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[CRITIQUE] : Le Majordome


Réalisateur : Lee Daniels
Acteurs : Forest Whitacker, Oprah Winfrey, David Oyelowo, Cuba Gooding Jr, Alan Rickman, Jane Fonda, Alex Pettyfer, James Marsden, Liev Schreiber, Vanessa Redgrave, Terrence Howard, Lenny Kravitz, John Cusack, Nelsan Ellis,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : 25 000 000 $
Genre :  Drame, Biopic.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h12min.

Synopsis :
Le jeune Cecil Gaines, en quête d'un avenir meilleur, fuit, en 1926, le Sud des États-Unis, en proie à la tyrannie ségrégationniste. Tout en devenant un homme, il acquiert les compétences inestimables qui lui permettent d’atteindre une fonction très convoitée : majordome de la Maison-Blanche. C'est là que Cecil devient, durant sept présidences, un témoin privilégié de son temps et des tractations qui ont lieu au sein du Bureau Ovale.
À la maison, sa femme, Gloria, élève leurs deux fils, et la famille jouit d'une existence confortable grâce au poste de Cecil. Pourtant, son engagement suscite des tensions dans son couple : Gloria s'éloigne de lui et les disputes avec l'un de ses fils, particulièrement anticonformiste, sont incessantes.
À travers le regard de Cecil Gaines, le film retrace l'évolution de la vie politique américaine et des relations entre communautés. De l'assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des "Black Panthers", de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, Cecil vit ces événements de l'intérieur, mais aussi en père de famille…


Critique :

Qu'on l'aime ou qu'on le déteste - et difficile de ne pas penser qu'il préfère sadiquement la seconde proposition -, Lee Daniels sait incroyablement bien faire parler de lui dans l'univers du septième art d'aujourd'hui.

Peu importe que cela soit en bien ou en mal, il fait toujours le buzz et en joue salement.

Foutrement arrogant dans son cinéma, pour son nouveau long, The Butler aka Le Majordome, il se la joue cette fois Spike Lee du pauvre, et en un poil plus provoc, pour conter le parcours de Cecil Gaines (avatar fictionnel d'Eugène Allen), majordome qui aura servi trente-quatre piges à la Maison-Blanche - sous sept présidents, de Eisenhower à Reagan -, soit le spectateur privilégié de la lutte afro-américaine pour la reconnaissance de leurs droits civiques.
Ou d'un point de vue plus radical, l'éradication du racisme - enfin, on s'est compris -, et de la ségrégation dans une nation majoritairement blanche et profondément tyrannique.

Un projet hautement brulant et polémique dans les mains de l'un des pros du trash d'aujourd'hui - qui a vu Nicole Kidman dans Paperboy comprendra -, aussi virulent que fascinant, le tout budgété à l'indé et avec un casting monumental présent juste pour la symbolique et pas les billets vert; oui, Le Majordome a un sacré gros paquet et sur le papier, il avait de quoi nous rendre tous hyper émerveillés (jaloux) en nous le montrant.


Et si, au final après vision, on réalise que l'on en a déjà vu des plus grosses dans le genre bombe historique made in Hollywood (papa Spielberg et ses Amistad et Lincoln, entre autres), force est d'admettre que le nouveau Daniels impressionne grandement, et pas qu'un peu.
Pour l'introniser nouveau Spike Lee certes, on repassera, mais on peut clairement déjà, lui offrir le poste de titulaire de cinéaste " poil à gratter " du cinéma US.

Intimiste, anti-académique (pas d'effets pompeux ici, ni de renforts spectaculaires inutiles) et encore moins illustratifs, le film balaye soixante piges de l'évolution américaine avec une vitesse et une justesse dans le détail folle, évitant subtilement la plupart des écueils faciles pour ne se focaliser que sur son héros et sa famille, synthèse parfaite du dilemme politique et sociale de la communauté noire de l'époque.

Cecil, élevé socialement en étant le serviteur dévoué des blancs, respectueux des institutions et clairement réformiste, n'aura donc de cesse que de se friter avec son jeune rejeton, de la nouvelle génération qui n'accepte plus de se faire marcher dessus sans rien dire, en révolutionnaire affirmé qu'il est.
Un rapport de force douloureux et passionnant, entre un esclave passif et consentant, et un opprimé qui ne cherche qu'à " gagner " une émancipation qu'il se doit pourtant d'avoir depuis toujours.

Puissant, provoquant juste ce qu'il faut (quoique sa comparaison avec les camps de concentration risque de salement faire jaser) et pas toujours bien pensant, Le Majordome, tout comme son metteur en scène, ne laisse jamais indifférent dans sa dénonciation sans phare du racisme presque ordinaire, aux États-Unis.


Maquillages prothétiques grossiers, lumières criantes, une constante théâtralité souvent rebutante, Daniels et son style outrancier - mais complétement assumé -, n'ont rien perdu de leur férocité et de leur superbe, et si cela pouvait vite devenir franchement désagréable sur Paperboy, ici, il sert à merveille ce réglement de compte aussi émotif et complexe que douloureux, du peuple américain avec son histoire.

Moins jouissif et violent qu'un Django Unchained, moins précieux et énervé qu'un Malcolm X ou un Mississipi Burning, le film n'en est pas moins hautement sincère dans son militantisme, et comme ses ainés, il a su s'entourer d'un casting royal, parfait dans sa généralité, pour magnifié cette histoire édifiante.

D'un Forrest Whitacker, logiquement, extraordinaire (si Idris Elba n'était pas en pôle dans nos coeurs avec Mandela, on lui donnerait l'oscar du Meilleur Acteur pour la seconde fois, les yeux fermés) à un David Oyelowo époustouflant en fils engagé, en passant par une Oprah Winfrey étonnante en desperate housewief à la bouteille facile (et oui, la grande Oprah sait jouer, elle aurait la statuette dorée en mars prochain - face à Naomi Harris -, qu'on ne serait pas complétement étonné), et un Lenny Kravitz aussi juste que charismatique - on va tout de même passer sous silence la courte et pitoyable composition de Mariah Carey -, tous offrent des partitions exemplaires et sans fausse note, qui ne parasite donc en rien cette oeuvre joliment exemplaire.


On comprend donc mieux maintenant pourquoi il a récemment, autant cartonné au box-office outre-Atlantique.
Plus qu'une bande historique à comédiens grimés spécialement pour l'occasion, Le Majordome est un grand film touchant et nécessaire sur un homme de l'ombre qui a accompagné l'histoire américaine.

Dévastateur, fascinant et extraordinaire à la fois, Daniels fait mouche sans jamais ne perdre une seule seconde de vue l'ampleur et la complexité de sa tache.

Eugene Allen servait la présidence, aujourd'hui son histoire et sa vie servent le septième art, c'est ce qu'on appelle un juste retour des choses...


Jonathan Chevrier

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