[CRITIQUE] : Rodin (Cannes 2017)
Réalisateur : Jacques Doillon
Acteurs : Vincent Lindon, Izia Higelin, Séverine Caneele,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h59min.
Ce film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2017
Synopsis :
À Paris, en 1880, Auguste Rodin reçoit enfin à 40 ans sa première commande de l’Etat : ce sera La Porte de L’Enfer composée de figurines dont certaines feront sa gloire comme le Baiser et le Penseur. Il partage sa vie avec Rose, sa compagne de toujours, lorsqu’il rencontre la jeune Camille Claudel, son élève la plus douée qui devient vite son assistante, puis sa maîtresse. Dix ans de passion, mais également dix ans d’admiration commune et de complicité. Après leur rupture, Rodin poursuit son travail avec acharnement. Il fait face et au refus et à l’enthousiasme que la sensualité de sa sculpture provoque et signe avec son Balzac, rejeté de son vivant, le point de départ incontesté de la sculpture moderne.
À 60 ans, enfin reconnu, il devient le sculpteur le plus célèbre avec Michel-Ange.
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Critique :
Portrait éclaté & passionné du célèbre sculpteur,#Rodin ou un beau drame sentimental sublimé par la prestation habitée & fièvreuse de Lindon pic.twitter.com/RZLCsrbLCG— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) May 24, 2017
Mai 2015, après une carrière sans grande reconnaissance, l'immense Vincent Lindon recevait le prix d'interprétation masculine pour sa prestation ahurissante dans La Loi du Marché de Stéphane Brizé; distinction hautement méritée qui sera peu de temps après, suivi d'un césar du meilleur acteur.
Deux ans plus tard, avec un talent qui tout comme le bon vin, s'améliore avec l'âge, il nous revient avec un énième rôle d'une vie, celui de l'artiste Auguste Rodin, devant la caméra de Jacques Doillon.
Biopic ciblé sur deux périodes précises de la vie du sculpteur, sa conception d'une sculpture de Balzac (sa première commande d'Etat) et sa relation déchirante avec sa muse Camille Claudel, ou quand l'exaltation créative s'entremêle avec puissance, aux douloureuses pulsions du sentiment amoureux; le bien nommé Rodin est un formidable drame sentimental, aussi tendu qu'il est d'un réalisme bluffant.
Portrait austère, fantasmé, éclaté et passionné d'un génie obsessionnel capable de retranscrire à la perfection la nature d'une réalité dont il semble pourtant complètement déconnecté par son mutisme, fauve glacial et intense qui vit autant de par ses oeuvres que par l'amour des femmes de sa vie; le Rodin de Doillon, vraie proposition de cinéma fluide (il ne s'embarrasse jamais des petits à-côtés) et esthétiquement léchée, laisse littéralement les clés de sa puissance à son comédien vedette, plus impliqué que jamais.
Barbu comme Noé, en figure autant rustre et bourrue qu'elle est fascinante, Vincent Lindon en impose, décompose le mythe du papa du Penseur pour mieux l'habiter et retranscrire à la fois son infinie solitude mais aussi son gout insatiable pour la vie, qu'il bouffe avec l'impatience d'un enfant pourri gâté, la flamme d'un amant fiévreux dont les mots sont formulés avec les mains.
Grandiose, il bonifie les compositions appliquées de ses petits camarades de jeu (Izia Higelin en tête, aussi convaincante et touchante que dans La Belle Saison de Catherine Corsini), et fait oublier un script un poil sur-écrit et une mise en scène parfois maladroite (ces fondus...).
Si Rodin est une aussi belle réussite, c'est en grande partie grâce à lui.
Jonathan Chevrier