[CRITIQUE] : Si Beale Street Pouvait Parler
Réalisateur : Barry Jenkins
Acteurs : KiKi Layne, Stephan James, Regina King, Coman Domingo,...
Distributeur : Mars Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h59min
Synopsis :
Harlem, dans les années 70. Tish et Fonny s'aiment depuis toujours et envisagent de se marier. Alors qu'ils s'apprêtent à avoir un enfant, le jeune homme, victime d'une erreur judiciaire, est arrêté et incarcéré. Avec l'aide de sa famille, Tish s'engage dans un combat acharné pour prouver l'innocence de Fonny et le faire libérer…
Critique :
Comme #Moonlight,#SiBealeStreetPouvaitParler incarne un sublime drame intime & sensoriel, Jenkins utilise les couleurs tel un peintre expressionniste pour mieux mettre l'accent sur des personnalités, des émotions, des pensées, des regards qui rendent les mots totalement superflus pic.twitter.com/s38rCV7Yuq— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 21 janvier 2019
Si par la force des choses, nous étions passablement passé à côté du premier long-métrage de Barry Jenkins - Medicine For Melancholy -, son second lui, nous a bien gentiment marqué la rétine : Moonlight, de loin l'une des plus belles péloches d'une année 2017 qui les comptait pourtant à la pelle.
Une oeuvre crève-coeur et tout en pudeur sur une âme en pleine quête identitaire et cherchant continuellement sa voie, une chronique douce et brutale à la fois, certes parfois un poil trop naïve, mais d'une poésie et d'une élégance rare, au parti-pris visuel et esthétique incroyable - grâce à la photographie remarquable signée James Laxton.
Un beau moment de cinéma inspiré et inspirant, qui appelait une attente légitime et à la limite de la démesure, concernant la vision de son troisième essai, If Beale Street Could Talk, inspiré du roman éponyme de James Baldwin.
Une attente démesurée mais totalement comblé car, comme son illustre ainé, le film est un pur produit indépendant aussi ambitieux qu'il est important, transpirant autant l'aprêté du bitume que la sincérité évidente de ces oeuvres urbaines férocement enracinées dans une réalité douloureuse et implacable.
Comme pour Moonlight, Jenkins laisse exploser toute la sensibilité qui l'habite et trace avec une douceur et une justesse rare, les grandes lignes destructurée et aux résonances universelles, d'une sublime romance entre deux êtres dont la tendresse des regards qu'ils partagent, adoucit tout, même l'horreur aux portes de leurs âmes et de leur quotidien frappé brutalement par l'incarcération injuste, de l'un d'eux.
Dans la fureur du New-York des années 70, Si Beale Street Pouvait Parler brise le quatrième mur (les personnages semblent regarder/interagir autant avec les autres qu'avec Jenkins et les spectateurs) pour mieux nous placer au coeur d'un couple cédant sa parole du " je " à celle du " nous ", incarnation de cette jeunesse confrontée à la volonté écrasante d'un monde supprématiste à la violence sourde et brutale, qui ne décide de ne pas voir la pureté de leur union, préférant sensiblement tiquer sur sa couleur pour mieux la priver de sa beauté et (surtout) de sa liberté.
Ne tombant jamais ni dans le misérabilisme facile et manichéisme qui l'est tout autant, le cinéaste invite le spectateur à faire corps avec ce qu'il voit, à examiner une poignée de personnes (les amis, l'entourage) dans ce qu'ils sont l'un pour l'autre, dans leur regard et leur dignité déchirante, utilise les couleurs tel un peintre expressionniste sur pellicule, pour mieux mettre l'accent sur des personnalités, des émotions, des pensées, des visions qui rendent les mots totalement superflus.
Dans la droite lignée de Moonlight tout en étant la fois son opposé sur plusieurs points, Barry Jenkins se fait orfèvre pudique du septième art et capte des morceaux de vies enlacés avec nostalgie entre passé et présent, pour mieux parler de l'existence au pluriel, de l'éternel combat entre le bien et le mal, l'amour et la haine et de son écho à travers l'histoire et le temps.
Rien n'a fondamentalement changé entre les années 70 et aujourd'hui, le cinéaste le sait mieux que personne et il nous le rappelle dans un poème lyrique, contemplatif et bouleversant ou tout sonne juste, du casting (parfait, du couple exceptionnel KiKi Layne/Stephan James à la merveilleuse Regina King) à la bande originale (le score envoûtant et subtil de Nicholas Britell), en passant par la photographie (lumineuse signée James Laxton) et même la mise en scène (virtuose et au sens du cadre percutant).
Bref, Si Beale Street Pouvait Parler est un nouveau bijou poétique, politique, humble, désenchanté et habité, rien de moins.
Qu'on se le dise, l'année ciné 2019 démarré vraiment, vraiment bien...
Jonathan Chevrier