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[CRITIQUE] : Old

Réalisateur : M. Night Shyamalan
Acteurs : Gael García Bernal, Vicky Krieps, Rufus Sewell, Thomasin McKenzie, Alex Wolff, Abbey Lee...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Thriller, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h48min.

Synopsis :
Adaptation de Château de Sable de Pierre Oscar Levy et Frederik Peeters.

En vacances dans les tropiques, une famille s’arrête pour quelques heures sur un atoll isolé où ils découvrent avec effroi que leur vieillissement y est drastiquement accéléré et que leur vie entière va se retrouver réduite à cette ultime journée.




Critique :



Adapté d'un roman graphique intitulé Sandcastle, le nouveau film de M. Night Shyamalan se construit sur une idée simple : une plage, une famille, un effet fantastique. Celui du vieillissement accéléré des personnages sur cette plage, où une demi-heure équivaut à une année de leur vie. Amenés sur cette plage par recommandation du patron du club de vacances local, la famille de Guy (Gael Garcia Bernal) et Prisca (Vicky Krieps) est soumise à un tas d'épreuves. Unité de lieu avec la plage, et unité de temps parce que les minutes sont importantes dans ce vieillissement accéléré. Évidemment, la famille de Guy et Prisca ne se retrouve pas seule sur cette plage, car deux autres familles sont présentes, ainsi qu'un mystérieux rappeur qui était déjà là. La plage devient alors un théâtre social, où le mystère de certains événements influe évidemment sur les relations entre les personnages. Parce qu'avant d'entrer pleinement dans le côté fantastique du mystère de cette plage, Old est comme un récit inspiré d'Agatha Christie, où des êtres coincés dans un même espace finissent par s'entre-déchirer. L'unité de départ autour de l'incompréhension générale laisse progressivement place à la folie, à l'agressivité individuelle, où les coups et les provocations se répondent comme dans une partie de flipper. Sauf que l'intérêt du long-métrage s'arrête presque là.

Copyright 2021 Universal Studios. All Rights Reserved.

Une fois passé l'effet presque Agatha Christie du récit, tout est une catastrophe. Alors que les nœuds entre personnages se constituent et se défont au fil de la narration, ceux-ci sont beaucoup trop peu caractérisés. Un nom et un métier ne suffisent pas à présenter un personnage. Leurs traits de caractères se résument très rapidement à trois points : qui sera un leader, qui va paniquer avant les autres, qui va être choqué. Leurs traits sont tellement fins qu'ils ne sont qu'une panoplie de réactions fasse à la situation : essayer de partir, la colère, le besoin de s'isoler quelques instants. Les personnages sont des cobayes pour le concept du film, dont on ne comprend pas bien la présence de Gael Garcia Bernal et de Vicky Krieps dans ce bourbier. La présence de Rufus Sewell n'est pas étonnante, étant habitué aux séries B. Le problème est que ni le scénario ni la mise en scène de Shyamalan n'a quoi que ce soit à leur proposer, sur lequel ils pourraient s'appuyer pour donner forme à des sensibilités et des personnalités. Le cinéaste est bien trop occupé par son besoin d'expliciter chaque situation, et de constamment synthétiser tout ce qui s'est produit dans les minutes précédant une scène. Il n'est donc pas innocent de parler d'un côté Agatha Christie, tant le film se transforme rapidement en un jeu où il faut devenir le prochain personnage à mourir. Attention, c'est peut-être un jeu qui vieillit avec le temps.

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Tout comme le style de Shyamalan que tant de monde a analysé au fil des années, il semble avoir aussi vieilli avec le temps. Il faut oublier la dimension fantastique et la perception de l'étrange que le cinéaste affectionne tant. Il faut également oublier la saveur que procurent ses rebondissements narratifs (ou twist, pour les anglophones), tant le cinéaste semble ne pas avoir voulu s'embarrasser avec cela. Il faut également oublier l'impact si fort des codes couleurs du cinéaste. Si le fantastique et l'étrange sont si peu présents, c'est surtout parce que Old ne produit aucun travail sur l'espace de cette plage. Le paysage est magnifique pour des vacances, c'est sûr. Mais est-ce bien l'intérêt de conserver cette perception pendant tout un film qui parle de phénomènes étranges ? Malgré l'étendue du relief maritime, l'immensité des falaises qui s'érigent au-dessus des corps, les petites grottes qui se trouvent au fond de la plage, et tant d'autres éléments, Shyamalan n'en fait rien. Il lui arrive de faire quelques plans larges sur la grandeur et la composition de ce paysage, mais dans des plans placés comme des respirations au sein de la narration. Le cinéaste ne fait que dessiner les contours de son décor, sans jamais l'inspecter en profondeur. Alors que cette plage devient un huis-clos à la fois physique et psychologique, Shymalan n'en explore jamais les aspects qui le permette. Le cadre s'enferme sur les personnages et leurs réactions, autant que l'étrangeté du paysage est enfermée dans l'inaccessible (même sa composition qui est pourtant différente du lieu de vacances où est hébergée la famille). L'étrangeté et le mystère sont inatteignables parce que le cinéaste semble ne pas vouloir forcer sa mise en scène. Celle qui consiste à faire marcher (ou courir) les personnages d'un bout à l'autre de la plage, pour créer un semblant de mouvement. Les décadrages ne suffisent pas à créer une tension, parce que le paysage est de plus en plus désarmé de son pouvoir claustrophobique. Cette plage devient un espace de survival, plutôt qu'un espace de peur constante.

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Sauf que couvrir l'espace est une mise en scène factice, où les acteurs sont comme des poissons dans un bocal rempli d'eau : ils tournent en rond à la recherche de nourriture et de liberté. C'est une mise en scène qui attend un nouvel événement dramaturgique, qui se contente de bêtes petits mouvements de caméra pour créer la suggestion. Sauf qu'à trop attendre au sein des angles de vue suggestifs, il semblerait que le film ne croit pas en l'intelligence du spectateur. Il faudrait être aussi stupide que les personnages (il y a clairement des éléments qui peuvent résoudre le récit en dix minutes). Une mise en scène vidée de tout sens et de tout point de vue, cherchant davantage à surprendre par les événements qu'à créer un ressenti dans cet espace. Bien dommage, parce que Shyamalan a tout de même quelques inspirations esthétiques à un moment précis du film. Lorsque la nuit tombe, le cinéaste semble se réveiller pour offrir une vision horrifique. Dans cette séquence obscure, il y a des images très marquées par la symbolique horrifique. Même si la mise en scène autour reste timide, toute cette séquence de nuit est un vrai virage dans l'atmosphère et l'identité visuelle du film. Enfin, Shyamalan s'autorise à créer des images. Cela ne l'empêche pas de retourner dans des travers lourdingues. Que ce soit dans son final où des éléments apparaissent soudainement, ou même lorsqu'il sent le besoin de trouver des explications concrètes aux mystères. Ou alors de vouloir, encore une fois, faire une mise en abîme grotesque où il montre qu'il est le maître du jeu. Oui Shyamalan, tu tiens les ficelles de ton mystère, tout le monde le sait. Old est pourtant vidé d'une âme imaginaire, qui serait liée à l'étrangeté du paysage.


Teddy Devisme


 

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