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[CRITIQUE] : Les Amandiers


Réalisatrice : Valéria Bruni-Tedeschi
Avec : Nadia TereszkiewiczSofiane Bennacer, Louis Garrel,
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 2h05min

Synopsis :
Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies.



Critique :


Tout n'est qu'une question - où presque - de frénésie au sein du nouveau long-métrage de Valéria Bruni-Tedeschi, Les Amandiers, que ce soit en ce qui concerne l'art, le corps où même tout simplement la vie.
Prenant place au beau milieu des 80s (vraissemblablement l'année 1986, puisqu'il y est question de Chernobyl), au théâtre des Amandiers dirigé à l'époque par Patrice Chéreau (ici incarné par Louis Garrel), école qui fut un vrai terrain d'expérimentation pour la cinéaste, un lieu propice à celle-ci pour construire un récit tourmenté et solaire à la fois sur l'essence du métier d'acteur, intimement lié aux raisons du corps, des sentiments et du mouvement.
Une mise en images de l'énergie créatrice inhérente à la quête de soi et aux désorientations de l'adolescence, une autofiction entre la reconstruction autobiographique vissée sur une alter-ego fragile mais déterminée (magnifique Nadia Tereszkiewicz) et le récit subjectif privilégiant une pluralité de voix pour mieux décrire les différentes approches du jeu tout autant que la frontière poreuse entre la vie intime et l'espace théâtral.

Copyright 2022 - Ad Vitam Production – Agat Films et Cie – Bibi Film TV – Arte France Cinéma

Quiconque connaît un tant soit peu la filmographie un brin excentrique de Valéria Bruni-Tedeschi ne sera donc pas fondamentalement dépaysé - loin de là même -, lui qui est toujours miraculeusement suspendu au carcan si familier de la comédie, mais dont la fragilité peut soudainement exploser pour lentement laisser s'immiscer la douleur et le drame - voire la folie.
Ainsi, Les Amandiers est mué par une surprenante légèreté même lorsqu'elle se laisse vampiriser par le coeur pourrit et doux-amer des 80s (les années SIDA, Chernobyl, la drogue,...), faisant de son école un espace apatride traversé de courants contraires, où le chaos destructeur d'une époque peut devenir le moteur de la vérité du jeu et du mouvement, sa transfiguration voire même sa révélation.
Véritable exercice de cinéma libre et anarchique - tout dû moins dans sa première moitié, proprement fantastique - qui parvient à faire émerger l'urgence d'un bouillonnement intérieur autant que la nécessité de se donner corps et âme sur scène, le film, logé entre les polarités opposées de la création et de la destruction, se fait un hommage entre ironie et douleur, à l'art de la comédie et ses contradictions, ne masquant jamais son égocentrisme tout en sublimant sa vitalité désespérée.
Une oeuvre mature, nerveuse et personnelle ou Valéria Bruni-Tedeschi a su à nouveau, et peut-être plus justement qu'auparavant, être capable de faire exploser son expérience d'actrice pour mieux donner de la consistance à son pendant cinéaste.


Jonathan Chevrier