[CRITIQUE] : Papicha
Réalisateur : Mounia Meddour
Acteurs : Lyna Khoudri, Nadia Kaci, Yasin Houicha,...
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Algérien, Belge, Qatarien
Durée : 1h46min
Synopsis :
Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux " papichas ", jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.
Critique :
Juste, énergique et solaire, entre insouciance et horreur,#Papicha est une quête impossible de liberté pour une poignée de femmes portant toutes en elles un cri de douleur et de rage vibrant contre l'obscurantisme. Un 1er film exceptionnel, parcourut pat de vrais moments de grâce pic.twitter.com/tBk3CLIhVX— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) June 3, 2019
Le Festival de Cannes est avant tout et surtout, un champ de tous les possibles, une bénédiction pour tous les cinéphiles de découvrir une pléthore d'oeuvres dans des conditions uniques, chose que ne peuvent plus tellement nous offrir les salles obscures, la faute à une proposition de plus en plus imposante, et une distribution de plus en plus complexe pour les petites firmes.
Un film célébré sur la Croisette peut clairement se payer sa part du lion dans la jungle des sorties annuels, et c'est décemment tout ce que l'on peut souhaiter à Papicha, premier long-métrage de Mounia Meddour, qui nous rappelle joliment le merveilleux Mustang de Deniz Gamze Ergüven, dont le succès n'aurait pas été le même en 2015, sans Cannes.
Grâce à un scénario finement scripté, subtil aux dialogues excellents, la réalisatrice nous fait dès le départ le complice privilégié d'une poignée de femmes attachantes et modernes - croquées à la perfection -, engagées dans une douloureuse et tragique lutte contre la tyrannique et oppressive société archaïque, suivant au pied de la lettre (et de manière pas forcément toujours logique) les conventions et traditions au point de plus en plus s'enfermer sur elle-même.
Dans un pays qu'elles aiment et qu'elles ne comptent pas quitter - même s'il ne leur rend jamais cette amour -, où l'homme cherche coûte que coûte à prendre le contrôle du corps de la femme, pour qu'il n'est aucune forme d'expression ni de liberté, les héroïnes du film de Mounia Meddour portent toutes un cri de douleur vibrant contre l'obscurantisme, un message que la cinéaste délivre avec puissance (avec le stylisme en toile de fond) et sans concessions - quelques scènes chocs et immondes marquent la rétine -, n'ayant pas peur de bousculer son ton et son rythme à de nombreuses reprises.
Férocement intime, sensible, aussi douloureux qu'audacieux et grave sans ne jamais tomber dans la facilité de la caricature, Papicha souligne avec force la condition fragile et injuste de la femme dans l'Algérie politiquement et religieusement houleuse des années 90 (et qui n'a pas forcément changée aujourd'hui), par la grâce d'une mise en scène inspirée et maîtrisée tout autant que par l'interprétation lumineuse d'un casting fort, totalement voué à sa cause et d'un naturel renversant (superbe Lyna Khoudri).
Juste, énergique et solaire, entre insouciance et horreur, cette quête impossible de liberté parcourut de vrais moments de grâce, est un premier essai des plus poignant et exceptionnel, de loin l'un des bijoux de la dernière sélection cannoise.
Jonathan Chevrier