[COOKIE TIME] : #8. Ghostbusters de Paul Feig et les reboots 100 % féminin
« Ain't no bitches gonna hunt no ghost »
L'arc narratif est très similaire à Ghostbusters 1er du nom. Abby et Erin (jouées respectivement par Melissa McCarthy et Kristen Wiig) sont des scientifiques rencontrées au lycée. Elles ont en commun le goût du travail et le fait de croire aux fantômes et créent une étude pour prouver leur existence scientifiquement dans un livre. Mais des années passent et elles se perdent de vue. Abby, elle, continue ses travaux avec l'aide de l'ingénieure Jillian Holtzmann et Erin de son côté enseigne dans la prestigieuse Université de Columbia (où elle espère devenir enfin titulaire). Leur chemin vont se recroiser quand le musée du Manoir de Aldridge subit une attaque d'un fantôme. Le directeur du musée vient donc trouver Erin grâce au livre qu'elle a co-écrit avec Abby mais qui a été publié sans son consentement. Dans ce début d'histoire, où se place Patty (le personnage de Leslie Jones) me direz-vous ? Elle arrive un peu plus tard. Patty travaille pour le métro new-yorkais et témoigne également d'avoir vu un fantôme sur les rails. Elle rejoint le trio car sa connaissance de New-York et de son histoire leur est utile et surtout parce qu'elle s'ennuie dans son monde souterrain et aime le fait d'être dans un groupe de femme.
Il est déjà intéressant de voir que le personnage de Leslie Jones quitte son travail (ingrat) pour s'intégrer dans un groupe de femme. En plus de les aider à sauver la ville, elle trouve dans ce nouveau travail un moyen d'être un élément important et d'être soutenue. Le film nous le montre bien, même si Patty reste elle-même quand elle est dans sa petite bulle souterraine, personne ne la remarque. Et surtout, elle ne se sent pas utile. Erin, Jillian et Abby l'accepte même si ce n'est pas une scientifique et ne font aucune blague sur cet état de fait. Ce soutien et cette acceptation est la pierre angulaire du film. Le scénario explore la relation qu'entretiennent ces quatre femmes, toutes très différentes en appuyant sur leur amitié profonde qui les lie. Il est assez rare encore de voir cela au cinéma de nos jours. Peut-on citer plus de dix films où les personnages féminins sont plus de deux, se soutiennent, ne parlent pas forcément d'hommes, ne sont pas sexualisées et surtout sont les personnages principales du film ? Je vous écoute.
Plusieurs scènes ou phrases démontrent le fait qu'elles vivent dans un environnement d'hommes et qu'elles ont du mal à être prise au sérieux. Tout d'abord avec les remarques que les vêtements que porte Erin d'un professeur éminent de son université. Puis les commentaires sous leur première vidéo posté sur internet dont la célèbre phrase « ain't no bitches gonna hunt no ghosts » (qu'on peut traduire par c'est pas ces pétasses qui vont chasser des fantômes). Erin, pendant un repas, raconte la première fois où elle a vu un fantôme. Elle a huit ans et personne ne la croit. Elle devient vite la risée de son école et ses parents la force à entreprendre une thérapie. Un surnom la suit toute sa scolarité « ghost girl » (la fille fantôme). Ce n'est qu'au lycée, quand elle rencontre Abby qu'elle trouve la personne qui la croit enfin. Patty et Jillian, en écoutant son histoire la soutiennent également. Si on veut analyser un peu cette séquence, on peut vite comprendre que le témoignage de Erin ressemble à un témoignage de harcèlement. Pendant un an, un fantôme vient tous les soirs la voir devant son lit et reste à la regarder. Elle en parle autour d'elle et personne ne la croit. La phrase de Patty prend alors une symbolique forte « i believe you » (je te crois).
Leur but dans le film est de se crédibiliser aux yeux du monde. Car on leur demande toujours de prouver leur propos mais les preuves ne sont jamais suffisantes. La vidéo postée sur Youtube de leur deuxième attaque de fantôme est moquée et traiter de « fake ». Ce besoin d'être légitime est très ancré dans le personnage de Erin, dont le regard des autres est important. Elle a un besoin de reconnaissance que ses collègues n'ont pas forcément. C'est la raison pour laquelle elle lâche son étude avec Abby, la raison pourquoi elle subit les piques d'autres professeur de Columbia qui la traite comme une moins que rien. Et c'est aussi la raison qui l'a pousse à prouver l'existence des fantômes au scientifique reconnu Martin Heiss (Bill Murray), au point de mettre en péril tout leur accomplissement (et évidemment, cela se passe mal). Erin est la seule qui prend aussi mal le fait que le maire de New-York et sa conseillère décide de nier les faits pour ne pas créer de panique général. « Well it's official, we are all ghost girl now » (c'est officiel, nous sommes toutes des filles fantômes maintenant).
Malgré le fait que les médias taisent leur héroïsme, Erin, Abby, Jillian et Patty ont enfin la reconnaissance qu'elles méritent à la fin du film. Installées sur leur nouveau toit, elles admirent les messages inscrits sur les bâtiments de New-York la nuit où on les remercie d'avoir sauver le monde. Un happy end qui fait du bien.
De nombreuses phrases, souvent sous couvert de l'humour sont là pour dénoncer le sexisme ordinaire. Et une des réponses pour combattre cette mécanique est la sororité. Les voir s'entraider, veiller les unes sur les autres est un moyen bienveillant peut-être capable d'instaurer d'énormes changements.
Un film imparfait
Le personnage de Patty pose un véritable problème. Elle est l'unique femme noire du casting, mais aussi la seule des quatre qui ne soient pas une scientifique. C'est un souci assez récurrent de voir les personnes racisés sous représentées. Pourtant, l'actrice a bien fait comprendre que ce n’était en aucun cas raciste. Patty est une jeune femme bosseuse et n’est pas ignorante (au contraire). Elle connaît sur le bout des doigts toute l’histoire de New-York. Elle a une culture impressionnante. Leslie Jones avait à l’époque expliqué cette problématique sur son Twitter : « Why can’t a regular person be a Ghostbuster? … And why can’t I be the one who plays them? …» « Regular people save the world everyday, so if I’m the sterotype!! Then so be it!! We walk among heroes and take them for granted». (Pourquoi une personne ordinaire ne peut-elle pas être une chasseuse de fantôme ? … Et pourquoi je ne peux pas être celle qui les incarnent ?... Les gens ordinaires sauvent le monde tous les jours, donc si je suis un stéréotype alors tant pis !! Nous côtoyons des héros et les prenons pour acquis). Paul Feig avait bien expliqué que le personnage de Patty avait été écrit pour Melissa McCarthy à la base. Un argument valable avait été avancé sur le fait que le personnage n’avait pas été écrit pour une femme noire mais était jouée par une femme noire compétente et drôle (comme le rôle le voulait). Sauf que des personnes concernées ont bien fait comprendre que Patty avait tout de l’archétype vu et revu de la femme noire sidekick bruyante. Et qu’elle aurait été un symbole d’empowerment plus fort si elle avait été une scientifique.
Certaines blagues ne passent pas non plus, mais elles sont inhérentes au cinéma de Paul Feig. Chacun de ses films comporte son lot de blague sur la caca, sur la virginité, etc… Personnellement je n’ai rien contre (et je l’avoue que j’en ris de bon coeur) mais j’admets totalement les critiques sur cette question là. Ghostbusters contient malheureusement des blagues feigienne qui peuvent édulcorées le vrai propos du film.
Reboot féminin : une bonne idée ?
Ghostbusters n'est pas le premier film à être passer par le passage du reboot, loin de là. Le fait de refaire un film avec un casting tout beau tout neuf n’est pas nouveau chez Hollywood. Scarface, L’Homme qui en savait trop sont des exemples parmi tant d’autres. Cela est aussi assez fréquent chez les films de super héros (comme les Batman, les Superman et surtout Spider Man ). Cependant, une toute nouvelle tendance a vu le jour depuis cinq ou six ans qu'on peut appeler le capital nostalgique dans la pop culture. La nouvelle trilogie Star Wars s’appuie uniquement là-dessus. Hollywood décide de prendre les vieilles sagas connues et aimées de tous, d’en faire des films nouveaux en alliant la modernité et la nostalgie des fans. Problèmes pourtant : les personnages féminins. On ne peut pas nier que chez nos films préférés existent parfois de la misogynie ancrée dans la société de l’époque. Hollywood ne peut plus écrire des personnages de cette façon. Quoi qu'on dise, une évolution a eu lieu. Et puis, avec la vague féministe il est de bon ton de présenter des femmes en lead. Bienvenue Furiosa. Bienvenue Rey. Et bienvenue à nos female ghostbuster ! Mais cela ne se résume pas seulement à cela. Grâce à ces nouvelles héroïnes, on laisse enfin la place pour des réalisatrices, des scénaristes femmes, etc… car qui mieux qu'une femme pour parler d’une femme ? N’a-t-on pas enfin l’occasion en remaniant des films d’il y a 30 ans de laisser la place aux femmes (qu'elle n'avait pas à l’époque ?). Ne serait-on pas devant une petite révolution culturelle ? Cela permet de donner de la parole au minorité.
Pourtant tout n’est pas aussi simple évidemment. Il est sexiste de se dire qu’une femme réalisatrice ne devrait se cantonner à faire un film uniquement pour les femmes. Ainsi que de leur laisser la place uniquement pour le reboot et pas dans le cinéma contemporain en général. Ava DuVernay, Lynne Ramsay, Julia Ducournau, etc.. sont aussi capable de faire des films originaux et d’être nommées aux Césars, au Festival de Cannes ou aux Oscars. Les reboot ne sont donc pas l’unique solution pour inclure plus de diversité pour les rôles féminins. Le but principal de Hollywood devrait être d’avoir plus de storytelling diversifié. Commencer par la base. Cette réappropriation d’œuvres anciennes 100% féminin peut donner de bon résultat mais n'est pas une solution viable à la longue pour avoir une vraie révolution culturelle.
En tout cas, il est temps de dire bienvenue à la diversité. Il y en a marre des sidekicks sexy mais fade féminins. Au vue de la vague de haine à chaque annonce de reboot féminin (Ghostbusters mais aussi Mad Max Fury Road avec Furiosa, les nouveaux Star Wars avec Rey et Finn, Ocean’s Eight ou la nouvelle Doctor Who), le cinéma et la pop culture en ont bien besoin.
Laura Enjolvy