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[CRITIQUE] : First Man - Le Premier Homme sur la Lune


Réalisateur : Damien Chazelle
Acteurs : Ryan Gosling, Claire Foy, Jason Clarke, Kyle Chandler, Pablo Schreiber, Corey Stoll,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Drame, biopic.
Nationalité : Américain
Durée : 2h20min.

Synopsis :

Pilote jugé « un peu distrait » par ses supérieurs en 1961, Neil Armstrong sera, le 21 juillet 1969, le premier homme à marcher sur la lune. Durant huit ans, il subit un entraînement de plus en plus difficile, assumant courageusement tous les risques d’un voyage vers l’inconnu total. Meurtri par des épreuves personnelles qui laissent des traces indélébiles, Armstrong tente d’être un mari aimant auprès d’une femme qui l’avait épousé en espérant une vie normale.



Critique :


Tout est une question de dépassement de soi et de tempo dans le cinéma de Damien Chazelle, que ce soit celui exigeant de Terrence Fletcher où celui plus entêtant de la musique jazzy de Sebastian, la quête continuelle et minutieuse de la perfection est la clé du succès, et une seule fausse note est presque intolérable.
Quoi de plus logique alors, de le voir quitter sa " zone de confort " et de s'attacher au prisme d'un univers où il est, justement, question d'une minutie du geste extrême, d'un surpassement de soi constant et où les erreurs sont impardonnables tant elles mettent autant d'argent que de vies en jeu : l'aéronautique et l'espace.



Passé les étoiles du star-système, le voilà donc qu'il se lance dans rien de moins que la conquête de la lune avec First Man, biopic romancé (et adapté de la biographie de James R. Hansen) et férocement intime d'un homme dont le nom résonne dans l'histoire de l'humanité comme un pionnier inégalable : Neil Armstrong, premier être humain à avoir foulé le désert silencieux et poussiéreux de la lune.
Bien plus intéressé par l'homme derrière l'astronaute et le héros national (et même légendaire) que la mission Apollo (qu'il scrutte tout de même avec le bout de sa caméra), Chazelle décortique de manière analytique et quasi-expérimentale ce qui a façonné l'astronaute, cette homme appelé à se lancer dans un voyage dans l'inconnu à l'issue aussi terrifiante qu'incertaine, allant de la perte brutale d'un enfant à son amour inconditionnel pour sa femme, en passant par un entrainement titanesque de huit ans; le tout capté avec intensité au sein d'un poème éphémère organique et sensoriel, dont les envolées fougueuses et existentielles tutoient la grâce et la beauté du cinéma béni de Terrence Malick.



Loin du mythe Apollo et du mythe Armstrong, le cinéaste montre l'homme derrière le héros, l'âme écorchée vive et totalement dévouée à un accomplissement personnel hors du commun, le père de famille luttant avec courage contre les tragédies et la peur, un être obsessionnel et solitaire entouré par la mort et qui décide de l'affronter sans sourciller, pour " l'humanité ".
Dénué de tout cliché et d'académisme facile, First Man accumule les partis pris osés (visuels mais aussi bien scénaristique, tant le film est engagé politiquement sans jamais être patriotique et que Chazelle embrasse sans rechigner le moindre de ses choix scénaristique risqués) pour mieux privilégier l'immersion totale au sein d'une formidable aventure historique vue de l'intérieur, à la première personne, chose qui n'avait jamais réellement été faite auparavant, même dans les références 2001 de Stanley Kubrick (auquel Chazelle assume clairement sa révérence), L'Etoffe des Héros de Philip Kaufman ou encore Apollo 13 de Ron Howard.



Mieux, il en épouse tout l'aspect anxiogène et claustrophobique, à l'instar d'Alfonso Cuaron avec Gravity, et rend palpable tout du long une intrigue dont l'issue est l'une des plus prévisibles qui puisse être.
Une odyssée cathartique à l'échelle humaine, sublimé par un sound design férocement appliqué (sans oublier le score titanesque de Justin 
Hurwitz) et une direction d'acteur sans fausse note : Ryan Gosling, tout en retenue et en détermination, y compose l'une de ses plus belles performances (même si certains se plaindront encore une fois de son jeu mutique tout en regards intenses) face à une Claire Foy lumineuse et indécente de justesse dans la peau d'une femme dévouée et aimante.
Un poil plus en retrait, Jason Clarke n'en est pas moins exceptionnel, tout autant que le définitivement trop rare Kyle Chandler, qui font fît d'un temps de présence limitée pour mieux magnifier la grandeur d'une oeuvre collective - comme la mission Apollo.



D'une histoire supposément connue de tous, Chazelle fait de First Man une oeuvre volontairement mélancolique, écrasante et formellement grandiose, un drame poignant sur la fuite et le deuil flirtant langoureusement avec le thriller intense à la lisière du documentaire intimiste, qui coupe le souffle de son auditoire dès sa (très) impressionnante ouverture.
Un balai des sens immersif et humain où la mort hante chaque effort, où la raison embrasse la déraison, où la grandeur naît d'un sacrifice total et absolu.


Jonathan Chevrier




Depuis Whiplash en 2014 et La La Land en 2017, Damien Chazelle est un peu le réalisateur coqueluche du moment. Oscarisé pour le dernier film, il est même rentré dans la légende de Hollywood en devenant le plus jeune réalisateur à recevoir l’Oscar du meilleur réalisateur (oui rien que ça). En seulement trois films et un court-métrage, ce jeune homme de trente-trois ans n’a plus rien à prouver. Pour son nouveau film, Chazelle s’attaque à un gros morceau, le biopic. First Man - Le premier homme sur la lune est centré, comme son titre l’indique, sur Neil Armstrong. Étonnant qu’il ne raconte pas l’histoire de son homonyme Louis Armstrong, le musicien de jazz alors que tous ses anciens films tournent autour de cette musique. Moins étonnant quand on sait que pour la première fois de sa carrière, Chazelle ne signe pas le scénario de son film (Nicole Perlman et Josh Singer en sont les auteurs).



A l’instar de Whiplash et surtout de La La Land, First Man - Le premier homme sur la lune aura moins tendance à se faire élire “chef d’oeuvre de l’année”. Pour la bonne raison que Chazelle ne va pas du tout là où on l’attendait. Il abandonne les couleurs chatoyantes de sa comédie musicale et abandonne les grands mouvements de caméra pour se concentrer uniquement sur son personnage principal. Ici, l’intime remplace l'esbroufe, la difficulté, l’échec et la mort remplace l’amour. Si vous attendiez un film qui donnerait envie à tout le monde de devenir astronaute, il faudra assurément passer votre chemin. Chazelle ne glorifie pas cette quête de la lune et choisit de placer les péripéties dans l’échec et surtout la mort. Car son personnage principal traverse de nombreuses épreuves, de nombreux deuils et il est hanté par ces tragédies. D’une aventure spatiale culte, Chazelle en fait un film intime et donne une réponse plus nuancée sur le pourquoi de ce dépassement. Et vous savez quoi ? Ce choix en fait un film absolument sublime.



On ne peut plus en douter après la première séquence du film. Au lieu de nous montrer du grandiose : la terre, l’atmosphère, l’espace, le réalisateur met et laisse sa caméra dans l’habitacle, là où se trouve Armstrong et filme l’intérieur dans son moindre petit détail. Les boulons, le bruit atroce du métal, les mécanismes… Un sentiment d'authenticité nous traverse, car nous avons l’impression d’être à la place de Armstrong. Chaque bruit, chaque mouvement est une source d’angoisse (on en vient même à se demander si tel bruit est normal). First Man est complètement immersif et cela, à chaque mission spatiale. La séquence de la mission Gemini 8 est incroyablement intense alors qu’on ne quitte jamais ses deux astronautes. Et bien évidemment, la séquence de l’alunissage où le travail sur le son est immersif (le meilleur plan du film et peut-être même de l’année est celui où on découvre la lune, à la hauteur du personnage avec ce silence absolu… sublime on vous a dit !).



Là où le bât blesse par contre sont les séquences terrestres entre deux missions spatiales. Armstrong s’inscrit dans les personnages préférés de Chazelle, ceux qui ont une passion dévorante et qui sacrifie cela à l’amour et à la vie de famille. Miles Teller quittant sa copine, Ryan Gosling et Emma Stone se séparant pour réaliser leur rêve, l’obsession artistique ne peut s’obtenir si on ne sacrifie pas quelque chose. Ici, l’obsession est caractérisé par le travail de Neil, qui prend une place conséquente dans sa vie. Mais il a quand même sa famille, femme et enfants qui restent tout le long du film, comme un retour en arrière des convictions de Chazelle. A part la séquence du début, dévastatrice (et pour cause), les scènes familiales sont presque dénuées d'intérêt (malgré Claire Foy et son talent). Comme si elle n’avait pas leur place, une émotion inexistante. On pourrait prendre cela comme un couac dans le scénario, des moments creux ponctués de séquences splendides. Et bien, non, l’intelligence de ces scènes se retrouvent plus tard. Si on pensait que les meilleures scènes étaient derrière nous après l’alunissage, Chazelle nous prouve le contraire en nous proposant une magnifique séquence muette, des retrouvailles de Neil avec sa femme Janet. Et là, tout prend un sens. First Man met Neil au centre de son histoire. Et si l’émotion était contenue, c’était lui qui la refoulait. Le film en lui-même tient là son but : replacer l’humain dans l'événement historique.



First Man - Le premier homme sur la lune ne trouvera peut-être pas un public aussi facilement que La La Land, mais il faut lui laisser une chance. Petit bijou intimiste et immersif, le magnifique travail sur les détails et les silences rendent l’émotion palpable.


Laura Enjolvy