[CRITIQUE] : Sur la plage de Chesil
Réalisateur : Dominic Cooke
Acteurs : Saoirse Ronan, Billy Howle, Anne-Marie Duff,...
Distributeur : Mars Films
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h50min.
Synopsis :
1962. Dans une Angleterre encore corsetée par des conventions sociales étouffantes, Florence et Edward, la petite vingtaine, viennent de se marier. Aussi inexpérimentés l'un que l'autre, ils passent leur première nuit ensemble dans un hôtel guindé sous l'œil un rien moqueur du personnel. Totalement tétanisés à l'idée de faire le moindre faux-pas, ils se souviennent, chacun, de leur rencontre. Florence, brillante violoniste élevée dans une famille fortunée et conservatrice, était tombée sous le charme d'Edward, aspirant écrivain issu d'un milieu plus modeste…
Critique :
Drame poignant sur le manque de communication, l’incompréhension et l’intimité de couple, #SurlaplagedeChesil, porté par un couple vedette Saoirse Ronan/Billy Howle attachant, démontre avec force que l’amour ne suffit pas toujours pour sauver un couple. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/kqvJJ0x91n— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 17 août 2018
On Chesil Beach est à voir surtout pour la composition impeccable - comme toujours, en même temps - de Saoirse Ronan et les débuts à l’écran d’un Billy Howle (aperçu dans Dunkirk de Christopher Nolan) qui lui fait face sans rougir. Les deux acteurs portent sur leurs épaules un film qui n’est basé que sur la relation de leurs deux personnages ; le monde et les personnages qui les entourent ne relèvent systématiquement que du second plan. Même Chesil Beach n’est que le lieu de leur confrontation, sans que Dominic Cooke ne cherche particulièrement à l’esthétiser.
Le film se focalise sur la relation entre ses deux personnages, en prenant comme point de départ le début de leur lune de miel, soit quelques heures après leur mariage. Leur première relation sexuelle se pose comme un problème dans la mesure où elle n’apparaît comme allant de soir pour aucun des deux protagonistes. Par le biais de longs flash back, le réalisateur fait l’étude de leur relation ; on ne quitte donc pas les personnages une seule seconde, on va au contraire plus en avant dans leur psychologique. L’atmosphère est de plus en plus électrique, c’est là l’autre réussite de On Chesil Beach : être constamment au bord de la rupture, trouver du tragique dans une une situation aussi banale qu’inexplicable.
On Chesil Beach est un film singulier - au point qu’il en devient même difficile à comprendre avec un unique visionnage - mais également un film réussi.
Le réalisateur fait toutefois quelques choix discutables dans seconde partie de l’œuvre : si les ellipses temporelles fonctionnent littérairement parlant, leur adaptation littérale à l’écran fait preuve d’un classicisme difficilement excusable. Elles témoignent dans le meilleur des cas d’un certain manque d’assurance chez un réalisateur débutant (qui n’aurait pas su trouver sa légitimité à s’éloigner du matériau originel) ; au pire, d’une véritable faute de goût tant la forme est maladroite et déjà vue. On aura également du mal à déterminer si les maquillages des acteurs vieillis de quarante ans sont grandioses ou simplement grotesques, entre autres…
Augustin Pietron
Ian McEwan a décidément le vent en poupe du côté cinématographique. Cette année, ce n’est pas un mais deux films adaptés de deux de ses romans. My Lady sorti il y a deux semaines et maintenant Sur la plage de Chesil, où l’auteur a également été scénariste. Le film nous conte la nuit de noce d’un jeune couple fraîchement marié dans l’Angleterre des années 60. Mais contrairement à ce que l’on croit, tout n’est pas rose et tranquille chez ces jeunes gens, la pression du couple et du mariage va être à l’honneur.
Edward et Florence sont deux jeune gens que tout opposent. Elle, issue d’une famille “bien comme il faut” et aisée est une excellente violoniste. Lui, issue d’un milieu modeste, avec une mère pas tout à fait comme les autres, est passionné par l’histoire et la nature. Ils se rencontrent par hasard et c’est le coup de foudre. Au diable leur différence de milieu, ils sont jeunes et ils s’aiment. Ils se marient enfin et vont passer leur nuit de noce dans une ville du Dorset. Mais tout ne se passe pas comme prévu. L’acte physique afin de consommer le mariage devient un moment de doute, de peur, de remise en question et de torture.
Le film, avec une mise en scène tout à fait classique, met en exergue le talent de ses acteurs. Saoirse Ronan (toujours impeccable) mêle douceur et ténacité dans cette jeune femme pleine de rêve et d’enthousiasme. Billy Howle (vu récemment dans Dunkerque de Christopher Nolan) ne reste pas dans l’ombre en interprétant ce jeune homme naïf et brut. Ces deux personnages, qui ont pourtant une alchimie intellectuelle et affective indéniable n’arrive pas à se trouver charnellement. Malgré leur amour, un mur les sépare. Ce n’est ni à cause de leur amour ou de leur position sociale mais bien les mœurs de l’époque. La liberté sexuelle n’était pas encore en vigueur. Il était de bon ton d’attendre le mariage, surtout pour une jeune fille. Aucune éducation sexuelle n’était prévue. On encourageait les hommes à profiter avant le mariage (mais Edward étant timide est aussi ignorant que sa femme) et les femmes à attendre. Florence, assez stressée sur ce sujet avant son mariage en vient à acheter un livre sur le sexe et apprend comment fonctionne un pénis. Les séquences se passant dans la chambre d’hôtel sont teintées d’innocence et de maladresse adolescente, alors que nous avons devant nous un couple marié.
Mais le sexe n’est pas au centre du film. Il nous emmène plus loin que cela. Car le jeune couple n’était peut-être pas fait pour être ensemble en fin de compte et une série de flash-back nous donne des clefs de compréhension. Edward vit dans une famille repliée sur elle-même depuis l’accident de sa mère. Florence vit dans une famille trop rigide, entre les remontrance de sa mère et un traumatisme d’enfance lié à son père (mais le film laisse l'imagination au spectateur sur cette question). Ils vivent tous les deux dans un carcan qu’ils ne leur conviennent pas. En se trouvant, ils trouvent aussi une liberté, une nouveauté enivrante. Si le spectateur s’amuse à recouper les flash-back, il s’apercevra que le couple était perdu d’avance. Les non-dits et le silence prenant le pas petit à petit dans leur relation jusqu’à la goutte d’eau (le sexe) qui fera déborder le vase.
Sur la plage de Chesil prend à contre courant cette mode de montrer les années 60 d’une manière belle et sexy. Le film est une image peu flatteuse du passé, un drame sur le manque de communication, l’incompréhension et l’intimité de couple. Poignant, surtout dans le dernier quart d’heure, Sur la plage de Chesil démontre que l’amour ne suffit pas pour sauver un couple.
Laura Enjolvy