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[CRITIQUE] : The Northman


Réalisateur : Robert Eggers
Acteurs : Alexander Skarsgård, Anya Taylor-Joy, Nicole Kidman, Claes Bang, Björk, Ethan Hawke, Willem Dafoe,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Action, Historique.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h17min.

Synopsis :
Le jeune prince Amleth vient tout juste de devenir un homme quand son père est brutalement assassiné par son oncle qui s'empare alors de la mère du garçon. Amleth fuit son royaume insulaire en barque, en jurant de se venger. Deux décennies plus tard, Amleth est devenu un berserkr, un guerrier viking capable d'entrer dans une fureur bestiale, qui pille et met à feu, avec ses frères berserkir, des villages slaves jusqu'à ce qu'une devineresse lui rappelle son vœu de venger son père, de secourir sa mère et de tuer son oncle. Il embarque alors sur un bateau pour l'Islande et entre, avec l'aide d'Olga, une jeune Slave prise comme esclave, dans la ferme de son oncle, en se faisant lui aussi passer pour un esclave, avec l'intention d'y perpétrer sa vengeance.



Critique :


Si le terme Elevated Horror ne devenait pas aussi galvaudé par une utilisation abusive des cinéphiles et/où autres spectateurs lambdas, on pourrait sans doute affirmer que Robert Eggers en est l'un des plus dignes représentants actuelle, un artisan méticuleux qui aime composer des séquences saisissantes pout imprégner durablement la rétine de son auditoire.
Et pourtant, même ici aussi ce serait un terme réducteur pour le caractériser, dans le sens où il démontre dès son troisième effort qu'il peut/veut voguer au-delà du carcan castratreur du fantastique, sans pour autant abandonner sa passion avéré pour une histoire et un folklore islandais qu'il semble connaître sous le bout des doigts.
Mais plus qu'une noble et sèche leçon d'histoire médiévale de ce qui incarne l'essence résolument plus musclée et plus macabre sur laquelle la légendaire pièce Hamlet de Shakespeare est basée, The Northman se veut comme un pur trip heavy metal, un cocktail détonnant de feu, de sang et de boue alimenté par une surcharge de rage, de testostérone et rituels chamaniques hallucinatoires.

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Comme toujours avec Eggers, la frontière entre la croyance au surnaturel et la réalité des événements surnaturels est sujet à l'interprétation individuelle de son spectateur mais point de ses personnages, férocement ancrés dans des certitudes et croyances que le cinéaste refuse catégoriquement de plier sous les oripeaux d'un point de vue plus moderne, invitant son auditoire à épouser la particularité profonde de son monde, même s'il ne partage absolument pas ses valeurs.
Un parti pris qui tranche de manière rafraîchissante avec l'aspect moraliste extrême d'une Hollywood qui aseptise tout ce qu'elle peut où presque, renforçant l'aura particulière d'une expérience aussi grandiose qu'elle est finalement (un poil) superficielle, dans ce qui peut se voir comme une relecture rationalisée et facile du chef-d'oeuvre Conan Le Barbare de John Milius, et de son épique et brutale quête de vengeance faisant l'apologie du sacrifice et de la loi du Talion.
À ceci près qu'ici, la brutalité - conséquente - affichée tout au long du long-métrage n'est pas entièrement gratuite tant elle répond au code d'honneur virile de la culture viking, qui accordait une grande importance à la domination de l'autre par une force brute et sauvage, où la faiblesse même physique (la vieillesse est un destin presque plus honteux que la mort) était réprimée.

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Une culture de l'assujettissement encore plus frappante dans les rapports entre les hommes et les femmes, dont la menace continue de violence sexuelle est ici heureusement laissé la plupart du temps hors-champ par Eggers (même si elle n'est pas masquée pour autant).
Mais la relatabilité n'est pas tant ce qui compte le plus avec The Northman (et c'est ce qui, au fond, est sans doute son seul gros défaut), et il y a même quelque chose de savoureusement jubilatoire dans le refus d'Eggers d'adoucir l'odyssée vengeresse de son protagoniste de quelque manière que ce soit, où de lui faire assimiler le genre de leçons qu'une histoire croquée dans les années 2020 exige.
Inutile de partager ni de comprendre les valeurs de cet ordre social viking particulier qu'Amleth s'est investie à restaurer, inutile même de comprendre ce barbare primaire et animal, pour se laisser bercer par son sanglant voyage vers la sauvagerie la plus bestiale qui soit, il faut simplement s'y abandonner sans réserve et... prendre son pied.
Car toute la réflexion qui habite le film est sauvagement noyé sous les battements de tambours brutaux et spectaculaires d'un carnage primaire et jouissif as hell, culminant dans un combat à l'épée nu et craspec dans un champ de lave (et dire que selon les commentaires du réalisateur, la version salle n'est pas du tout son cut le plus bouillant, et que la table de montage en aurait encore plus dans les tripes).

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Visceral et mystique autant qu'il est magistralement mis en scène par un cinéaste tapis dans le moindre mouvement rageur et impulsif de son anti-héros (quitte à rompre parfois avec ce souci de naturalisme rigoureux qu'il convoque également, et qui faisait le sel de son The VVitch), accentué par la prestation bestiale d'un Alexander Skarsgård physiquement impressionnant (et qu'Eggers iconise à mort); The Northman, sans doute moins radical (et donc grandiose) que le Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn, fait l'impasse sur une narration fouillée et/où surprenante (voire même sur ses saillies étranges et expérimentales, ici réduites au strict minimum) pour miser sur un spectacle total animé par le sang et la brutalité, et à la reconstitution incroyablement méticuleuse.
Un opéra du chaos hyper-violent et captivant qui à défaut d'être totalement accompli, envoie suffisamment du petit (bon gros) bois pour qu'on en redemande encore et encore.


Jonathan Chevrier


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