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[CRITIQUE/RESSORTIE] : La Lettre Inachevée


Réalisateur : Mikhaïl Kalatozov
Avec : Tatiana Samoilova, Evgeniy Urbanskiy, Innokentiy Smoktunovskiy, Vasiliy Livanov,…
Distributeur : Potemkine Films
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Russe/Soviétique.
Durée : 1h37min

Date de sortie : 15 mai 1961
Date de ressortie : 2 mars 2022

Synopsis :
Le film est l’adaptation d’une nouvelle de Valeri Ossipov, qui s'inscrivait dans le registre dit de la "prose documentaire", genre en vogue à cette époque, et qui visait à mettre en scène des “aventuriers de la science” se consacrant à l’extraction des sous-sols et la découverte de ressources rares. La Lettre Inachevée chante donc les actions glorieuses d’une équipe de quatre géologues venus prospecter le plateau sibérien à la recherche des diamants réclamés par l’industrie soviétique. Le petit groupe sonde sans relâche terres et rivières. L'automne arrive et les vivres commencent à manquer, il leur faut rentrer. Mais au moment du retour, les éléments se déchaînent et ils doivent affronter les pires difficultés…



Critique :


Mikhaïl Kalatozov, dont la carrière s'est étendue de l'ère du cinéma muet jusqu'au début des années 1970, a longtemps été la victime de son propre talent et de son penchant pour un esthétisme allant à rebours de la propagande soviétique de l'époque, les censeurs " préférant " que le réalisme social prôné par Staline, prime sous toute forme de formalisme.
Victime de la censure jusqu'au dégel de la déstalinisation dans les 50s, le cinéaste a pu à nouveau explorer à sa manière les implications sociales et idéologiques de sa nation, expurgé de toute discipline dogmatique.
Et c'est au coeur de cette époque dite dorée, au milieu de ses puissants chef-d'oeuvres Quand passent les cigognes et Soy Cuba (qui sont évidemment ses films les plus cités par les cinéphiles), que se trouve La Lettre Inachevée, une oeuvre tout aussi exceptionnelle et avant-gardiste, une aventure existentielle centrée sur un quatuor de géologues à la recherche de diamants dans la nature sauvage dense du plateau sibérien, et qui se voit offrir une ressortie toute pimpante en version restaurée, dans nos salles obscures cette semaine.

Copyright Potemkine

Le titre du film est d'ailleurs un poil trompeur, tant ce n'est pas une lettre inachevée qui nourrit le récit mais bien deux, celle écrite par le chef de l'expédition, Sabinine à sa femme Vera (il n'a jamais pu lui envoyer, celle-ci se transformant alors à la fois en un journal quotidien et en une réflexion personnelle/philosophique sur les efforts de l'expédition), et celle écrite par le guide bourru Sergei, qui n'a jamais eu l'intention d'envoyer, et qui relate son amour non partagé pour Tanya, une géologue en couple avec Andrei, lui aussi de l'aventure.
Malgré son fort potentiel romantique à l'instar de Quand passent les cigognes, le cinéaste ne se laissera jamais allé à narrer les affres d'un triangle amoureux, lui préférant l'intensité du moment présent, que ce soit le désir intense de déterrer un filon de diamants essentiel pour la patrie (histoire de concrétiser ses ambitions industriels, militaires et spatiales), où la quête désespérée de survie face à une nature implacable.
Allant toujours plus loin que le simple récit d'aventure survivaliste aux effets proprement impressionnant (car le danger, notamment des flammes, est réel puisque le cinéaste libère totalement sa caméra dans la nature sauvage sibérienne), Kalatozov, bien aidé par la fantastique photographie de son fidèle acolyte Serguei Urusevsky, croque une expérience de cinéma émotionnellement et existentiellement désarmante, où tous les personnages tentent de s'accrocher les uns aux autres tout en se déchirant continuellement, victimes (in)volontaires et (in)directes de la politique d'expansion de l'URSS.
Une (re)découverte essentielle.


Jonathan Chevrier



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