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[CRITIQUE] : Benni

 

Réalisateur : Nora Fingscheidt
Acteurs : Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide,...
Distributeur : Ad Vitam.
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Allemand.
Durée : 1h58min.


Synopsis :
Benni a neuf ans. Négligée par sa mère, elle est enfermée depuis sa petite enfance dans une violence qu'elle n'arrive plus à contenir. Prise en charge par les services sociaux, elle n'aspire pourtant qu'à être protégée et retrouver l'amour maternel qui lui manque tant. De foyer en foyer, son assistante sociale et Micha, un éducateur, tenteront tout pour calmer ses blessures et l'aider à trouver une place dans le monde.




Critique :



Un sentiment étrange émane de notre retour dans les salles obscures, entre un sentiment de crainte légitime (rien ne sera comme avant pendant un petit moment) et une excitation certes timide mais bien réelle; une réappropriation de notre territoire béni, qui passera par des séances immersives, capables de nous faire oublier - un brin - ce net changement d'ambiance et d'habitudes.
Et Benni de Nora Fingscheidt, fait pleinement parti de cette catégorie, et s'impose sans forcer comme l'un des films immanquables de ce retour en salles.
Sublime drame allemand, Benni dépeint le calvaire intime et quotidien vécu par l'héroïne du même nom, le parcours psychologique et institutionnel d'une môme victime d'une négligence maternelle assumée, mais surtout l'otage de ses propres pulsions erratiques et de sa rage brûlante, qui la consume de plus en plus, de la plus tragique et incontrôlable manière qui soit.



Le traumatisme d'un amour maternel qui lui est refusé, a laissé des blessures non cicatrisées qui, alors qu'elle écume les maisons de soins et les établissements psychiatriques, ne semblent que s'approfondir... tout comme sa soif d'amour, qui augmente au rythme de chaque rejet qu'elle conçoit elle-même, rompant tout lien émotionnel de manière presque préventive.
Tous sauf celui qu'elle entretient avec l'éducateur Micha (qui la comprend parce qu'il a sans aucun doute, vécu la même chose), qui incarne dans son morne quotidien, une véritable lueur d'espoir.
Avec une maîtrise proprement étonnante, la réalisatrice et scénaristes Nora Fingscheidt, dont c'est le premier passage derrière la caméra, utilise tous les outils narratifs et techniques à sa disposition pour nous connecter au feu électrique qui bouillonne dans l'âme et l'esprit de Benni; exemple douloureusement parfait de ses jeunes enfants maltraités et qui ne demande qu'à être aimés et trouver un minimum leur place dans ce monde.
Ce mal est aussi vivant dans sa représentation détonante, que pouvait l'être tout récemment Uncut Gems, dans sa mise en images des affres d'un toxicomane accro au jeu, à la recherche constante de sensations fortes - quitte à constamment et consciemment s'auto-détruire.
Entre une réalisation hyperactive et précise, un montage punchy et au plus près des âmes, qui vont de pair avec une partition urgente et habitée (la jeune Helena Zengel est juste incroyable), la cinéaste capture avec fureur l'interaction de Benni avec le monde qui l'entoure.



Rempli d'espoir dans la tourmente, notamment dans le regard compatissant d'une pluie de pédagogues divers, se battant au jour le jour pour aider ses enfants rejetés, Benni est un drame bouleversant de sincérité, le constat objectif (elle ne juge jamais la jeune Benni, ni ne l'excuse) des ravages des carences affectives et la détresse abyssale qui en découle.
Une pure claque, tout simplement.


Jonathan Chevrier