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[CRITIQUE] : Bo Burnham : Inside

Réalisateur : Bo Burnham
Avec : Bo Burnham
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Comédie dramatique, Stand-Up.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h27min

Synopsis :
À travers de nouvelles chansons et perspectives, Bo Burnham revient sur une année bien étrange dans ce spectacle original écrit, filmé et interprété en plein confinement.


Critique :


Enfin ! Il est temps de sortir, de débattre une fois sortis des salles obscures et de flâner en terrasse lorsque le dialogue s'éternise. Il est temps de voir les copains, de discuter de tout et de rien. Il est temps d'échanger sur nos vies ensemble, de parler de soi. Sans clic, sans notification, sans photo retouchée. Enfin. L'attente fut longue. Alors il fallait bien s'adapter pour combler nos manques audiovisuels en solitaire. Des films, on a bouffé sur les plateformes de streaming. Entre ces blockbusters préfabriqués d'un côté et les vidéos de peoples se sentant "comme nous" en chantant Imagine de John Lennon à l'unisson de l'autre, la solitude ne fut que plus envahissante.

Netflix

Il n'est pas véritablement question d'un film ici. Il s'agit d'un spectacle intime, conçu dans l'isolement du confinement lié à la pandémie du Covid-19. Un document personnel se retrouvant sur Netflix, à regarder chez soi. Si vous connaissez le musicien et humoriste américain Bo Burnham, vous devez connaître ses paroles grinçantes et son humour sans filtre, mitraillant avec une précision chirurgicale chaque aspect qui compose la société occidentale, blanche et égocentrée. Le premier long-métrage qu'il avait réalisé, Eighth Grade (ou Dernière Année en VF), conçu après quelques années de spectacles humoristiques, témoignait d'une grande finesse dans l'analyse des comportements adolescents et d'une identité sensible, à l'humour aussi juste qu'il en était poignant dans ses moments les plus difficiles. Une maturité incroyable pour un réalisateur de 27 ans.

Dans le cas de Inside, le procédé est simple : Bo Burnham se filme seul dans sa salle de travail, en création constante de chansons humoristiques ou sketches. Il se met en scène, avec des effets de lumière, de montage, de pure mise en scène finalement, le tout avec une énergie débordante. Les sujets sont vastes : les sextos, les femmes blanches sur Instagram, la crise de la trentaine, les chaînes de gaming Twitch... Des sujets encore une fois disséqués par le biais de chansons hilarantes, provocatrices, mais manifestant finalement le mal-être pesant de son interprète.


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C'est un véritable essai, sur l'artiste lui-même, qui en dit autant sur sa personnalité que sur celles des spectateurs de l'autre côté de l'écran. Encore plus intéressant, Burnham se filme régulièrement en réagissant à ses propres images. Ironique au début (voire méta lors d'une scène d'une absurdité stratosphérique), il en devient critique envers lui-même. Il filme son visage dans tous les angles, à tous les stades de sa dépression qui s'installe au fur et à mesure des instants créatifs. Grâce à ces gimmicks de mise en scène, le sentiment de comprendre où il veut en venir est instantané, même quand il ne s'exprime pas, dès que le silence se fait.

Véritable œuvre sur les contradictions humaines, Burnham en vient à devenir ce qu’il dénonce, enfermé dans le cercle vicieux de son isolation créatrice. Burnham fait comme dans ses spectacles ou son film Eight Grade : il taille dans ce qui dérange, ce qui rend absurde notre société et ce qui définit le mécanisme de nos comportements humains. Il se moque avec une justesse dingue, jusqu’à en arriver à lui-même, et c'est là que le film devient beaucoup plus amer. C’est un combat intérieur que l’on observe : entre Burnham l'individu et Burnham l'humoriste. Un duel impliquant des questionnements sur cette malice que l'artiste souhaite conserver intacte et la légitimité de ces paroles. Une lutte qui se transforme en apitoiement, au point où Burnham devient une caricature de ses cibles favorites, à son insu.


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C'est assez dingue de voir ce qu'une seule personne peut faire en terme de mise en scène, de lumière, de montage dans une pièce aussi étroite, lorsque la claustration devient étouffante. Bo Burnham déborde d’inspiration pour rendre cet espace vivant et magnifique, même quand le sujet est moche. Il nous surprend à chaque fois, dans sa façon de plier avec une extrême intelligence son minuscule studio à la moindre de ses idées comiques. C’en devient inspirant, pour chaque artiste qui peine à trouver le moyen de s’exprimer quand il ne peut sortir de chez elle / lui. Tout ceci redonne espoir, à mon sens, pour les créatrices et créateurs qui se sentent paumé.es. C'est un film qui parle de la difficulté de créer quand on ignore de quoi demain sera fait, de ce déchirement émotionnel de parler des autres quand on ne se parle qu'à soi-même. L'humour est-il la meilleure voie quand tout est déjà si terne ?

De toute évidence, c'est un documentaire sur la dépression et sur les différents remèdes que l'on y trouve par l'expression artistique. Un document aussi douloureux que bénéfique, célébrant la portée de l'expression humaine et du silence, une analyse des multiples étapes de la résilience. Une auto-thérapie chantée et filmée.


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L'avenir est prometteur pour Burnham, qu'importe le sujet ou format qu'il choisira. Sa voix est unique, et Inside en est la preuve, une fois encore. Toutes ces émotions devaient sortir, et nous aussi d'ailleurs. Il était temps. Enfin libres. 


Florian


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