Breaking News

[SƎANCES FANTASTIQUES] : #58. May

© 2003 - Lionsgate Entertainment - All Rights Reserved

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !



#58. May de Lucky McKee (2002)

Lucky McKee, c'est un peu l'honnête faiseur discret qui avait tout pour être l'une des figures du cinéma fantastique les plus importantes de sa génération, mais qui n'a finalement jamais vraiment su transformer l'essai d'un premier long-métrage absolument extraordinaire, même s'il n'en est pas vraiment un au fond (son vrai premier film, co-réalisé avec Chris Sivertson, le plutôt foutraque et expérimental All Cheerleaders Die, n'a connu une exploitation qu'à partir de 2013).
Un réalisateur sensitif, il est vrai savamment bouffé au fil du temps par le rouleau compresseur des grosses majors Hollywoodiennes qu'il a naïvement rejoint - comme bon nombre de cinéastes issus du giron indé -, et qui a salopé deux de ses plus prometteurs efforts (The Woman mais surtout The Woods), mais dont la joie de mettre en scène se ressent même dans ses efforts les moins réussis (voire son épisode assez ronflant pour Masters of Horror, Liaison Bestiale, entre la romcom des 40s mal-amenée et le film de monstre grandiloquent et bricolé des 50s).

© 2003 - Lionsgate Entertainment - All Rights Reserved

Mais aucun de ses passages derrière la caméra n'a été aussi remarqué et remarquable que pour May, une rouste comme on en prend que trop rarement, cornaquée avec les moyens du bord (500 000 $ seulement, ce qui en dit long sur le talent du bonhomme vu le résultat final), et née sur les bancs de la fac (un clip réalisé en dernier année à l'USC, Fraction, dont la moelle est similaire).
Sorti dans le plus triste des anonymats dans l'hexagone - merci l'exploitation en DVD donc -, sorte de fusion entre deux figures importantes de la culture du bonhomme (Taxi Driver, son film préféré, mais surtout le mythe de Frankenstein, son histoire favorite), de ses propres expériences personnelles (ses années collèges) ainsi que des tics familiers du cinéma indépendant ricain (une galerie de personnages marginaux, une banlieue US proprette,...); May va toujours bien plus loin que l'histoire d'une jeune femme perturbée qui se construit un ami avec les morceaux de ses victimes.
Remplaçant l'unanisme et le sentimentalisme putassier du drame, certes très gore et baroque, qu'il expose, pour lui préférer une cruauté rentre-dedans qui ne fait qu'accentuer notre immersion dans un cauchemar viscéralement sanglant, le film est un regard puissant théorisant sur un mal sociétal terrible et universel, tant il se fait l'allégorie de la quête difficile de l'ami et/ou du conjoint parfait, au travers de la tortueuse et tourmentée May.
Une identification retors et malsaine - mais pourtant inévitable - pour le spectateur, qui ne peut que prendre parti pour ce petit bout de femme d'un autre temps coincé dans les abîmes (Angela Bettis, absolument époustouflante), sorte de poupée desarticulée enfantine et de diablesse séduisante, un être qui s'extirpe douloureusement de sa timide chrysalide pour incarner un monstre psychotique d'une sombre élégance; une pure freak en mal d'amour, qui incarne sans doute l'un des portraits de schizophrène les plus poignants et finement croqués, de l'horreur moderne.

© 2003 - Lionsgate Entertainment - All Rights Reserved

Une oeuvre effrayante et bouleversante à la fois, sorte d'ode à la tolérance macabre qui se réclame comme une héritière légitime des bijoux (enfin, jusqu'à la fin des 90s) de Dario Argento et de Lucio Fulci (son dernier acte cite directement La Maison près du cimetière), autant quelle transpire l'amour du cinéma fantastique bien fait, à l'approche purement sensorielle et viscérale.
Par chez nous, on appelle ça un film majeur, tout simplement.


Jonathan Chevrier


Aucun commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.