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[CRITIQUE] : Toi non plus tu n'as rien vu


Réalisatrice : Beatrice Pollet
Acteurs : Maud Wyler, Géraldine Nakache, Grégoire Colin,...
Budget : -
Distributeur : Jour2fête
Genre : Drame, Thriller, Judiciaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h33min

Synopsis :
Claire et Sophie ont fait leurs études ensemble, elles sont toutes deux avocates. Claire va être accusée de tentative d’homicide sur enfant de moins de 15 ans. Sophie va assurer sa défense. Comment Claire, déjà mère de deux enfants, n’a-t-elle ni vi ni senti qu’elle était à nouveau enceinte ?



Critique :


Difficile de ne pas se rappeler un brin au bon souvenir du récent et magnifique Saint Omer d'Alice Diop, à la vision de Toi non plus tu n'as rien vu de Beatrice Pollet, dont le sujet est plus où moins cousin (tous deux étant également inspirés de faits réels) bien que les prismes choisis pour les aborder sont diamétralement opposés.
À celle de la première, qui jouait la carte de l'audace et de la distance paradoxalement intime, en le scrutant autant au travers des yeux de l'accusée que d'une jeune romancière également d'origine africaine, pour mieux nourrir une perspective intersectionnelle faussement factuelle et captivante autant sur le genre et l'ethnicité que sur la maternité; la seconde répond par une approche résolument plus conventionnelle et didactique mais pas moins pertinente dans son constat social.

L'histoire du film c'est celle de Claire (Maud Wyler, poignante), avocate et mère de deux enfants qui est accusée de tentative d’homicide sur son nouveau-né, qu'elle a mise au monde une nuit de sidération dans sa cuisine, abandonnant l'enfant sur une benne à ordure, enroulé dans un sac poubelle.
À sa meilleure amie, Sophie (Geraldine Nakache, son meilleur rôle depuis un bon moment), également avocate, d'assurer sa défense...

Copyright Sensito Films

C'est donc un sujet loin d'être évident auquel s'attaque Beatrice Pollet pour son second effort, le déni de grossesse, qui a poussé son personnage titre tel Médée, à abandonner un bébé fraîchement né (mais heureusement sauvé) sans qu'elle-même ne semble s'en souvenir, là où son existence jusqu'ici tranquille et aisé ne laissait pas supposer l'idée qu'elle soit capable d'une telle chose, et encore moins pour ses proches - ceux qui " n'ont rien vu ".
C'est son portrait qu'en dresse la cinéaste dans un drame procédural gentiment expurgé de tout misérabilisme putassier, dont le point de vue féministe scrute avec subtilité la question de la natalité, du statut de mère mais également la pression sociale subit par les femmes et auxquelles on ne pardonne rien.

Un regard jamais accusateur qui pointe l'incapacité latente d'une mécanique judiciaire - et sociétale - plus prompt à juger sans nuances qu'à comprendre la complexité et les contradictions d'une femme bousculée autant que les autres, par une vérité des faits qui ne correspondait pas à la vérité de son corps.
Si l'on pourra chipoter un brin sur quelques soucis d'écriture (notamment quelques pistes narratives à peine brossées où encore le traitement des seconds couteaux, presque accessoires malgré un Grégoire Colin investi), difficile de ne pas se laisser convaincre par la plaidoirie sobre et juste de Toi non plus tu n'as rien vu, sensibilisant avec pédagogie sur une pathologie encore méconnue mais surtout incomprise.


Jonathan Chevrier