[CRITIQUE] : Qui a tué Lady Winsley ?
Réalisateur : Hiner Saleem
Acteurs : Mehmet Kurtulus, Ezgi Mola, Ahmet Uz, Mesut Akusta, ...
Distributeur : Memento Films Distribution
Budget : -
Genre : Policier, Comédie
Nationalité : Turc, Français, Belge
Durée : 1h30min
Synopsis :
Lady Winsley, une romancière américaine, est assassinée sur une petite île turque. Le célèbre inspecteur Fergan arrive d’Istanbul pour mener l’enquête. Très vite, il doit faire face à des secrets bien gardés dans ce petit coin de pays où les tabous sont nombreux, les liens familiaux étroits, les traditions ancestrales et la diversité ethnique plus large que les esprits.
Critique :
Exercice de style drôle et délicieux mais bien plus ambitieux que sa fausse légèreté ne laisse paraître, #QuiaTuéLadyWinsley est une comédie policière portée par un propos sérieux et profond sur la haine envers les kurdes et la place des femmes. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/ieuS5ZOFd4— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 3 janvier 2019
Hiner Saleem est ce genre de réalisateur hétéroclite. Passant d'un genre à l'autre, son univers très intime ne trouve pas forcément son public. Que ce soit pour son premier long métrage la comédie politique Vive la mariée... et la libération du Kurdistan, ou son précédent film My Sweet Pepper Land, un western. Malgré son côté touche à tout, le réalisateur ne perd jamais son sujet de prédilection, à savoir la discrimination envers les kurdes (il est lui-même irakien, d'origine kurde) et ose un sous texte politique sans en avoir l'air. Il en va de même pour son tout nouveau film, Qui a tué Lady Winsley ? au faux air de comédie légère britannique.
Par son titre et sa bande annonce, le film pouvait aisément passer pour une énième adaptation de la reine du crime britannique Dame Agatha Christie. Pourtant, il n'en est rien. Qui a tué Lady Winsley ? provient directement de l'esprit de Hiner Saleem et de sa co-scénariste Véronique Wüthrich. La romancière américaine Betty Winsley est venue s'échouer sur l'île Büyükada en plein milieu du Bosphore. Une île touristique en été mais déserte en hiver, saison qu'a choisi cette mystérieuse Winsley. Son assassinat prend tout le monde de court, les policiers en premier qui décident de faire appel à un inspecteur expérimenté venant d'Istanbul, Fergan. Il se heurte à l'esprit refermé de ces habitants, qui se préoccupent plus de leur petite vie que de ce meurtre violent. Cette île paradisiaque déserte va devenir vite étouffante pour l'inspecteur Fergan et les suspects vont se succéder. Une intrigue digne d'un Hercule Poirot, à l'humour pince sans rire typiquement anglais.
Mais ne vous y trompez pas, Qui a tué Lady Winsley ? n'est pas juste la comédie policière légère et drôle. Sous la façade se cache un propos beaucoup plus sérieux et profond sur la haine envers les kurdes et la place des femmes. L'esthétique du film fait penser à celui reconnaissable du film noir, donnant un contre point intéressant et humoristique au début du film. Ces plans esthétisant renforcent un malaise général qui gagne aussi bien Fergan que le spectateur. Tout le monde nous paraît suspect. Entre un commissaire perdu, une police inexistante et corrompue, des hommes machistes et violents envers leur femme, des femmes au foyer racistes qui pensent pouvoir “tuer qui elles veulent sur leur île”. Plus le temps passe, plus la haine de la différence prend de la place, ainsi que la violence sur les femmes. Les hommes de l'île laissent penser que le meurtre de Lady Winsley était de sa faute car c'était une femme “aux mœurs libres”. Elle n'est décrite que par son apparence “une belle femme”, “une tentatrice” alors qu'elle était avant tout une femme lettrée et intelligente, raison de son assassinat.
Qui a tué Lady Winsley ? est un exercice de style délicieux mais bien plus ambitieux que sa fausse légèreté ne laisse paraître.
Laura Enjolvy