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[COOKIE TIME] : #3. Les personnages féminins de Ready Player One


C'est le Cookie Time. Un moment de détente pour parler cinéma. Alors installez vous dans votre canapé, prenez un thé et un cookie. Et c'est parti !


Avant de commencer l'article à proprement parler, je tiens à prévenir que je risque de SPOILER le film et le livre. Je vous invite donc à le lire que si vous avez déjà vu le film (ou que les SPOILS ne vous font rien). Ceci étant dit, c'est parti !




2018 est décidément une année assez spéciale. Car je suis d'habitude neutre vis à vis de ce cher Steven Spielberg. Mais après The Post, qui m'avait conquise (j'en suis la première surprise), voici que le bonhomme arrive à me donner envie d'écrire sur son deuxième film. Vraiment, Steven, tu es un réalisateur épatant. Mais si le film qui racontait l'histoire vraie des « pentagon papers » m'avait totalement subjuguée du début à la fin et me donne envie de m'extasier des heures dessus, il en est tout autrement concernant Ready Player One. Certaines séquences sont absolument grandioses (la course en début de film notamment) et le côté naïf et mignon m'a beaucoup plu. Mais je n'ai pas envie de vous parler de cela aujourd'hui. J'ai envie de vous parler des personnages féminins du film.  


Car il y a du positif mais également du négatif, ce qui a fait que je suis beaucoup plus mitigée que ce à quoi je m'attendais.


Le personnage principal (secondaire quand même) féminin de Ready Player One est sans contestation Art3mis (alias Samantha Cook dans la réalité). Et même si des choses me dérangent la concernant dans le film de Spielberg, son personnage est beaucoup mieux traité que dans le livre. Ernest Cline l'a écrite comme l'éternel « love interest » du héros Wade. D'ailleurs, leur histoire d'amour est assez horrible à lire, car le livre est à la 1ère personne. Quand Art3mis lui demande expressément de ne plus la contacter, Wade va passer son temps à lui envoyer des mails et à la stalker. On a connu histoire d'amour plus mignonne. Dans le film, même si Wade est assez admiratif de Art3mis (enfin de son avatar) et qu'il le montre beaucoup, leur relation est plus saine. 10 points pour Spielberg ! Le film étoffe beaucoup plus son personnage. En plus d'être une adversaire coriace de la chasse aux œufs, elle représente la rébellion dans le film. Présentée comme « la tueuse de sixters », elle a une certaine renommée dans l'OASIS. Ses ambitions sont clairs : empêcher l'entreprise IOI d'atteindre les trois clefs. Elle est consciente de l'enjeu politique du jeu de Halliday et des conséquences désastreuses pour l'OASIS et le monde réel si IOI prenait le contrôle. Conscience que ne possède aucunement Wade. C'est Samantha qui pointe le doigt sur le comportement égoïste et puéril de Wade, et qui l'amène à se battre pour un enjeu beaucoup plus important. Elle est aussi consciente du danger que représente le méchant du film, Nolan Sorrento. Beaucoup plus préparée que ses coéquipiers, elle se cache, a engagé des gardes du corps. Contrairement à Wade, Aech, Daito et Sho qui sont vulnérables. Elle sauve Wade des mains de IOI et réunit le « high five ». C'est aussi elle qui se sacrifie pour sauver Wade, quitte à se faire capturer.
Mais. Et oui, malgré les énormes points positifs cités, il reste un mais. Ce qui me gêne c'est malgré son statut de « femme badass », elle reste une demoiselle en détresse, sous la coupe du personnage principal masculin. Wade la sauve trois fois dans le film. Mais elle le sauve aussi (moins), donc on peut dire qu'ils sont quitte. Ok, je le conçois. Mais c'est elle qui fait tout le boulot (à savoir réunir, faire prendre conscience, etc...) pourtant c'est sur Wade que les yeux sont fixés. Car tout lui tombe dessus sans qu'il le cherche vraiment, il passe presque tout le film à subir plutôt. On en vient à se demander pourquoi les rôles ne sont pas inversés …


On ne peut pas parler des personnages féminins sans parler de Aech, qui arrive à être à la fois ma plus grande joie et ma plus profonde déception du film. Le passage le plus intéressant dans le livre Ready Player One, c'était le petit twist concernant ce personnage. Décrit avec un avatar et une voix d'homme, Aech s'appelle en réalité Helen. Et oui, c'est une femme qui se fait passer pour un homme dans un jeu vidéo. Outre le passage où Wade se demande si Aech pourra être toujours son amie (Wade se pose beaucoup de questions philosophiques), une réflexion aussi intéressante qu'inattendue (dans le livre) est posée, à savoir comment sont perçues les femmes dans les jeux vidéos. De ma maigre expérience, je sais que le sexisme est profondément ancré dans cette communauté (comme partout malheureusement) et nombreuses sont celles qui préfèrent se cacher sous un avatar masculin pour être tranquille. Et je ne sais pour quelle raison, j'ai eu une peur panique que ce twist soit enlevé du film. Il ne l'est pas, j'en suis aussi soulagée qu'heureuse. Et pourtant je suis déçue de son traitement dans le film car dès qu'elle apparaît dans la réalité, Helen disparaît au second plan (au trente sixième plan serait plus exacte). Et un élément a carrément été enlevé dans le film : elle est homosexuelle. Je ne demandais pas d'en faire le point de mire de l'histoire, mais en faire juste une allusion aurait été sympa. Aech est montrée comme douée quand elle apparaît sous son avatar. Elle combat en début de film, écrase tout sur son passage dans la course de voiture, répare en trente seconde la moto de Art3mis, affronte Nolan Sorrento dans le combat final, se sacrifie (enfin sacrifie son avatar) pour que ses amis.es puissent récupérer la dernière clef. Mais dès que Aech se montre dans la réalité, elle n'est plus rien.


Le dernier personnage féminin est un personnage mineure de Ready Player One, F'nale, la seule dans le camps ennemi (enfin la seule qui apparaît plus d'une minute du côté des méchants). F'nale se retrouve à faire le sale boulot à la place de Nolan Sorrento. Lui s'occupe des investisseurs, bien au chaud dans son bureau, pendant qu'elle s'occupe sur le terrain de la besogne plus dure et violente (à savoir arrêter les gens pour les enfermer au centre de Fidélité). Et bien qu'elle n'arrive pas à terrasser les gentils (en même temps elle fait partie du mauvais côté), F'nale est démontrée comme bien plus compétente que son boss (qui laisse son mot de passe bien visible...).

En me lisant, on a peut-être l'impression que j'ai détesté le film. Il n'en est rien. J'adore la pop culture. Je ne peux pas détester un film qui en parle avec autant de bienveillance. Mais la représentation des personnages féminins est un sujet qui me tient à cœur depuis quelque temps. Malgré les quelques progrès de ces derniers années, Hollywood à encore du boulot à faire là-dessus. J'aime m'imaginer Hollywood comme un énorme grenier poussiéreux, avec beaucoup de vieilles habitudes qui ont besoin d'un bon coup de swiffer. Cela prend du temps, mais j'ai espoir que les choses changent un jour.
Et je trouve dommage qu'un film aussi universel que Ready Player One soit aussi peu diversifié au final.


Laura Enjolvy