[FUCKING SERIES] : Hippocrate saison 1 : Sublimer les héros du quotidien
(Critique - avec spoilers - de la saison 1)
Et
si la télévision française commençait peu à peu, à faire comme sa
cousine d'outre-Atlantique et adapter en masse des films au succès
populaires reconnus ?
L'apocalypse est encore loin -
quoique -, mais voir une série dérivée d'un film par chez nous, est un
fait suffisamment rare pour être notifié, surtout quand le réalisateur
dudit film, est une nouvelle fois le maître a bord du show.
Ce
qui est le cas de Thomas Lilti avec Hippocrate donc, déclinaison d'une
excellente péloche redéployée en une série de huit épisodes au sujet
similaire, mais aux personnages et à la trame sensiblement différente.
S'inspirant
toujours librement de son vécu d'interne pour étoffer et crédibiliser
la matière de sa fiction, diluant le ton volontairement léger du film
pour lui préférer un aspect plus doux-amer pour mieux traiter du thème
hautement délicat, de la responsabilité médicale, Hippocrate version
télé, respectant encore plus au pied de la lettre la réalité avec un
casting sous le signe de la parité, suit les aléas de quatre internes
(dont Karim Leklou et Louise Bourgoin, parfaits et impliqués) devant
composer avec leurs caractères et leurs vies personnels autant que leur
inexpérience et les difficultés du métier (le quotidien, le manque de
moyens, des figures tutélaires absentes,...).
Un
canevas tissé avec malice ou chaque destin se confrontent et se lient
pour mieux offrir au spectateur une immersion passionnante et passionnée
en plein cœur d'un service hospitalier public et du milieu hautement
impitoyable du monde des internes, finalement encore plus pertinente que
son pendant cinéma puisque plus propice au développement avec quelques
heures de plus au compteur.
Visant constamment
juste avec un réalisme saisissant - pas d'effets foireux et docu-fiction
à la Zone Interdite ici -, pour nous faire prendre conscience de la
réalité de l'envers du décor ainsi que du poids imposant et épuisant de
la blouse, la série aligne même avec finesse de vrais et purs instants
d'émotions et d'angoisses - la mort inévitable qui hante inlassablement
les lieux - pour mieux rendre furieusement empathique et humain son
récit initiatique et intime à quatre coeurs sous fond de drame social et
militant (puisqu'il véhicule de vrais débats de société) sensiblement
pertinent.
Anti-spectaculaire
et volontairement banal (donc vrai), pointant brutalement du doigt les
défaillances du système autant qu'il rend hommage à ceux qui font en
sorte de le faire fonctionner tant qu'ils le peuvent (sans ne jamais
compter ni la fatigue, ni la maladie, ni la lassitude), Hippocrate
version série est un vrai drame romanesque puissant et authentique à la
belle collection de personnages faisant face de plein fouet à la
douloureuse misère humaine.
Une belle réussite modeste, généreuse et sincère, qui mérite bien une seconde saison, déjà à l'écriture.
Jonathan Chevrier