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[CRITIQUE] : Her Smell


Réalisateur : Alex Ross Perry
Acteurs :  Elisabeth Moss, Agyness Deyn, Dan Stevens, Cara Delevingne,...
Distributeur : Potemkine Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h15min

Synopsis :
Becky Something est une superstar du rock des années 90 qui a rempli des stades avec son girls band : "Something She". Quand ses excès font dérailler la tournée nationale du groupe, Becky est obligée de compter avec son passé tout en recherchant l'inspiration qui les a conduites au succès.


 
Critique :

 
Figure de proue d'un septième art indépendant new-yorkais qui compte les honnêtes artisans à la pelle, Alex Ross Perry continue de gentiment rouler sa bosse dans la jungle hostile Hollywoodienne, toujours accompagnée de ce qui est son actrice fétiche, la merveilleuse Elisabeth Moss, pour qui il a offert quelques-uns de ses plus beaux rôles sur un grand écran encore un poil trop timide pour réclamer son talent avec frénésie.



Passé un sympathique Listen Up Philip mais surtout un brillant et douloureux Queen of Earth en 2015, ou l'actrice campait aux côtés de la toute aussi exceptionnelle Katherine Waterston, une femme glissant peu à peu dans la dépression suite au décès de son père et de sa rupture abrupte avec son compagnon, le duo remet le couvert en ses premières heures de l'été avec Her Smell, chronique puzzle sur une star du rock, Becky Something, dont les excès mettent sérieusement à mal une tournée internationale.
Et comme pour ses précédents essais, le style du cinéaste irrite une fois encore, autant qu'il séduit.
Adepte du style purement masochiste du cinéma d'attraction-répulsion, avec des personnages furieusement antipathiques, Alex Ross Perry se fait un malin plaisir de croqué dans son drame catapultée au coeur du milieu punk féministe, une héroïne furieusement narcissique et totalement imbue d'elle-même, une femme frustrante à suivre et insupportable dont les excès divers et variés, répétés en boucle durant tout le métrage, sont une prison anxiogène pour ses proches autant que pour un auditoire dont la patience sera sérieusement mise à rude épreuve.



Structuré en cinq séquences clés (d'une durée équivalente, filmées en temps réel et majoritairement en coulisses) comme avait pu le faire le duo Aaron Sorkin/Danny Boyle dans le fantastique Steve Jobs, l’impression d’ensemble du métrage est celle d’un tunnel de scènes épousant le point de vue en complète roue libre de Becky (même si la mise en scène s'en éloigne subtilement au gré des chapitres), au point de frôler l'overdose, jusqu'à une reconstruction silencieuse et salvatrice menée par une évolution inéluctable auprès de son entourage, débarquant bien trop tard - plus d'une heure de métrage - pour pleinement embarquer.
Surtout qu'à trop se focaliser sur son personnage principal (Elisabeth Moss, parfaitement imbuvable en mode Courtney Love), Perry délaisse sérieusement aussi bien les sous-textes fascinant entraperçu par son écriture (l'étude du statut de rock star populare, entre anticonformisme, féminisme et succès) que tout le reste de son casting Agyness Deyn tente d'exister comme elle peut, et s'est bien la seule), quitte à définitivement annihiler le peu d'empathie qu'aurait pu contenir son histoire.



Pourtant, et de manière totalement improbable, cette séance éprouvante - surtout dans ses trois premiers actes - et volontairement désagréable sous fond de trip punk assourdissant, pourrait se voir sous un prisme plus métaphorique et, de facto, bien plus supportable, en tant que quête viscérale d'une réponse à la passionnante question : peut-on séparer l'artiste de l'art ?
Est-il possible au fond, de dissocier la grandeur d'un talent et l'atrocité d'une personnalité abjecte, comme si les facultés innées et reconnues d'une chanteuse, pouvait presque servir d'alibi à un comportement férocement répréhensible et toxique.
Dès lors, la caméra intime et presque personnage à part entière (elle cherche à être au plus près de Becky tout autant qu'elle cherche souvent à la fuir, ne tolère pas plus qu'elle ne lui pardonne ses excès), de Perry, pourrait se voir comme le témoin d'une artiste qui n'est plus elle-même, dont la muse est le désordre, et dont la transcendance sur scène exige qu'elle soit profondément au fond du trou quand elle n'y est plus.
Une vraie rockstar, dans toute l'auto-destruction et le génie qui la caractérise.



À voir dans quel camp on se place donc après vision, mais Her Smell a au moins tout du long, le mérite de proposer une vision sans la moindre concession et suffocante, d'une antihéroïne incomparable, et définitivement trop rare dans les salles obscures...


Jonathan Chevrier

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