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[CRITIQUE] : Le Principal


Réalisateur : Chad Chenouga
Avec : Roschdy Zem, Yolande Moreau, Marina Hands,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français
Durée : 1h22min

Synopsis :
Sabri Lahlali, Principal adjoint d’un collège de quartier, est prêt à tout pour que son fils, sur le point de passer le brevet, ait le dossier scolaire idéal. Mais il ne sait pas jusqu’où son entreprise va le mener...



Critique :


Il y a une époque pas si lointaine où le cinéma - majoritairement de l'autre côté de l'Atlantique - avait une propension gentiment gourmande pour remettre en cause les méthodes peu conventionnelles des proviseurs et autres professeurs aussi bien dans les lycées que dans les collèges du monde entier - même les classes militaires.
Si les américains n'ont jamais hésité à y mettre les formes pour trancher avec la tendresse inspirée par feu Robin Williams dans Le Cercle des Poètes Disparus (coucou The Substitute), la France elle, a toujours joué la carte de la comédie pas toujours finaude, malgré quelques exceptions notables (Le plus beau métier du monde, Le maître d'école,...).

C'est sensiblement dans cette veine, il est vrai un poil plus dramatique, que s'inscrit justement Le Proviseur, nouveau long-métrage d'un Chad Chenouga absent des plateaux depuis le très beau De Toutes mes forces - où figurait déjà la merveilleuse Yolande Moreau au casting, et pour lequel il triture à nouveau la thématique du mensonge au travers d'un personnage froid et autoritaire, dont la carapace se fissure lentement mais sûrement sous le poids de sa soif maladive de perfection.

Copyright Malgosia Abramowska/Why Not Productions

Soit Sabri Lahlali, la cinquantaine au compteur et principal adjoint dans un collège de banlieue, un homme aussi charismatique qu'austère dont la rigueur quasi-militaire inspire autant la crainte que le respect.
Il est l'exemple même de la réussite au forceps, môme immigré de quartier dit difficile qui a bataillé sueur et sang pour arriver où il en est, et rien ni personne ne doit remettre en cause une ascension sociale qu'il espère encore prospère, alors qu'un poste de proviseur dans un autre établissement, lui tend les bras.

Une personnalité ambiguë et solitaire qui ne s'autorise que de rares écarts (la littérature, passion qu'il partage avec Estelle, sa supérieure hiérarchique) et doit constamment négocier avec un frère instable, une ex-femme qui s'est extirpé de son ascendant autoritaire mais qui reste malgré elle enseignante dans le même collège, et un fils studieux dont il ambitionne un avenir encore plus brillant que le sien.
Tellement qu'il ne fait pas forcément confiance en ses capacités et, bouffé par ses désirs d'exception, il récupère les sujets du brevet et les donne à son rejeton - évidemment son insu -, jusqu'à ce que son petit écart soit grillé par l'administration scolaire, et mette l'avenir de Sabri, tout comme celui de son fils, en péril...

Copyright Malgosia Abramowska/Why Not Productions

D'une figure en apparence un brin antipathique et introverti dans sa soif de l'excellence et sa rigueur extrême, dont le (gros) mensonge vient gentiment dérégler une mécanique de réussite et d'ambitions jusqu'ici trop bien huilée, Chenouga tire un étonnant bien que parfois bancal portrait d'un homme troublé de ne plus pouvoir être continuellement sous contrôle à cause de ses choix irraisonnés, symbole d'une méritocratie biaisée dont la moralité vacillante laisse in fine planer une vérité toute autre.
Où quand le mensonge et la dissimulation ne gangrènent pas seulement notre rapport à l'autre, mais également toutes les strates institutionnelles où le moindre remous/manquement à l'éthique doit plus être caché sous le tapis que réellement punis.

Constamment entre la comédie et le drame social agrémenté d'une pincée de thriller, Le Principal pêche néanmoins un brin par le manque cruel de subtilité dans son écriture (d'autant que quelques pistes sont lancées sans être abouties), pas forcément relevé non plus par une mise en scène (trop) conventionnel et presque aussi glaciale que son sujet en disgrâce.

Copyright Malgosia Abramowska/Why Not Productions

Épuré (à peine 82 minutes au compteur), sec mais prenant dans sa manière de remettre en cause les notions de méritocratie et de déterminisme social, ce troisième long-métrage doux-amer aux vrais relans romanesques, vaut néanmoins chèrement son pesant de pop-corn grâce à la partition étincelante d'un Roschdy Zem parfait en figure droite aveuglée par sa quête excessive d'excellence et pris dans son propre piège.


Jonathan Chevrier