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[CRITIQUE] : True Mothers


Réalisatrice : Naomi Kawase
Acteurs : Arata Iura, Hiromi Nagasaku, Aju Makita,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h20min.

Synopsis :
Satoko et son mari sont liés pour toujours à Hikari, la jeune fille de 14 ans qui a donné naissance à Asato, leur fils adoptif. Aujourd’hui, Asato a 6 ans et la famille vit heureuse à Tokyo. Mais Hikari souhaite reprendre le contact avec la famille, elle va alors provoquer une rencontre…



Critique :


Trentième étage d'un immeuble tokyoïte comme il y en a des centaines d'autres : Une craquante petite tête blondr se brosse les dents, surveillé par sa mère souriante qui lui chante doucement.
Il est content car aujourd'hui, son père vient avec eux sur le chemin de l'école maternelle.
La petite famille semble heureuse, trop peut-être, dans leur quotidien confortable et tranquille...
Prolifique - et infiniment précieuse - cinéaste japonaise, Naomi Kawase nous revient en ces pluvieuses heures estivales avec une nouvelle réalisation pleine de promesses : True Mothers, ou l'adaptation d'une nouvelle de l'écrivaine japonaise Mizuki Tsujimura, publiée en 2015 - Morning -, qui lui permet d'aborder bien plus frontalement les thématiques charnières de sa filmographie, sans pour autant renier la magie de son style naturaliste et captivant, qui lui permet de renforcer son emprise émotionnelle autant sur ses personnages que sur son auditoire.

Copyright Haut et Court

Une nouvelle fois, des vies s'entrelacent et se choquent, des flashbacks et des flashforwards se confondent dans un récit au présent délicat et pourtant, jamais la longueur de cette chronique bouleversante - près de deux heures et demie au compteur -, ne vient user tout la force évocatrice d'une histoire intime bouleversante, d’un couple - Satoko et Kiyokazu - souffrant d’infertilité qui voit, cinq ans après, débarquer dans leur vie la jeune femme qui se prétend la mère biologique (Hikari, à l'époque adolescente) de leur adorable enfant, Asato, et qui cherche dans un premier temps à leur extorquer de l’argent.
Fort en séquences âpres voire même atrocement triste, que ce soit dans sa première moitié rugueuse (du cauchemar de la découverte de la stérilité pour un couple qui s'aiment et rêve d'avoir un enfant, avec les tourments/questionnements que cela implique, aux essais infernaux de la procréation assistée), ou sa seconde plus lumineuse centrée sur la jeunesse d'Hiraki (l'horreur parentale face à sa grossesse - elle qui n'avait même pas eu ses premières règles -, et la découverte qu'il était trop tard pour un avortement, scènes qui répondent à la tristesse insondable et à la violence du choc de devoir abandonner la chair de sa chair, sous la pression familiale aveugle et totalement fermée à ses propres sentiments), mais aussi l'attente de son bébé aux côtés de Mme Asari (qui recueillent des femmes - principalement des travailleuses du sexe -, abandonnées par le système); True Mothers, constamment à la lisière entre la fiction et le documentaire, décortique les arcanes fastidieuses du processus d'adoption (encore pudique au Japon) autant que la question de l'amour maternel.

Copyright Haut et Court

Entre la perte physique et psychologique, l'attachement fragile et la complexité du rôle de mère (il est difficile de l'être, à tous les niveaux), Naomi Kawase s'intéresse aux deux faces d'une même pièce (l'adoption via les deux mères en son coeur, au sein d'un récit justement aussi long et fastidieux que le chemin d'une adoption), s'appuie sur les partitions au diapason de son casting vedette (notamment la formidable et habitué de son cinéma, Aju Makita) et croque un petit bijou de drame intime à l'humanité rare sur la maternité, ou les âmes éprouvées sont en parfaite communion avec la nature toute puissante, qui nous soumet à sa volonté.
Sans tambour ni trompette mais avec une réalité rare, elle répond à ce que c'est qu'être " une vraie mère " face à l'adversité, à travers deux femmes bien plus semblables quelles n'en ont l'air.


Jonathan Chevrier