[CRITIQUE] : Le Poirier Sauvage
Réalisateur : Nuri Bilge Ceylan
Acteurs : Doğu Demirkol, Murat Cemcir, Bennu Yıldırımlar,...
Distributeur : Memento Films Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Allemand, Turc, Bulgare.
Durée : 3h08min.
Synopsis :
Passionné de littérature, Sinan a toujours voulu être écrivain. De retour dans son village natal d’Anatolie, il met toute son énergie à trouver l’argent nécessaire pour être publié, mais les dettes de son père finissent par le rattraper…
Critique :
Avec le magistral #LePoirierSauvage, Nuri Bilge Ceylan, porté par une écriture d’une densité incroyable, livre une oeuvre majeure sous la forme d'un conte ou les morales se côtoient et s'affrontent sans que l'une ne l'emporte sur l'autre. (@oggy_atm) pic.twitter.com/s4KxlfxvP6— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 8 août 2018
Le Poirier Sauvage - dont le titre fait écho à celui sur lequel le héros, aspirant écrivain, travaille - est un film sur la création artistique, la religion, l’héritage, la filiation, les rapports conjugaux… Au travers des interrogations de son personnage, héros anxieux et effronté, piètre philosophe/essaiste et très mauvais communicant. Le tout porté par une écriture d’une densité incroyable, sous forme d’une suite de dialogues quasiment ininterrompue mais avec des personnages toujours en mouvement, loin de l’immobilisme de Winter Sleep. On en viendrait presque à souhaiter apprendre le turc, dans l’unique objectif de pouvoir le comprendre sans qu’à que les sous-titres interfèrent.
Une scène est absolument représentative de l’essence du film : dans une petite librairie de village débute un conflit poli entre le jeune littéraire inexpérimenté qu’est le héros et un écrivain local confirmé.
L’air de rien et dans un plan séquence - presqu’invisible tant il est humble - qui se terminera par la chute discrète d’une statue sur un pont après plusieurs minutes de marche, se déroule alors un conflit générationnel amer dans lequel chacun tente de faire triompher sa vérité et de faire passer l’autre pour le plus écervelé.
L’air de rien et dans un plan séquence - presqu’invisible tant il est humble - qui se terminera par la chute discrète d’une statue sur un pont après plusieurs minutes de marche, se déroule alors un conflit générationnel amer dans lequel chacun tente de faire triompher sa vérité et de faire passer l’autre pour le plus écervelé.
Le film fait également montre d’une grande ampleur cinématographique. D’abord, par sa durée (qui dans bien des cas peut être un indicateur de prétention ou de vacuité, il faut le reconnaître : dans le Winter Sleep du même réalisateur ou chez Weerasethakul, etc ; ici les 3h08 sont témoins du travail de fond mené par le réalisateur, de sa volonté de donner un statut transcendant à son oeuvre) ; ensuite, par sa réalisation dynamique (cette fois encore, à l’exact opposé de Winter Sleep) avec une caméra mobile, aérienne ; enfin grâce à une photographie aux couleurs chatoyantes : Nuri Bilge Ceylan sait toujours tirer le meilleur de son Anatolie natale, c’est indéniable. L'utilisation de grandes pièces de musique classique (une fugue de Bach joué à l’orgue, notamment) est également très appropriée, très juste par rapport à ces personnages à la recherche du sublime.
En résumé, Nuri Bilge Ceylan livre une oeuvre majeure sous la forme d'un conte ou les morales se côtoient et s'affrontent sans que l'une ne l'emporte sur l'autre. Il paraît d'ailleurs presque aberrant que ce soit Winter Sleep qui ait obtenu la Palme d'Or à l'époque et non Le Poirier Sauvage cette année... Ils ne pouvaient pas prévoir, remarque ; cette Palme d'Or anticipée a de toute façon contribué à la genèse du Poirier Sauvage en tant qu'elle a marqué le parcours du réalisateur.