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[CRITIQUE] : La forêt de mon père


Réalisatrice : Vero Cratzborn
Avec : Léonie Souchaud, Alban Lenoir, Ludivine Sagnier,...
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Belge, Français, Suisse.
Durée : 1h31min.

Synopsis :
Gina, 15 ans, grandit dans une famille aimante en lisière de forêt. Elle admire son père Jimmy, imprévisible et fantasque, dont elle est prête à pardonner tous les excès. Jusqu’au jour où la situation devient intenable : Jimmy bascule et le fragile équilibre familial est rompu. Dans l’incompréhension et la révolte, Gina s’allie avec un adolescent de son quartier pour sauver son père.




Critique :



C'est un grand écart digne des grandes heures de JCVD, qu'opère actuellement le talentueux Alban Lenoir : être à la fois en vedette d'un bon B movie bien de chez nous qui castagne sévère, Balle Perdue de Guillaume Pierret - disponible sur Netflix -, et l'un des rôles-titres d'un beau premier film; La forêt de mon père de Vero Cratzborn (connue pour ses documentaires et ses collaborations avec Leos Carax), ou il campe le rôle d'un père fantastique et imprévisible, qui par son attitude bouscule de plus en plus - jusqu'à l'inévitable rupture - l'équilibre déjà fragile, de son petit bout de famille, que le commun des mortels pointent du doigt (parce qu'ils sont plus bohèmes que simplement " normaux ").



Centré sur le regard plein d'amour et de crainte d'une jeune fille pour son père, et porté par une dimension autobiographique qui apporte une authenticité encore plus palpable à l'histoire, le métrage oscille entre le récit-témoignage vibrant, et le récit initiatique touchant d'une ado en pleine construction, là où sa famille elle, opère le douloureux processus inverse.
D'une intensité rare, prenant le parti pris juste et intelligent de ne jamais poser de nom sur la maladie/handicap du père, Jimmy (pour ne pas l'enfermer plus qu'il ne l'est déjà, dans un souci de normalisation facile), ni même de juger sa " différence ", tout en imbibant son aura d'un mystère salutaire qui colle pleinement à son regard à hauteur d'enfant/ados (qui, logiquement, ne peuvent pas totalement comprendre la complexité de la vie d'adulte et de ses choix souvent obligés); le métrage joue au funambule, constamment en équilibre entre la charmante excentricité et la dangerosité lattente d'une psychologie versatile, pointant du bout de la caméra avec justesse, la réalité d'un quotidien oscillant entre bonheur et drame.
Vrai film de transition à tous les niveaux (entre la douceur et la folie, la nature et la vie urbaine, l'enfance et le douloureux passage à la vie d'adulte,...), au symbolisme fort (le réel se perd parfois dans l'imaginaire, et inversement), La forêt de mon père est aussi et surtout, un grand film de comédiens.



Que ce soit Ludivine Sagnier, bouleversante en femme brisée et au réalisme crue (parce qu'elle ne peut se permettre de faire autrement), ou Alban Lenoir, parfait en grand enfant candide mais intimement capable du pire, en passant par la révélation Léonie Souchaud, déterminée et touchante (elle impressionne en petit bout de femme de quinze ans, engoncée dans un entre-deux âge, un statut d'ainé qui l'oblige à se responsabiliser et un amour indéfectible pour son paternel); tous sont au diapason pour embellir les coutures d'un beau et délicat drame sur la maladie, sur les victimes directes (les malades) et indirectes (les proches).
Un premier film tranchant et honnête, qui démontre sans phare que même tout l'amour du monde, ne peut pas régler tous les maux de la vie...


Jonathan Chevrier