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[CRITIQUE] : Sans Filtre


Réalisateur : Ruben Östlund
Acteurs : Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek, Woody Harrelson, Oliver Ford Davies,...
Distributeur : Bac Films
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Drame, Comédie.
Nationalité : Suédois, Britannique, Américain, Français, Grecque.
Durée : 2h30min.

Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2022.

Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s'inversent lorsqu'une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.



Critique :


On pourrait presque voir les trois derniers efforts de Ruben Östlund comme une trilogie où chaque film se répond, base sa structure sur le précédent et transcende ses thématiques dans un équilibre parfois précaire mais souvent délectable.
Depuis Force Majeure, le cinéaste a démontré une capacité étonnante à elever graduellement les aspects les plus dérangeants tapis sous la surface de notre société contemporaine, à déceler la lâcheté morale autant que les instincts les plus répugnants de l'humanité logés sous la - fausse - couche de la respectabilité et de la morale, pilier malade des conventions sociales.
Si The Square se montrait déjà férocement plus ambitieux dans la démesure pour nourrir sa satire démente, follement explicite sur sa mise en images de la déshumanisation des rapports humains et sociaux, gangrenés par un individualisme égoïste et le gouffre béant entre les classes - le tout avec pour cadre le monde férocement élitiste de l'art conceptuel avant-gardiste.

© Fredrik-Wenzel ©Plattform

Sans Filtre se devait donc de s'inscrire dans une ligne évolutive tout en poussant les potards sensiblement encore un peu plus loin, jouant la carte de la satire atrabilaire et épaisse dénuée de toute retenue, brossant au pinceau tordu les traits d'une galerie de personnages peu empathiques et hauts en couleurs : un oligarque russe au capitalisme enthousiaste, un capitaine de croisière de luxe marxiste, un couple de grands-parents qui fabriquent des armes, un modèle homme au physique séduisant mais aussi décérébré que peut l'être sa compagne influenceuse...
Habitué à tremper dans le petit bain de la caricature grotesque, Östlund sait sensiblement où il va, moquant comme personne l'arrogance et la posture grotesque de l'élite bourgeoise, les différents visages du matérialisme cupide, du chantage émotionnel, des ombres pas si évidentes des rôles de genre dans un couple, du matriarcat substitutif de l'ordre patriarcal, du politiquement correct hypocrite...
Plus féroce que jamais, le cinéaste démontre qu'il n'aime toujours pas le monde qui nous entoure, sabre tout ce qu'il peut (notamment dans une jouissive scène scatophile as hell) sur sa route mais tel le titanic, il s'égratigne au moment où il percute son iceberg : les limites d'une mise en scène crue et grossière qui ne sublime jamais une narration un brin capricieuse et auto-satisfaite (notamment dans son dernier tiers so Sa Majesté les mouches), qui ne se déguste qu'en communion avec son regard hypertrophié.

© Fredrik-Wenzel ©Plattform

Plus que de nous faire voir ce qui ne va pas, de nous obliger à réfléchir et à remettre en question nos propres convictions dans cette société capitaliste qui orchestre la décadence humaine, Östlund, à la différence de Godard (Film Socialisme) et de Oliveira (Um filme falado), laisse de côté la lucidité de ses deux précédents efforts et s'enferme dans une diatribe misanthrope empêtrée dans le marasme insoluble d'une mise en dialecte de nos principes abstraits superficiels devenus fondamentaux.
Pointer l'aspect parasite d'une élite pour finalement consentir que nous sommes tous fait de la même merde et que nous sommes tous à mettre dans le même bateau, not quite a good tempo...


Jonathan Chevrier

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