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[CRITIQUE] : Le Rôle de Ma Vie


Réalisateur : Zach Braff
Acteurs : Zach Braff, Kate Hudson, Joey King, Pierce Gagnon, Mandy Patinkin, Josh Gad, Jim Parsons, Donald Faison,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h47min.

Synopsis :
Pour sauver son couple, renouer avec son frère et rassembler toute sa famille autour de son père qui vient de tomber malade, Aidan devra tour à tour changer de mode de vie, délaisser son rêve de comédien et partir à l’aventure de la vie d’adulte. Entre Los Angeles, le désert californien et ses propres rêves, saura-t-il trouver le véritable rôle de sa vie ?



Critique :


Pour le spectateur lambda, l'excellent et beaucoup trop rare Zach Braff est avant tout et surtout, la vedette de la cultissime et regretté sitcom Scrubs, qui durant neuf saisons (on s'est arrêté à la saison huit, la neuvième était clairement de trop sans les héros-titres) aura amusé et touché son public comme peu de shows télévisés ont réussi à le faire jusqu'à ce jour.

Dans la carcasse du délirant et attachant John Dorian, aka J.D., il aura su habilement démontrer non seulement son humour (et son parfait timing dans le comique de situation) mais également sa faculté à jongler entre les émotions avec justesse, un talent certain qui trouva d'ailleurs son apothéose dans le tout aussi culte Garden State, sa première et unique réalisation jusqu'à aujourd'hui, et Le Rôle de ma Vie.

Dix ans exactement - ou presque - sépare les deux péloches, aux thèmes assez similaires.
Dix ans ou le temps, surement, pour Braff, de passer de la folie de la vingtaine à la maturité de la trentaine, mais également de pleinement digérer son statut de cinéaste attendu par une pluie de cinéphiles endurcis.


Et si Hollywood lui a méchamment tourné le dos pour produire son nouveau long, c'est justement bien vers eux qu'il s'est tourné l'an dernier, pour trouver les fonds nécessaires pour mener à bien son projet, via le site de crowfunding de Kickstarter, rendu célèbre grâce au financement maousse de Veronica Mars, le film.

Un financement pour le coup assez buzzé, qui alla au-delà de ses espérances mais qui laissait surtout planer le suspens quand aux possibilités du bonhomme a réellement pouvoir transformer l'essai Garden State avec ce second effort.

Alors comme un bon vin, est-ce que la plume et la mise en scène de Zach Braff s'améliore t-elle avec de l'âge ?
Après vision, et même malgré quelques petits menus défauts, force est d'admettre qu'il est difficile de trouver une autre réponse que oui...

Dans Wish I Was Here (le titre en v.o), nous suivons donc l'histoire d'Aidan, père de famille angoissé qui fonce tout droit vers une quarantaine qu'il redoute fortement.
Il a tout simplement peur d'être jusqu'à maintenant, passer à côté de sa vie.
Lorsqu'il ne passe pas de casting pour devenir le nouveau Brad Pitt qu'il a toujours voulu être, il doit composer avec des enfants tourmentés, une femme consumée par l'ennui, un frangin nerd à la limite de l'autisme et également un père gravement malade.

Un quotidien loin d'être aisé pour cette homme aussi connecté au monde que cruellement absent de sa vie, qu'il va très vite remettre en cause...


Il est une évidence que beaucoup critiqueront Le Rôle de ma Vie, en le caractérisant - grossièrement - comme un sous-Garden State dont il pillerait les mêmes thèmes et ficèles du feel good movie mélancolico-comique, genre qu'il à lui-même popularisé il y a une décennie, et qui s'est vu copié jusqu'à plus soif depuis par moult cinéaste du circuit indépendant ricain.

Comme si Braff nous revenait par la petite porte et non la grande, se facilitant salement la tâche en contant de nouveau, les aléas d'un adulte qui ne l'est pas vraiment, la boule au ventre face au temps qui passe et au constat qu'il fait de sa vie.

D'autres (comme moi) en revanche, sauront capter dès les premières bobines, toute la sincérité évidente qui se dégage de la péloche, parfaite continuité quoiqu'on en dise, du premier film du jeune cinéaste américain, ou il cultive plus en profondeur les mêmes obsessions autour de la mort, de la peur de l'échec, de la maladie, de l'enfance et de la transmission intergénérationnelle.

Zach Braff, unique artisan d'un même genre et d'une même recette qu'il a lui-même rendu triomphante ?
Et pourquoi pas ?


Après tout, avons-nous reprocher à l'immense Marty Scorcese d'avoir bâti la majorité de sa carrière sur les films de gangsters, ou encore à Sergio Leone d'avoir construit sa légende autour du western ?
Bien évidemment que non, tant que la maitrise et la qualité est là, difficile de faire la fine bouche et de rechigner son plaisir en salles.

Et pétri de qualité, Le Rôle de ma Vie l'est assurément, la caméra enchanteresse de Braff n'ayant rien perdu de sa superbe et de son charme pour magnifier et rendre hypnotique le quotidien d'une famille moyenne ricaine, dont le patriarche se lance dans une quête de spiritualité pour découvrir ce que signifie réellement le rôle de père aujourd'hui, quand on a trente ans.

Ou l'âge ou il faut pleinement se responsabilisé, et intégrer la douloureuse perspective de perdre ses propres repères familiaux - ses propres parents - à l'instant même ou il faut en devenir un solide pour sa propre progéniture.
Une quête face à la perte obligée de l'innocence et de nos racines, judicieusement dénuée de toute la folie qui faisait pourtant le piment de la mise en scène de Garden State.

Chronique sur une peur de grandir à tous les âges aussi drôle que bouleversante, aussi bien légère que teintée d'une rêverie joliment exemptée de tout pathos de supermarché mal venu - même si quelques scènes manquent de spontanéité et frise la démonstration forcée -, Wish I Was Here est un touchant regard sur une famille décalée mais empathique - puisque magnifiquement croqué et pas si étrangère des nôtres -, tout autant qu'un profond regard sur notre rapport à la religion et à la vie, certes un poil plombé par une morale facile et lourdement scotché au cinéma indé US (" Il faut toujours croire en soi ", " Il faut savoir aller de l'avant ", " Soit bon et juste et tu seras un héros pour tes proches "), mais enrobé par immense couche d'honnêteté et un cœur gros comme le monde qu'il est impossible de ne pas y succomber.


Dans la peau d'Aidan, Braff crève l'écran et offre un prolongement des aventures du héros de Garden State, via l'itinéraire de ce wannabe acteur galérien/père complice, qui veut toujours croire en sa bonne étoile malgré tous ses malheurs.

Touchant et séduisant comme à son habitude, il distille ce qu'il faut de charme et de magie pour nous emporter tout du long, et rend merveilleusement bien la balle à une Kate Hudson que l'on a jamais vu aussi sublime et remarquable depuis longtemps, follement convaincante en mère courage faisant toute seule bouillir la marmite familiale, pour que son mari puisse continuer de croire en son rêve.

A leurs côtés, si Josh Gad est une fois encore désopilant en frangin geek et à côté de la plaque, et que Mandy Patinkin est génial en papa/papy odieux mais aimant, ce sont surtout les jeunes Joey King (incroyable de charisme et de justesse) et Pierce Gagnon (toujours aussi mignon à croquer) qui impressionnent grandement et démontre si besoin était, qu'ils sont le Hollywood de demain.

Ajouté à cette galerie d'acteurs en pleine osmose avec le cinéma de Braff, des caméos absolument savoureux (Donald Faison aka l'éternel Turk de Scrubs, ou encore Jim Parsons aka l'immense Sheldon Cooper, meilleurs amis du cinéaste dans la vie), une photographie lumineuse et une bande son encore une fois exceptionnelle (comme celle de Garden State) et vous obtiendrez ici ni plus ni moins qu'un sublime feel good movie - certainement le meilleur de la saison avec New-York Melody -, mais surtout un excellent et bouleversant second long-métrage de la part d'un jeune réalisateur/acteur décidément bourré de talents.


Une sublime bouffée d'air frais bien ancrée dans son époque, drôle et infiniment charmante, et dont on ne peut qu'être séduit à l'arrivée de ses deux (trop courtes) heures.

Zach Braff n'a pas changé et pourtant, il a trouvé de nouveau le moyen de se faire encore plus adulé de ses fans, mais aussi de rendre encore plus impatient les cinéphiles quand à son potentiel troisième long métrage.

On va tout simplement prier pour que celui-ci ne débarque pas cette fois, dans dix ans...


Jonathan Chevrier


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