore plus durablement.
Leur union gagne étonnamment en puissance sans pour autant jouer la carte de l'intime - comme dans les deux premiers films -, et atteint son point culminant lors d'une superbe discussion à coeur ouvert sur la plage, entre peur et encouragements vibrants, face à leur proches.
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Ce qu'il perd en profondeur dramatique (la musique si reconnaissable de Bill Conti, laissait d'ailleurs peu à peu sa place aux tubes pop, ici l'iconique et sur-utilisé avec le temps Eye of The Tiger de Survivor), le film le récupère en spectaculaire férocement énergique et enthousiasmant, tant Stallone transforme ses boxeurs en gladiateurs des temps moderne où le public s'exalte, comme à l'époque de la Rome Antique, face à des hommes jouant littéralement leur vie (Apollo peut en témoigner et, dans un sens, Rocky aussi) pour être le meilleur et le plus adulé.
Un virage fort - symptomatique de son époque folle -, brutal et jouissif, qui servira presque de brouillon sur pellicule au mythique Rocky IV, le plus faible opus de la saga d'un point de vue cinématographique (quoique, ça se discute), mais clairement le plus décomplexé, entraînant et génial des désormais huit films.
La marque Rocky était devenue la victime de son propre succès, tout comme Stallone et pourtant, même inférieur au chef-d'oeuvre original, les films suivants ont toujours su nous divertir et nous toucher au plus haut point, sans ne jamais faiblir d'un iota (même pour le mal-aimé Rocky V).
La magie Rocky, tout simplement...
Jonathan Chevrier