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[CRITIQUE] : La Grande Traversée - Let Them All Talk

Réalisateur : Steven Sodebergh
Acteurs : Meryl Streep, Diane West, Candice Bergen, Lucas Hedges, Gemma Chan,...
Distributeur : - (My Canal)
Budget : -
Genre : Comedie dramatique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h53min.

Synopsis :
Ecrivaine américaine à succès et lauréate du prix Pulitzer, Alice Hughes, en panne d'inspiration, entreprend un voyage à bord du Queen Mary 2, vers l'Angleterre où elle doit recevoir un prix littéraire. Elle est accompagnée de son agent, de deux amies qu'elle n'a pas vues depuis trente ans, et de son neveu Lucas. La traversée s'annonce tumultueuse...




Critique :



Entre les tripatouillages expérimentaux de High Flying Bird ou Full Frontal et les propositions plus commerciales comme Erin Brockovich ou la trilogie Ocean’s, Steven Soderbergh est un des cinéastes les moins barbants de sa génération. Chaque nouveau projet revêt dès lors une petite excitation, tant le spectateur ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre, et après un The Laundromat très McKay-ien, voilà donc que Canal+ propose Let Them All Talk (ou La Grande Traverse). Un film qui renoue avec les embardées expérimentales de son metteur en scène, puisque celui-ci fut tourné en deux semaines avec des dialogues improvisés par l’ensemble du casting. Mais alors, ça vaut quoi au juste le dernier Soderbergh ?
Tout aussi bien comédie vacharde sur l’amitié qu’auscultation mélancolique du temps qui passe, Let Them All Talk navigue entre les genres et les influences. En effet, le récit se déroule dans une ambiance jazzy (la BO impeccable de Thomas Newman) très Allenienne où l’amitié est un braquage à la Ocean’s le tout emballer dans une mosaïque digne du cinéma d’Altman.

HBO Max

Un mélange étonnant qui donne une œuvre en trompe-l’œil, d’apparence légère elle se révèle avant tout un amoncellement de petits riens qui, bout à bout, forme un film étrangement profond. Le poids des regrets, la lourdeur des échecs, la douceur des fins et l’amertume des liens décousus, c’est tout cela qui s’agite dans ces dialogues spontanés. Là encore, Let Them All Talk prend un risque, celui de la sous-écriture. Car, si on a tendance à l’oublier, l’art du dialogue n’a rien de facile et savoir articuler les mots pour faire résonner les thématiques n’est pas chose aisée. Ici, pourtant, cela marche, certainement car Soderbergh n’est pas n’importe quel cinéaste et qu’il dirige des actrices loin d’être des amatrices.
Candice Bergen, Diane West et Meryl Streep parviennent à s’accorder à merveille tout en jouant des partitions très différentes donnant ainsi à leurs interactions une causticité amère. Si Candice Bergen surprend et que Diane West confirme, s’il le fallait, son talent, c’est bien Meryl Streep qui tire son épingle du jeu. Il faut dire que pour leur seconde collaboration, Soderbergh lui fait un cadeau avec le rôle d’Alice, écrivaine éperdument prétentieuse et pourtant pétrie par le doute. L’actrice parvient à lui façonner une humanité, une émotion, une profondeur au travers d’une performance jouant sur les nuances, les petits tics et un naturel assez désarmant. Du Streep haut de gamme on pourrait dire.

HBO Max

Ainsi, Let Them All Talk est un film à la sophistication spontanée. À la fois vif et amer, Soderbergh signe encore une fois une proposition aussi singulière qu’évidente. Imparfaite, peut-être, mais dotée d’une réelle passion pour, non pas une histoire, mais bel et bien pour des actrices s’offrant une cure de jouvence prenant l’apparence d’une masterclass d’acting.


Thibaut Ciavarella