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[CRITIQUE] : Light of My Life


Réalisateur : Casey Affleck
Acteurs : Casey Affleck, Anna Pniowsky, Elisabeth Moss,...
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Science-Fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h59min.

Synopsis :
Dans un futur proche où la population féminine a été éradiquée, un père tâche de protéger Rag, sa fille unique, miraculeusement épargnée. Dans ce monde brutal dominé par les instincts primaires, la survie passe par une stricte discipline, faite de fuite permanente et de subterfuges. Mais il le sait, son plus grand défi est ailleurs: alors que tout s'effondre, comment maintenir l'illusion d'un quotidien insouciant et préserver la complicité fusionnelle avec sa fille ?




Critique :


Dans la vaste de gamme de films qui émaillent la carrière de Casey Affleck, ce sont sans doute les efforts artisanaux à la combustion lente, ses drames résolument contemplatifs et passionnants dans leur manière de laisser le temps à leurs histoires pour dévoiler tous leurs tenants, qui ont imbibés de leur aura, son second passage derrière la caméra - mais sa vraie première oeuvre de fiction -, Light of My Life, consciemment sinueux et à la familiarité évidente avec tous les survivals familiaux récents.
Creusant autant dans la moelle des dystopies modernes, que dans l'essence old school et sinistre des films d'horreurs des 60's, tout en rappelant parfois le formidable Leave no Trace de Debra Granik (et pas uniquement de par son cadre boisé et grisâtre), le film suit les aléas d'un père sans nom et de sa jeune fille de 11 ans, surnommée Rag (Anna Pniowsky, véritable révélation du métrage, naturelle et lumineuse), qui se fait passer pour son fils, la faute à un fléau mondial meurtrier, une contagion désolée qui n'attaque que les femmes.




Même s'il use d'une " supercherie " tout droit sortie du cinéma de genre (sans jamais précisé pour autant, les raisons de la survie de Rag), le film, sorte de film d'horreur qui refuse obstinément de ne pas en être un, adopte l'approche minimaliste ultime de la tension survivaliste : les errances d'un père et de sa fille unis par un lien inébranlable, luttant face à un mal résumé par quelques clichés et titres de journaux, ou même par une légende urbaine (un campement où des femmes survivantes sont logées dans un bunker).
Suffisant pour captiver de prime abord (mention au voile lugubre du deuil, qui survole le film avec justesse), et brassant une pluie de thèmes plus ou moins bien amenés (la monoparentalité en tête et plus largement, la relation père-fille esquissant celle d'une relation homme-femme), le récit s'étiole pourtant au fil des (très) longues deux heures de métrage, chargé par un scénario fragile que ne parvient jamais vraiment à relever une mise en scène pourtant douce et intime, à hauteur humaine (et qui rappelle clairement cette David Lowery, jusque dans la photographie naturaliste d'Adam Arkapaw), mais surtout une impression ambiguë derrière les raisons de cette entreprise.
En pointant du bout de sa caméra son dévouement de père, en montrant sa vaillance chevaleresque, sa capacité d'empathie ou même sa volonté de comprendre et de défendre la femme qu'il aime plus que tout et dont il a la charge; difficile de ne pas voir ici une sorte de justification, de dédouanement mea culpa-esque de ses accusations persistantes face à un comportement douteux - pour être poli.




Comme si sa première réalisation - doux hasard -, venait corriger le tout, lui offrir une rédemption (légitime ?) en le présentant comme un saint protecteur bourru au coeur d'une oeuvre féministe; intention
 étrange quand l'histoire même du fantasme d'une maladie mortelle qui n'attaque que les femmes joue, par moments, la carte du commentaire punitif, tel un The Handmaid's Tale des films de pandémies.
Voyage intimiste et mélancolique (voire quasi-psychanalytique) qui éclate en odyssée violente dans son ultime tiers, façon melting-pot d'un peu tout ce qui a été vu récemment, totalement vissé sur son duo titre follement complémentaire (et intelligent dans son écriture, avec la propension croissante de la jeune fille à penser par elle-même et à remettre en question les décisions de son père, gonflant son anxiété déjà conséquente); Light of My Life, malgré ses scories irritants (son écriture, ses personnages hors le duo titre, sa propension à trop s'étirer sur la longueur, sans compter le parallèle grossier avec la vie publique d'Affleck), n'en reste pas moins un joli survival à l'atmosphère obsédante, sorte de terreur tranquille appuyée par le score solennel de Daniel Hart, dont le silence et les non-dits en disent finalement plus que les dialogues.


Jonathan Chevrier