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[CRITIQUE] : Lost River


Réalisateur : Ryan Gosling
Acteurs : Christina Hendricks, Matt Smith, Saoirse Ronan, Ben Mendelsohn, Ian de Caestecker, Reda Kateb,...
Distributeur : Le Pacte/ The Jokers
Budget : -
Genre : Thriller, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h35min.

Synopsis :
Dans une ville qui se meurt, Billy, mère célibataire de deux enfants, est entraînée peu à peu dans les bas-fonds d’un monde sombre et macabre, pendant que Bones, son fils aîné, découvre une route secrète menant à une cité engloutie. Billy et son fils devront aller jusqu’au bout pour que leur famille s’en sorte.


Critique :


Doux hasard du calendrier, deux des meilleurs performeurs du cinéma ricain de ses quinze dernières années, Ryan Gosling et Russell Crowe (via le merveilleux La Promesse d'une Vie) font leurs débuts en tant que réalisateurs dans nos salles obscures ce mois-ci.

Une arrivée pour le moins assez tardive en revanche en ce qui concerne le Gosling, son archi-attendu Lost River - déjà mis en boite depuis plus de deux ans - ayant subit les affres d'un bad buzz conséquent sur la Croisette de 2014.

Que sa première proposition de cinéma derrière la caméra déroute un brin les aficionados de son cinéma était une chose quasi-certaine, mais qu'il se voit littéralement bousillé par la presse qui n'a vu en lui qu'une accumulation sans saveur de références multiples, force est d'admettre que pour le premier essai du chouchou du Festival depuis 2012 (Drive !!!), on espérait un destin bien plus triomphant et flatteur.


Il n'empêche que bad buzz justifié ou non, son long nous aguiche et nous intrigue depuis suffisamment longtemps pour ne pas l'attendre au tournant et en faire l'un des événements majeurs de ce second trimestre ciné de l'année chargée de 2015.

Et inutile de dire que si il est encore un petit peu tôt pour affirmer déceler le grand réalisateur qui se cache au fond de lui, Ryan Gosling impressionne fortement son cinéphile avec un premier film maitrisé et enivrant, qui lui permet (déjà) de se forger une identité de cinéaste des plus séductrices.

Visuellement bluffant, foutrement référencé, influencé et infiniment personnel, Lost River suit clairement la parfaite logique de sa filmographie initiée par le virage " Refnien ", mais également sa fascination pour les figures oniriques voir monstrueuses que laissait transparaître ses récents choix cinématographique ainsi que la création son projet musical Dead Man's Bones (l'album peut même servir de doux prélude au film).

A l'instar d'un certain Quentin Tarantino, le bonhomme digère parfaitement ses aspirations multiples et ses nombreuses figures tutélaires pour accoucher d'un pur OFNI aussi étrange que complexe - et surtout difficile à pitcher -, une magnifique fable noire sur fond de crise social, un regard sensible sur l'Amérique des bas-fonds (frappée par l'insécurité, la pauvreté, la violence) profondément sensoriel, mélangeant les genres avec une facilité déconcertante (thriller, horreur, anticipation, fantastique) et s'inscrivant presque comme un versant cauchemardesque des glorieuses péloches des 80's estampillées Amblin dans son traitement de l'imaginaire, du conte et des terreurs enfantines.


Dans cette chronique morbide et romantico-gothique de trois âmes au sein d'un Détroit aussi fantomatique et désertique que désespéré, dominé par la brutalité, Gosling, tel un gamin foutrement naïf, ose tout dans une œuvre puzzle - quitte a dangereusement flirté avec le ridicule - mais emporte pourtant constamment l'adhésion de son spectateur tant sa balade, hypnotique et jouissivement bordélique, déjoue constamment les idées préconçues et les stéréotypes faciles.

Tant pis donc, si son scénario apparait méchamment brouillon (on ne critiquera jamais un cinéaste croulant sous une accumulation de bonnes idées) et un peu hermétique, si son rythme pêche par sa lenteur et son faux rythme ou encore que l'on peine un chouïa à s'attacher aux différents personnages-titres, Lost River est le glorieux nouveau rejeton d'un cinéma qu'on aime, métisse, à la beauté malsaine et porté par de sublimes envolées lyriques; un pur cauchemar éveillé dans lequel on jubile de pouvoir y errer et nous y perdre.

Esthétiquement poétique et macabre à souhait (good job du chef-op Benoit Debbie, collaborateur habituel de Fabrice Du Welz et Gaspar Noé) et reprenant à sa guise les codes du conte comme un Del Toro, stylisé et weird comme un Lynch, angoissant et fascinant comme un Argento, le film jouit également d'une partition sans phare de son casting vedette (l'inestimable Ben Mendelsohn, la très Lynchiene Christina Hendricks et la merveilleuse Saoirse Ronan en tête) et d'un score envoutant signé Johnny Jewel.

Preuve une nouvelle fois encore - si besoin était - que le wannabe cinéaste sait très bien s'entourer aussi bien devant que derrière la caméra.


Symbolique, contemplatif, féérique, troublant et d'une noirceur éblouissante, Lost River est un pur choc visuel, sensoriel et anxiogène, une première réalisation incroyablement captivante, qui nous fait décemment attendre avec une impatience non-feinte la suite de la carrière du Ryan derrière la caméra...


Jonathan Chevrier