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[CRITIQUE] : Ága


Réalisateur : Milko Lazarov
Acteurs : Mikhail Aprosimov, Feodosia Ivanova, Galina Tikhonova, Sergei Egorov, …
Distributeur : Arizona Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Bulgare, Allemand, Français
Durée : 1h37

Synopsis :
La cinquantaine, Nanouk et Sedna vivent harmonieusement le quotidien traditionnel d’un couple du Grand Nord. Jour après jour, le rythme séculaire qui ordonnait leur vie et celle de leurs ancêtres vacille. Nanouk et Sedna vont devoir se confronter à un nouveau monde qui leur est inconnu.




Critique :


Une idée incongrue s’est glissée dans l’esprit du réalisateur bulgare Milko Lazarov, celui à qui on doit Aliénation (Prix des Journées des Auteurs à Venise en 2013). L’idée d’aller tourner un film dans la toundra de Lakoutie, une république indépendante se situant en Sibérie, en hiver où il fait -40°C, avec une caméra 35mm. Un sacré pari, plus que réussi. Projeté pour la clôture du festival de Berlin 2018, Ága sort enfin en salle chez nous. Si vous êtes en recherche d’un film émouvant, chaleureux et intime, vous frappez à la bonne porte.



Nanouk et Sedna ne sont plus tout jeune. Pourtant, ils continuent leur vie de sédentaire. Une vie dure dans une contrée hostile, glacée. Une routine bien installée : pêche dans la glace, construction de piège pour les gibiers, soupe de poissons, onguent fait maison pour soigner les blessures. L’effort est colossale, leur mode de vie est fragile, mais ils continuent. Une ombre se penche sur ce tableau cependant, celle de leur fille, Ága. Au fur et à mesure, le spectateur comprend qu’elle a rejeté le mode de vie de ses parents pour s’installer en ville. Une pilule dure à avaler pour eux, surtout pour Nanouk.



Et c’est là où le scénario dévoile son véritable sujet : le contraste entre la vie de Nanouk et Sedna, une vie sédentaire traditionnelle et la propagation de la modernité, même dans les coins les plus reculés de la nature. Ce combat perdu d’avance de la nature contre le progrès, montré comme un envahisseur. Lazarov et son chef opérateur Kaloyan Bozhilov sublime l’étendu de neige, ces paysages magnifiques d’un blanc immaculé. Et ils y imprègnent tout doucement la vie de la ville, une ombre menaçante. Le fantôme de Ága tout d’abord, sujet de chaque conversation. Puis la visite de leur fils, Champa et sa tâche d’huile de motoneige, noircissant la poudreuse. Et la mine de diamant où travaille leur fille, filmée comme une plaie béante vu d’en haut entourée de la nature. Pourtant Lazarov montre que tout cela est inévitable. Le mode de vie de Nanouk et Sedna n’est plus qu’un souvenir. Le changement fait partie de la vie, comme le fait de voir ses enfants partir vers leur indépendance et faire leur propre choix.



Mais le réalisateur décide de s’intéresser non pas aux enfants qui partent, mais aux parents qui restent. Si la caméra est large quand elle filme les grandes étendues de neige, elle se ressert quand elle rentre dans la yourte du couple, pour capter leur quotidien au plus près. Les regards, les gestes répétés. Le but est de faire partager au spectateur leur mode de vie. Ága peut vite être contemplatif certes et il sera facile de rester de marbre face au côté redondant du montage. Mais ce couple est filmé avec un grand respect et leur affection mutuelle est touchante. Cette simplicité qui peut passer pour barbante est cependant ce qu’il fait la force du film.



Simple et touchant, Ága sublime cette nature âpre et sans pitié, tout en apportant une réflexion sur le progrès et la modernité.


Laura Enjolvy 



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