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[CRITIQUE] : L'Empire du silence


Réalisateur : Thierry Michel
Avec : -
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Belge
Durée : 1h50min

Synopsis :
Depuis vingt-cinq ans, la République Démocratique du Congo est déchirée par une guerre largement ignorée des médias et de la communauté internationale. Les victimes se comptent par centaines de milliers, voire par millions. Les auteurs de ces crimes sont innombrables : des mouvements rebelles, mais aussi des armées, celles du Congo et des pays voisins... Tous semblent pris dans un vertige de tueries, pour le pouvoir, pour l’argent, pour s’accaparer les richesses du Congo en toute impunité, dans l’indifférence générale. Parcourant le Congo caméra au poing depuis trente ans, Thierry Michel a été témoin des combats, des souffrances mais aussi des espoirs du peuple congolais. Relayant le plaidoyer du Docteur Mukwege, Prix Nobel de la paix, il retrace les enchaînements de cette impitoyable violence qui ravage et ruine le Congo depuis un quart de siècle. Documentaire sans concessions, “L’Empire du Silence” n’épargne aucun des acteurs du drame, ni les dirigeants congolais, ni les pays voisins, ni les institutions internationales. Il s’appuie sur un document de l’ONU, le rapport Mapping qui répertorie les violences commises au Congo entre 1993 et 2003, un document dérangeant qui fut enterré. “L’Empire du Silence”, ce récit épique, traverse l’immense Congo, depuis les montagnes et les forêts du Kivu jusqu’aux rives du fleuve dans la province de l’Équateur. Un document implacable, inspiré par la révolte et la solidarité. Un film pour l’histoire et contre l’oubli, pour briser la loi du silence et pour que cesse le règne de l’impunité.


Critique :


Cela fait maintenant près de trente ans que Thierry Michel, documentariste belge, filme le Congo et sa guerre perpétuelle. Rien n’a changé, ou presque. Les présidents se succèdent, les malheurs aussi. Mais sait-on exactement ce qui se passe ? Rien n’est moins sûr. Malgré une longue filmographie et des films salués par la critique, malgré un engagement jamais en berne, rien ne change. Des paroles, toujours des paroles comme le disait Dalida, mais aucune action concrète n’arrive à passer au-delà de l’immobilisme général.

N’étant ni un homme politique, ni un membre de l’ONU, Thierry Michel riposte avec sa propre arme : la caméra. Si nous sommes perdu⋅es face à l’histoire du pays, face aux tenants et aboutissants, le réalisateur décide de revenir aux sources. L’Empire du silence dévoile trente ans de guerres, de crimes contre l’humanité, d’injustices et de désespoir. Mélange d'images d’archive, d’interview et de reportage, le documentaire démêle le vrai du faux et se positionne en plaidoyer pour contrer enfin le cycle de la violence.

© Les films de la passerelle

En 2016 sort le documentaire de Thierry Michel, L’Homme qui répare les femmes : la Colère d'Hippocrate, où il rencontre le docteur Denis Mukwege. Leurs luttent se rejoignent : faire cesser les violences de toutes parts, surtout celles infligées aux civiles — les victimes collatérales de la recherche de pouvoir. Ce sont les minorités qui en souffrent le plus, ce n’est plus une découverte. Le combat incessant du Dr Mukwege pour appeler la communauté internationale à reconnaître les violences faites aux femmes, au nom de la guerre, lui permet d’obtenir le Prix Nobel de la paix en 2018. Mis à part le prix prestigieux, nulle action réelle n’a été effectuée et le peuple congolais continue à en payer le prix.

L’Empire du silence possède plusieurs enjeux. Revenir sur les traces de l’Histoire et mettre les pendules à l’heure. Permettre aux concerné⋅es d’avoir une voix, portée par le film à travers le monde. Mais surtout, d’ôter les œillères et de nommer les coupables afin de les mener à comparaître en justice. La première partie du film marche sur les traces du passé, en 1994, quand l'innommable se produit au Rwanda. Un génocide atroce, une mare de sang d’où se forme le point de départ à la violence. Les victimes et les bourreaux se réfugient dans les bordures du pays le plus proche, le Congo (alors appelé Zaïre), pris entre les griffes de Mobutu Sese Seko. C’est une histoire sans fin qui se déclenche, entre vengeance, politique et profit. Le pays le plus pauvre du continent africain se trouve être celui qui possède également le plus de richesse et le plus de personnes à même d’en profiter. Devant la caméra se succèdent nombre d’intervenant⋅es congolais⋅es, ou étrangers⋅ères, partageant leur histoire et leur savoir. S’il n’est pas facile d’y voir clair entre les couches politiques et les corps enterrés dans l'ignorance collective, Thierry Michel s’emploie à déterrer chaque morceau de l’histoire, car ils détiennent la vie du peuple congolais et leur possible salut. Nous comprenons vite, confortablement assis dans notre fauteuil de cinéma, que la position de spectateur⋅trice n’est pas seulement notre place mais celle de la communauté internationale toute entière. Des actions ont déjà été perpétrées mais elles n’ont eu aucune utilité, si ce n’est d’obtenir un semblant de fierté d’avoir “aidé” des gens dans le besoin tandis que l’on continue à baigner dans notre privilège. Il existe une enquête menée par l’ONU, un dossier sensible qui contient toutes les données énoncées dans L’Empire du silence. Le document attend patiemment une main désireuse de faire bouger les choses nous dit le film. Mais les mains sont liées et elles ne peuvent qu’assister, impuissantes, à des massacres en règle.

© Les films de la passerelle

Le documentaire ne s’occupe pas seulement du passé mais se projette dans l’avenir. Des militant⋅es congolais⋅es descendent dans la rue, revendiquent leur liberté, et attaquent sans détour l’immobilisme européen et américain, corrompus par l'appât du gain. L’Empire du silence clôture le travail de Thierry Michel sur le territoire congolais et nous offre un puissant outil pour contrer l’inertie globale : la connaissance. 


Laura Enjolvy


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