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[CRITIQUE] : Mustang


Réalisateur : Deniz Gamze Ergüven
Acteurs :  Erol Afsin, Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Turquie, France, Allemagne.
Durée : 1h34min.

Synopsis :
C'est le début de l'été.
Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.
La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger.
Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.


Critique :


Si les films " de femmes " ont été joliment mis à l'honneur dans la compétition officielle cette année sur la Croisette avec le (très) plébiscité Carol de Todd Haynes, un autre a lui aussi fait beaucoup de bruit au sein de la Quinzaine des Réalisateurs, Mustang, prix Label Europa Cinema.

Ou le premier long métrage de la cinéaste franco-turque Deniz Gamze Ergüven, que l'on a très vite assimilé au premier (et merveilleux) passage derrière la caméra d'une autre cinéaste de talent ayant pour passion la figure adolescente féminine, la grande Sofia Coppola.

Parce qu'il est vrai qu'au premier abord, Mustang et Virgin Suicides ont bons nombres de points communs, même si le film de Ergüven se détache très vite de son pesant aîné pour incarner ni plus ni moins qu'un puissant et bouleversant cri à la liberté féminine, face à une société patriarcale écrasante.

Sans conteste l'un des plus beaux films qu'il nous aura été donné de voir en ce premier - et riche qu'il n'en a l'air - semestre ciné de 2015.


Mustang donc, ou l'histoire au début de l'été dans un village au Nord de la Turquie, de cinq sœurs dans la fleur adolescence : Sonay, Selma, Ece Nur et Lale.
Toutes cinq rentrent de l'école et jouent innocemment avec des garçons, ce qui ne sera pas considéré de manière aussi innocente par leur famille.
La débauche supposée de leurs jeux suscitera un scandale aux conséquences inattendues.

La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours pratiques ménagères remplacent l'école et les mariages commencent à s'arranger.
Les cinq sœurs, amenés par un même désir de liberté, détournant les limites qui leur sont imposées...

Sortie de nul part et débarquant en plein été des blockbusters avec une fraîcheur et une originalité qui caractérise tout bon premier film, Mustang - à l'instar du Monde de Nathan en salles ces jours-ci -, est clairement l'une des plus belles pépites qui aura eu la chance de peupler les salles obscures hexagonales ces derniers mois.

Grâce à un scénario finement scripté, subtil aux dialogues excellents, la réalisatrice nous fait dès le départ le complice privilégié des rebelles et charismatiques sœurs (surtout Lela).
On suit avec une passion et un attachement certain la fascinante et tragique lutte des héroïnes contre la tyrannique et oppressive autorité parentale, suivant au pied de la lettre (et de manière pas forcément toujours logique) les conventions et traditions de leur village.


Férocement intime, sensible, drôle, aussi douloureux (le mariage semble la seule réponse de la figure patriarcale pour brider la volonté des jeunes filles de posséder leur corps et leur liberté) qu'audacieux (les tabous liés à la sexualité sont notamment traités avec beaucoup d'intelligence) et grave sans ne jamais tomber dans la facilité de la caricature ni même du pathos de supermarché; Mustang souligne avec force la condition fragile et injuste de la femme dans le Turquie politiquement divisée d'aujourd'hui, par la grâce d'une mise en scène inspiré et maîtrisée tout autant que par l'interprétation lumineuse d'un casting totalement voué à sa cause et d'un naturel renversant.

Juste, léger et solaire, cette quête impossible de liberté parcourut de vrais moments de grâce, est un premier essai des plus énergique et exceptionnel, passant de la comédie au drame poignant avec une aisance proprement indécente.

Clairement l'un des must see de ces derniers jours ensoleillés de printemps et la potentielle naissance en filigrane, d'une réalisatrice à suivre à l'avenir...


Jonathan Chevrier