[CRITIQUE] : Fresh
Réalisatrice : Mimi Cave
Acteurs : Daisy Edgar-Jones, Sebastian Stan, Jojo T. Gibbs,...
Distributeur : Disney Plus France
Budget : -
Genre : Thriller, Epouvante-horreur, Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h54min.
Synopsis :
Noa fait la connaissance de Steve dans une épicerie. Refroidie par les applications de rencontres, elle accepte sur un coup de tête de lui donner son numéro. Après un premier rendez-vous, elle tombe sous le charme de cet homme très séduisant et accepte de partir avec lui en amoureux le temps d’un week-end. Elle va vite découvrir que son nouvel amant a un appétit insatiable… et peu commun !
Critique :
Vouloir rencontrer l'amour au XXIème siècle, est sensiblement une catastrophe - et encore plus en temps de pandémie.
De la traversée plus ou moins périlleuse du paysage infernal des applications de rencontres comme Tinder, à la gestion souvent chaotiques des réseaux sociaux où les harcèlements sont légion, c'est un véritable champ de mines de frustration pour quiconque recherche l'amour aux - majoritairement - mauvais endroits.
Même lorsque vous avez la chance de rencontrer quelqu'un qui vous semble normal, il y a toujours cette petite pensée paranoïaco-lancinante vissée à l'arrière de votre caboche, qui vous intime qu'il est possible que quelque chose n'aille pas avec cette personne.
Et il y a des péloches qui, sans qu'on ne les voient forcément venir, vous confirme toutes les craintes que vous avez avec ce sujet, tout en distillant de nouvelles tellement plus tordus que vous deviendrez presque heureux de rester célibataire pour le restant de vos jours : c'est le cas du fantastiquement barré Fresh, premier long-métrage de la wannabe cinéaste Mimi Cave qui donne corps et vie au cynique et intelligent script de Lauryn Kahn.
Le cinéma de genre est peut-être le seul aujourd'hui à pleinement permettre une érosion pereine des femmes cinéastes tant il incarne un champ des possibles qui ne restreint jamais les visions, même les plus extrêmes et/ou barrées qui soient.
Partant d'un pitch tout droit sortie d'une comédie romantique lambda (une jeune femme dans la vingtaine, désespérée de ne pas trouver l'amour et las d'enchaîner les dates décevants, tombe sous le charme d'un chirurgien esthétique légèrement maladroit, qui la drague au supermarché), le film vrille véritablement une fois que son générique d'intro (audacieusement balancé après une bonne demie heure) éclabousse l'écran, épousant alors les contours d'un thriller sanglant répondant scrupuleusement au titre de " midnight movies " tout autant qu'il s'éloigne de son carcan parfois douloureusement réducteur.
Cousin pas si lointain du bouillant Promising Young Woman d'Emerald Fennell dans son mélange d'allégorie moderne et d'horreur, même s'il passe résolument la seconde pour ce qui est de nourrir de manière macabre sa fable d'autonomisation (même s'il aurait clairement pu aller beaucoup plus loin dans le body horror), Fresh tisse autant une allégorie intelligente de l'exploitation du corps des femmes (littéralement vu comme des morceaux de viandes, ce qui est d'une ironie toute particulière et macabre ici), qu'une critique acérée de l'horreur tapie dans l'ombre des rendez-vous/dates modernes (appuyant gentiment sur les notions de masculinité toxique et de l'ego masculin fragile qui y gravitent), capturant merveilleusement l'expérience féminine qui en découle dans toute sa maladresse et ses micro-agressions, tout en soulignant bien comment ses rencontres en tant que femme, comportent des risques et une anxiété allant résolument bien plus loin que la simple désillusion sentimentale.
Pas dénué de quelques longueurs (plus des petits essouflements qu'autre chose cela dit) mais incroyablement intelligent dans son humour noir et sa manière de jouer avec les tropes familiers pour mieux les déforme et créer ainsi un morceau de cinéma enthousiasmant et rafraîchissant (comme sa manière de souvent masquer l'horreur hors champ, manipulant psychologiquement son auditoire en lui faisant croire qu'il manque quelque chose de beaucoup plus horrible que ce qui est déjà montrer à l'écran); Fresh est aussi et surtout un vrai film d'acteurs, pièces indéboulonnables d'un puzzle délicieusement mordant et méchant.
Tirant totalement partie d'une narration aussi audacieuse, Daisy Edgar-Jones est absolument renversante dans sa manière de s'accaparer les maux et le lent calvaire de Noa, une femme profondément mélancolique et optimiste autant qu'elle est incroyablement rusée, qui rejette l'inéluctabilité de son destin inévitable en s'avèrant in fine presque aussi habile dans le jeu des manipulations que son oppresseur, génialement campé par Sebastian Stan.
Étrangement déchirant dans la peau du suave et sadique Steve, il capte toute la dualité du bonhomme entre ombre et lumière, et délivre peut-être ce qui est sa plus belle et décomplexée performance à ce jour.
Porté par une mise en scène stylisée et une écriture maligne qui brouille joyeusement les frontières entre la comédie romantique, le thriller horrifique et le revenge movie, Fresh laisse un arrière-goût amer et puissant, notamment dans sa façon de pointer minutieusement du bout de la caméra, la réaction abjecte de la vox populi face aux femmes victimes des abus des hommes, où les regards inquisiteurs semblent encore et toujours pointés dans la mauvaise direction...
Jonathan Chevrier
Acteurs : Daisy Edgar-Jones, Sebastian Stan, Jojo T. Gibbs,...
Distributeur : Disney Plus France
Budget : -
Genre : Thriller, Epouvante-horreur, Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h54min.
Synopsis :
Noa fait la connaissance de Steve dans une épicerie. Refroidie par les applications de rencontres, elle accepte sur un coup de tête de lui donner son numéro. Après un premier rendez-vous, elle tombe sous le charme de cet homme très séduisant et accepte de partir avec lui en amoureux le temps d’un week-end. Elle va vite découvrir que son nouvel amant a un appétit insatiable… et peu commun !
Critique :
Pas si éloigné du tout aussi amer #PromisingYoungWoman dans son mélange d'allégorie moderne et d'horreur, #Fresh tisse habilement autant une saillie intelligente sur l'exploitation du corps des femmes, qu'une critique acérée de l'horreur tapie dans l'ombre des rencontres modernes pic.twitter.com/fctEfg1Bdj
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 4, 2022
Vouloir rencontrer l'amour au XXIème siècle, est sensiblement une catastrophe - et encore plus en temps de pandémie.
De la traversée plus ou moins périlleuse du paysage infernal des applications de rencontres comme Tinder, à la gestion souvent chaotiques des réseaux sociaux où les harcèlements sont légion, c'est un véritable champ de mines de frustration pour quiconque recherche l'amour aux - majoritairement - mauvais endroits.
Même lorsque vous avez la chance de rencontrer quelqu'un qui vous semble normal, il y a toujours cette petite pensée paranoïaco-lancinante vissée à l'arrière de votre caboche, qui vous intime qu'il est possible que quelque chose n'aille pas avec cette personne.
Et il y a des péloches qui, sans qu'on ne les voient forcément venir, vous confirme toutes les craintes que vous avez avec ce sujet, tout en distillant de nouvelles tellement plus tordus que vous deviendrez presque heureux de rester célibataire pour le restant de vos jours : c'est le cas du fantastiquement barré Fresh, premier long-métrage de la wannabe cinéaste Mimi Cave qui donne corps et vie au cynique et intelligent script de Lauryn Kahn.
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Le cinéma de genre est peut-être le seul aujourd'hui à pleinement permettre une érosion pereine des femmes cinéastes tant il incarne un champ des possibles qui ne restreint jamais les visions, même les plus extrêmes et/ou barrées qui soient.
Partant d'un pitch tout droit sortie d'une comédie romantique lambda (une jeune femme dans la vingtaine, désespérée de ne pas trouver l'amour et las d'enchaîner les dates décevants, tombe sous le charme d'un chirurgien esthétique légèrement maladroit, qui la drague au supermarché), le film vrille véritablement une fois que son générique d'intro (audacieusement balancé après une bonne demie heure) éclabousse l'écran, épousant alors les contours d'un thriller sanglant répondant scrupuleusement au titre de " midnight movies " tout autant qu'il s'éloigne de son carcan parfois douloureusement réducteur.
Cousin pas si lointain du bouillant Promising Young Woman d'Emerald Fennell dans son mélange d'allégorie moderne et d'horreur, même s'il passe résolument la seconde pour ce qui est de nourrir de manière macabre sa fable d'autonomisation (même s'il aurait clairement pu aller beaucoup plus loin dans le body horror), Fresh tisse autant une allégorie intelligente de l'exploitation du corps des femmes (littéralement vu comme des morceaux de viandes, ce qui est d'une ironie toute particulière et macabre ici), qu'une critique acérée de l'horreur tapie dans l'ombre des rendez-vous/dates modernes (appuyant gentiment sur les notions de masculinité toxique et de l'ego masculin fragile qui y gravitent), capturant merveilleusement l'expérience féminine qui en découle dans toute sa maladresse et ses micro-agressions, tout en soulignant bien comment ses rencontres en tant que femme, comportent des risques et une anxiété allant résolument bien plus loin que la simple désillusion sentimentale.
Copyright 2022 20th Century Studios All Rights Reserved |
Pas dénué de quelques longueurs (plus des petits essouflements qu'autre chose cela dit) mais incroyablement intelligent dans son humour noir et sa manière de jouer avec les tropes familiers pour mieux les déforme et créer ainsi un morceau de cinéma enthousiasmant et rafraîchissant (comme sa manière de souvent masquer l'horreur hors champ, manipulant psychologiquement son auditoire en lui faisant croire qu'il manque quelque chose de beaucoup plus horrible que ce qui est déjà montrer à l'écran); Fresh est aussi et surtout un vrai film d'acteurs, pièces indéboulonnables d'un puzzle délicieusement mordant et méchant.
Tirant totalement partie d'une narration aussi audacieuse, Daisy Edgar-Jones est absolument renversante dans sa manière de s'accaparer les maux et le lent calvaire de Noa, une femme profondément mélancolique et optimiste autant qu'elle est incroyablement rusée, qui rejette l'inéluctabilité de son destin inévitable en s'avèrant in fine presque aussi habile dans le jeu des manipulations que son oppresseur, génialement campé par Sebastian Stan.
Étrangement déchirant dans la peau du suave et sadique Steve, il capte toute la dualité du bonhomme entre ombre et lumière, et délivre peut-être ce qui est sa plus belle et décomplexée performance à ce jour.
Porté par une mise en scène stylisée et une écriture maligne qui brouille joyeusement les frontières entre la comédie romantique, le thriller horrifique et le revenge movie, Fresh laisse un arrière-goût amer et puissant, notamment dans sa façon de pointer minutieusement du bout de la caméra, la réaction abjecte de la vox populi face aux femmes victimes des abus des hommes, où les regards inquisiteurs semblent encore et toujours pointés dans la mauvaise direction...
Jonathan Chevrier