[CRITIQUE] : Les Animaux Fantastiques : Les Crimes de Grindelwald
Réalisateur : David Yates
Acteurs : Eddie Redmayne, Jude Law, Johnny Depp, Katherine Waterston, Alison Sudol, Dan Fogler, Ezra Miller, Zoé Kravitz,......
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Fantastique, Aventure.
Nationalité : Britannique, Américain.
Durée : 2h14min
Synopsis :
1927. Quelques mois après sa capture, le célèbre sorcier Gellert Grindelwald s'évade comme il l'avait promis et de façon spectaculaire. Réunissant de plus en plus de partisans, il est à l'origine d'attaque d'humains normaux par des sorciers et seul celui qu'il considérait autrefois comme un ami, Albus Dumbledore, semble capable de l'arrêter. Mais Dumbledore va devoir faire appel au seul sorcier ayant déjoué les plans de Grindelwald auparavant : son ancien élève Norbert Dragonneau. L'aventure qui les attend réunit Norbert avec Tina, Queenie et Jacob, mais cette mission va également tester la loyauté de chacun face aux nouveaux dangers qui se dressent sur leur chemin, dans un monde magique plus dangereux et divisé que jamais.
Critique :
Suite d'un opus d'introduction ayant elle-même des airs douloureux d'introduction à un univers vraiment foisonnant,#LesCrimesdeGrindelwald qui privilégie judicieusement la noirceur à l'émerveillement, croule bien trop sous le poids de ses imperfections pour que la magie l'emporte pic.twitter.com/SZahTv7Wik— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 16 novembre 2018
Force est d'avouer que la première monture du spin-off de la vénérée franchise Harry Potter, sobrement intitulé Les Animaux Fantastiques et toujours chapeauté par l'indéboulonnable David Yates, nous avait sensiblement laissé sur notre faim, entre la joie immense de pouvoir retrouver l'univers familier des sorciers sur grand écran (avec, qui plus est, une intrigue bourrée jusqu'à la gueule de clins d'oeil envoyés aux amoureux de HP), et la déception d'une histoire simpliste et maladroite à souhait.
Un opus d'introduction plus ou moins bien charpenté, esthétiquement renversant sans être réellement transcendant (la définition même du travail de Yates sur la saga), et qui perdait vite toute l'originalité et l'innocence de son sujet en calquant son rendu sur le modèle super-héroïque (référence du moment pour toute origin story) : une pluie de personnages brossés à la va-vite, un ton et un contenu aussi léger qu'il est prévisible, culminant à un final bruyant et pétaradant - à la limite du destruction porn.
On attendait donc vivement la suite - toujours attendue au tournant dans les franchises -, qui se devait d'être autant le prolongement des aventures de Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne, sympathique) que le vrai pont entre la franchise spin-off et la franchise mère, avec l'arrivée en grande pompe de Dumbledore (Jude Law, tout simplement parfait) et Grindelwald (Johnny Depp, vraiment convaincant), sans pour autant négliger un contexte historique fort - la montée du nazisme et l'avant Seconde Guerre Mondiale -, et propice à nourrir la guerre entre les clans de sorciers.
Sans grande surprise, Les Crimes de Grindelwald traite de tous les sujets en même temps et, sans grande surprise non plus, se manque sur la majorité de ses ambitieux thèmes, la faute à une intrigue brouillonne et contradictoire à souhait, regroupant quasiment les mêmes malus que son ainé : quelques longueurs (franchement) discutables, une avalanche de personnages sous-traités voire complètement anecdotiques (ceux déjà installés s'en sortent mieux que les nouveaux, sacrifiés sous le poids du nombre), un manque cruel de base solide (on se croirait a nouveau face à un film d'introduction) encore des parallèles sociaux et politiques avec la société contemporaine pas assez creusée.
Dommage, quand on sait que le duo Rowling/Yates s'était mis au diapason en épousant pleinement la face sombre de son univers, opérant un parallèle fascinant avec la montée du fascisme (et le spectre de la collaboration) dans le cadre loin d'être anodin, de la capitale française, et la désespérante (effrayante ?) politique contemporaine.
À tel point que la noirceur prend parfois totalement la place de l'émerveillement cher au premier opus - ce qui n'est pas un mal, bien au contraire -, mais l'intrigue, telle une tour infernale qui prend feu d'étages en étages au fil des minutes, ne tient jamais vraiment la route et l'on se retrouve très vite avec le fâcheux sentiment d'assister à un nouveau divertissement malade jamais solide ni vraiment à la hauteur de ses ambitions, même s'il ouvre des pistes (l'affrontement Dumbledore/Grindelwald est excitant comme ce n'est pas permis) plus qu'enthousiasmantes pour l'avenir.
Honnête et plus mature donc, tout autant qu'il est étrange et bancal à l'extrême, auquel il manque ce " je-ne-sais-quoi ", cette petite magie (un comble dans un divertissement sur la sorcellerie) qui fait mouche, alors que J.K Rowling retrouve et aborde finalement, les mêmes thématiques que sur les aventures du sorcier à lunettes.
Mais une nouvelle fois, la grande question s'impose : était-il vraiment bon de rallonger la trilogie en une franchise de cinq films ?
L'avenir nous le dira, même si l'on commence déjà à s'en faire une bonne petite idée (et elle est loin d'être bonne, justement)...
Jonathan Chevrier
On ne peut pas se le cacher, ces dernières années cinématographique sont sous le signe de la redite chez Hollywood. Que ce soit reboot, remake, suite de saga culte, ces films divisent critiques et fans, proposent des films de qualité ou des navets et créent des débats sans fin. La saga fantastique de la romancière J.K Rowling, Harry Potter, ne fait pas exception. Les Animaux Fantastiques, sorti en 2016 se basait sur le sorcier Norbert Dragonneau, l’auteur du livre sur les animaux fantastiques (ce même livre qu’étudie Harry et ses collègues plus tard). Un choix audacieux, quand on sait que les fans attendaient plutôt un film sur la jeunesse de Lily et James Potter, ou un film sur Tom Jedusor. Malgré le titre, on s’aperçoit très vite que les animaux en question ne sont qu’un faire valoir. Cette nouvelle saga (qui va compter cinq films) vont creuser du côté du combat entre Dumbledore et Grindelwald, le mage noir qui a précédé Voldemort.
Si le premier gardait une certaine magie, une certaine naïveté malgré ses défauts, Les Crimes de Grindelwald ne réitère pas tout cela, lui préférant une écriture bâclée, qui recycle toutes les recettes (magique) de la saga originelle. J.K Rowling se focalise sur la montée en puissance de Grindelwald, son discours faussement libérateurs aliénant les esprits naïfs et désœuvrés, cherchant à se sentir protéger dans une atmosphère d’après-guerre. Si tout cela paraît être une bonne idée, le fait que Les Crimes de Grindelwald soit un préquel le dessert. Le propos a déjà été approfondi dans Harry Potter. Le fait est que tout est très manichéen (les très gentils contre les gros méchants), là où les autres films avaient de la nuance.
On le voyait venir, mais dans ce second opus, le personnage de Norbert est sacrifié par une avalanche de seconds rôles. Il n’évolue pas dans le film, et il est écartelé parmi les nombreux arcs narratifs. Dans cette nouvelle saga, nous plongeons enfin dans d’autres univers magiques. New-York pour le premier, ici on nous plonge dans le Paris des années 20. Malheureusement, comme pour Norbert, ce décor est vite expédié et offre de rares séquences intéressantes. Mais qu’est-ce qu’il reste donc alors ? Du fan service. Voir Dumbledore jeune, Poudlard, Nicolas Flamel, … Rien n’est laissé au hasard de côté là. Ce qu’il manque, c’est de la magie justement. Si on pense à quelques scènes féeriques (le moment Sherlock Holmes de Norbert), la magie est quasiment absente (un comble pour un film sur des sorciers).
Les Crimes de Grindelwald nous montre ce que l’on pressentait : la saga n’a plus grand chose à nous offrir. Était-il judicieux de rallonger le nombre de films ? L’avenir nous le dira...
Laura Enjolvy
Après avoir réanimé la magie avec Les Animaux Fantastiques, David Yates et JK Rowling œuvre un virage ambitieux avec Les Crimes de Grindelwald. Signant un film éminemment politique, le voile du désenchantement drape un univers faisant face à la montée d’un magicien qui envenime la vérité, exaltant les peurs en enjôlant les foules.
L’une des forces de JK Rowling est d’avoir compris que son public a grandi. Dès lors, elle s’autorise à aborder des questionnements bien plus complexe et audacieux, Les Crimes de Grindelwald se déploient quasiment comme un film d’espionnage, essayant de mettre la main sur le jeune Croyance. Entremêlant la montée des populismes, le meurtre d’enfant, la manipulation des foules, l’autrice ne tient plus à nous émerveiller, mais nous effrayer et brandir ainsi un miroir de notre propre époque.
Véritable éclatement du récit, Les Crimes de Grindelwald brassent une grande galerie de personnages éclectiques dont les certitudes et doutes sont mis à rudes épreuves par le pouvoir de séduction d’un mage noir en opposition totale avec Voldemort. C’est la que réside l’autre force du film, l’autrice parvient à rendre Grindelwald (Johnny Deep assez bluffant) bien plus perfide que son successeur. Moins tranchant, il aime arrondir les angles, laissant croire que le désaccord est possible, il a l’art de l’éloquence et ses nombreuses nuances fascine.
Là ou les Harry Potter avaient - de façon générale - deux clans rudement délimités dans lesquels la plupart des personnages entrés, Les Animaux Fantastiques se présente bien plus flous dans sa définition du bien et du mal. Que cela soit au travers du cheminement de Queenie ou celui de Croyance, JK Rowling tend à montrer que le basculement des êtres n’est pas aussi simple qu’on peut le croire. On peut tous à un moment doté être séduit non pas par l’idée elle-même, mais par la manière dont elle est présentée.
Redisant les liens unissant les deux sagas, Les Crimes de Grindelwald fait revenir en périphérie de son récit Albus Dumbledore (Jude Law, parfait), mais s’amusent également avec les arbres généalogiques ramenant ainsi des noms comme Lestrange ou Carrow au sein de l’intrigue. Cet aspect, un brin nostalgique, est renforcé par l’apparition émouvante de Poudlard donnant lieu à une incohérence que l’on taira ici.
Néanmoins, David Yates (en ferveur défenseur du cinéaste que je suis) signe un beau travail, oscillant entre le spectaculaire d’une scène d’introduction absolument dantesque, à l’émotion immédiate d’une scène ou Grindelwald montre une vision de la future Seconde Guerre mondiale.
En bref, réajustage en prévision du futur, Les Crimes de Grindelwald ne possèdent pas le cadrage temporel d’un Harry Potter. Dès lors il apparaît comme un morceau d’un puzzle bien plus grand qu’il faudra attendre pour complètement comprendre. Pour autant, JK Rowling offre une suite clairement ambitieuse et remplie de promesses.
Thibaut Ciavarella