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[CRITIQUE] : Robuste


Réalisatrice : Constance Meyer
Avec : Gérard Depardieu, Déborah Lukumuena, Lucas Mortier, Megan Northman, Florence Janas, Steve Tientcheu, Théodore Le Blanc,...
Budget : -
Distributeur : Diaphana Distribution
Genre : Drame
Nationalité : Français.
Durée : 1h35min

Synopsis :
Lorsque son bras droit et seul compagnon doit s’absenter pendant plusieurs semaines, Georges, star de cinéma vieillissante, se voit attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune agente de sécurité, un lien unique va se nouer.


Critique :


Premier film de la cinéaste Constance Meyer, qui contient déjà absolument tout dans son modeste et court titre « Robuste ». Le plus étonnant est que ce terme, qui caractérise si bien les deux personnages dans leurs caractères et leurs attitudes, est souvent paradoxal vis-à-vis de tout ce qui se construit. Robuste n'est pas un film sur l'actorat (Gérard Depardieu y incarne un acteur) comme il serait facile d'en faire un raccourci. Cela reste une possibilité, car l'acteur français y joue un rôle très proche de lui-même. C'est d'abord, et surtout, une rencontre. Le paradoxe tient alors de cette nouvelle relation entre les deux protagonistes, tous deux « robustes », mais qui vont légèrement se transformer en la présence de l'autre. Un lien très particulier se tisse petit à petit, si bien que ce ne sont pas vraiment les enjeux propres aux personnages qui comptent, mais plutôt ce que cette rencontre va révéler en chacun d'eux. Et quand bien même cette relation les fait évoluer en vu d'objectifs personnels (surtout pour Aïssa, interprétée par Déborah Lukumuena), leurs arcs narratifs individuels sont comme des explorations secondaires. Tout le long-métrage repose sur une idée simple : une mise en miroir. Entre l'acteur désabusé et la jeune agent de sécurité déterminée, les deux sont dans une période de leur vie où tout peut basculer (l'un avec ses projets de films, elle avec son activité de lutteuse).

Copyright Diaphana Distribution

Cette rencontre se construit sur un point essentiel : le respect que les deux personnages entretiennent l'un envers l'autre. Il aurait été facile pour Constance Meyer de choisir la voie d'une présence qui perturbe la vie de l'autre personnage. Mais totalement à l'opposé de cela, la cinéaste se contente de montrer ce qui rend ces personnages si vivants. Et c'est bien là l'essentiel. Peu importe l'écart de générations entre les deux personnages, cette mise en miroir est l'occasion pour tous les deux de transmettre un savoir, des valeurs, une manière de vivre, etc. Il n'est donc pas étonnant de les voir majoritairement dans leur intimité, dans ces espaces où leur vie semblerait la plus banale. Mais c'est là que la cinéaste tire toute la beauté de cette rencontre. C'est dans ce motif plein de tendresse que Robuste montre son ampleur. Parce qu'il ne semble y avoir aucune limite au sein de cette rencontre, au sein de cette relation qui ne cesse de grandir. Ou alors peut-être le fait qu'Aïssa soit seulement une remplaçante pour aider l'acteur dans son quotidien. Même ce geste (de la remplaçante) dans son caractère temporaire est quelque chose qui rend la rencontre précieuse. A tel point que Constance Meyer utilise une photographie naturaliste, privilégiant la lumière naturelle à l'artificiel, pour deux raisons principales : cet encrage dans l'intimité, puis l'intention de voir grossir cette relation vers quelque chose qui finit par s'imposer.

Copyright Diaphana Distribution

La rencontre prend toute la place dans le cadre, il y a toujours un écho de l'un dans les activités de l'autre. Si bien que la barrière de l'activité professionnelle s'efface petit à petit, pour laisser entrer l'intimité et l'amitié. Comme l'est la caméra dans la vie d'un personnage (qu'il soit de documentaire ou même de fiction), le métier d'Aïssa est une incrustation dans la vie de Georges. C'est par ce mouvement d'intégration que le regard prend conscience de quelque chose d'autre. Tout d'un coup, avec cette incursion du corps et de l'esprit (le matériel de la caméra, l'immatériel du regard qu'offre la caméra), c'est la vulnérabilité qui se révèle derrière ce caractère « robuste ». Derrière l'apparente solidité de ces deux personnages, ce sont deux solitudes qui éclatent devant la caméra. Sans jamais aucun jugement, que ce soit de la part des personnages ou de la part de Constance Meyer via sa mise en scène, cette rencontre est l'occasion pour Georges et Aïssa de se retrouver face à eux-mêmes, face à leurs doutes et leurs convictions, pour retrouver tout ce qui compte vraiment dans leur vie. Ainsi, derrière ce « robuste », il y a la fragilité. S'il y a bien quelque chose à retenir absolument de cette rencontre, est qu'elle met aussi en miroir le corps avec le cœur. Derrière ces solidités physiques, il y a des cœurs qui battent et des émotions qui apparaissent.

Copyright Diaphana Distribution

Grâce à ce motif aussi simple de la rencontre, Constante Meyer capture l'abandon de soi dans les émotions et les sensations les plus pures, les plus simples. Le physique compte toujours, il est juste une barrière de protection, bien plus qu'un supposé bouclier de repli sur soi. Même si le corps peut être douloureux (la vieillesse pour lui, le sport de haut niveau pour elle), Robuste fonctionne comme un nouveau souffle de vitalité pour ses deux protagonistes. C'est aussi pour cela que la cinéaste n'est jamais trop proche des corps de ses personnages, sauf lorsque Aïssa pratique son sport. Parce que, quand il s'agit de moments partagés dans l'intimité, la retenue et la distance de la mise en scène permettent d'offir toute la respiration nécessaire aux corps des personnages. De cette manière, le cadre n'étouffe pas davantage les âmes fragiles, et leur donne toute la liberté requise. Surtout que cette maison dans laquelle habite Georges est bien grande, tout en étant hors du temps. Comme si cette intimité ne pouvait exister que dans l'isolement, dans l'éloignement, dans l'écart. La suspension dans le temps de cette rencontre redéfinit complètement le rôle de cet espace intime, où l'abandon professionnel devient une renaissance émotionnelle.


Teddy Devisme


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