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[CRITIQUE] : Joker


Réalisateur : Todd Phillips
Acteurs : Joaquin Phoenix, Robert De Niro, Zazie Beetz, Frances Conroy,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain, Canadien.
Durée : 2h02min

Synopsis :
Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société.



Critique :



Tout n'est qu'une histoire de paris avec Joker, à tous les niveaux.
Celui d'une firme s'étant elle-même enfermée dans ses propres travers improductifs à force de loucher, un brin stupidement (pour être poli), sur la méthode fructueuse mais inconsistante de sa principale concurrente - au lieu de pleinement miser sur sa séduisante et imprévisible singularité -, et décidant in fine de jouer la carte de l'épure (aussi bien d'un point de vue effet que pécuniaire), pour produire une origin story marginale (car hors de tout univers partagé... mais pas trop) et littéralement à rebours des (trop) nombreuses propositions actuelles.
Celui d'un réalisateur également, connu pour ses potacheries pas toujours recommandables - mais souvent jouissives et fédératrices -, qui tente de suivre l'élan récent de ses aînés Adam McKay et Peter Farrelly, en prouvant qu'il n'est pas uniquement le cinéaste d'un genre.



Ou encore celui d'un comédien talentueux et habité, féru des performances extrêmes où il s'immerge sans la moindre réserve, qui décide de répondre favorablement - mais pas sans quelques conditions au préalable - aux sirènes d'une major, pour offrir sa vision d'un personnage populaire déjà sujet à plusieurs interprétations mémorables, dans le bon (Jack Nicholson, Heath Ledger) comme dans le mauvais sens du terme.
Plusieurs prises de risques aux degrés différents, intimement liées pourtant par une idée mère plus que louable en ces temps de disette créative dans l'univers balisé du giron super-heroïque : réinventer le genre par la racine, en arrachant nombreuses de ses mauvaises herbes (contrainte du PG-13, surabondance de CGI, scénarios prétextes à l'abrutissement de masse et non à la découverte d'une vraie expérience de cinéma un minimum réflexive,...), et revenir à un équilibre certes précaire mais fascinant, entre l'étude de caractère frontale - voire brutale - et une vision aussi urbaine que réaliste, du mythe du super-héros... où du super-vilain, comme avait brillamment su le faire Christopher Nolan avec sa trilogie The Dark Knight, à une heure où Marvel n'avait pas encore pleinement amorcé son entreprise de réappropriation/démolition.
Une ambition assez folle qui a su attiser puis clairement exciter les attentes des cinéphiles endurcis - mais pas que -,  avant de joliment y répondre en ces premières heures d'octobre, dans des salles jamais trop obscures pour sa noirceur et sa crudité malsaine.



Se revendiquant volontairement comme un néo-Scorsese du nouveau millénaire (même s'il n'en a décemment pas la carrure, comme il l'a déjà montré dans sa révérence sur pellicule War Dogs), en enlaçant sa relecture du Killing Joke d'Alan Moore avec deux des oeuvres majeurs du cinéaste new-yorkais - Taxi Driver et La Valse des Pantins -, tout en matinant son atmosphère d'une esthétique franchement Scorsesienne (son Gotham est le New York du papa de Casino et du grand scénariste Paul Schrader), Todd Phillips renoue avec le cinéma contestataire et avant-gardiste des 70's pour mieux croquer son odyssée désespérée au coeur d'un contexte urbain qui colle terriblement à notre réalité.
Un univers au contexte politique et social réaliste, qui pousse instinctivement à la réflexion, tant il y a du vrai autant que de la turbulence un brin alarmiste - mais aussi exagérée - made in Nouvel Hollywood dans sa vision à la violence sans concession, d'un Gotham boursouflée par ses inégalités et son mépris des classes (petit microcosme d'une Amérique malade, comme dans les comics), à la rébellion latente.
Peinture nihiliste et sinistre d'une cité inhospitalière au bord de la rupture, jungle sauvage et triste cédant lentement mais sûrement à la barbarie, payant le lourd tribu de la revanche de ses laissés-pour-compte qu'elle a décidé d'isoler (ce que l'on fait tous, à divers degrés et pour diverses raisons, chaque jour), Joker peut se voir également comme une édifiante exploration de la nature humaine, un portrait sombre de la petitesse de l'humanité contemporaine (qui ronge notre quotidien et biaise sournoisement notre rapport à l'autre), sur la personnalité labyrinthique d'un homme supposément lambda aux troubles mentaux avérés, qui s'inscrit pleinement dans notre paysage commun, et que l'on pourrait croiser tous les jours (est-il le fruit de notre société où un homme souffrant d'un mal incurable depuis toujours ?).


Un personnage à l'écriture jamais gratuite et pleine de sens, sublimé par la partition incroyable d'un Joaquin Phoenix à l'hilarité profondément gênante (tout autant que ses danses proche de la transe poético-macabre), réussissant la prouesse plutôt ardu d'attiser l'empathie de son auditoire pour la souffrance d'un homme malade, avant de littéralement la bazarder quand il incarne avec charisme la mise en oeuvre des remèdes proprement inacceptables et malsains, qu'il trouve pour lutter face à ce mal-être insondable.
Un jeu d'attirance/répulsion maîtrisé d'une main de maître, passant d'une douloureuse quête de reconnaissance et de mal intérieur à l'acceptation de sa propre folie, entre tristesse et quiétude/plénitude dans la sauvagerie la plus viscérale et libératrice qui soit.
Arthur Fleck aka le Joker (qui ne sera nommé comme tel en toute fin de métrage), aussi potentiellement cool soit-il dans son irrévérence et son refus total d'entrer dans les carcans d'une société qui le rejette - mais qui l'a fait naître -, est un homme amoral, un vrai méchant dont la fausse allure de messie dans le chaos (pervertissant l'image bienveillante et enfantine du clown, pour en faire le visage du mal absolu), appuyée par le mystère nébuleux de ses origines (un bon point déjà usé par Nolan dans The Dark Knight, tant la déconnection et le manque d'ancrage à la réalité est sa principale force) et une absence salutaire du Bat (pour ne pas relativiser son rôle de champion de l'immoralité), est dépeint ici avec une justesse rare : il n'est qu'une attraction tragique et dangereuse dans le cirque des horreurs de Gotham, qui même grimé, ne quitte pourtant jamais sa solitude et sa tristesse abyssale.


Un désaxé sans origines (c'est un enfant adopté, Fleck n'est pas son vrai nom) qui n'a pas besoin de la moindre explication pour justifier ses actes et qui, dans le symbole d'une figure maléfique incarnant le bras armé de la peine de mort et d'une certaine justice, se rapproche naturellement de l'image de vigilante fanatique incarné par Batman, à ceci près que sa folie n'est pas faîte pour combattre d'autres psychopathes, et qu'il ne s'impose pas lui-même - volontairement tout dû moins - comme une figure politique (on peut tout à fait le voir cependant, comme une figure solitaire assouvant égoïstement sa propre vengeance).
Mieux, il s'inscrit même tout autant comme le miroir déformé des aventures du Chevalier Noir (pour lui aussi, chacun de ses actes ne fait que précipiter son autodestruction), placardant ce qu'il incarne dans le civil (un riche héritier qui n'a jamais été dans le besoin), et plus directement son père Thomas Wayne (incarnation très Trumpiste de la réussite), comme l'élément déclencheur de son virage du côté obscur... et influant directement celui futur, du jeune Bruce via un double assassinat connu de tous, mais revêtant ici un aspect politique et social totalement inédit.
Et le scénario a le bon goût de ne jamais s'embarasser pour donner des justifications à ses actes et entâcher sa précieuse ambiguïté (pas besoin de justification dans un monde qui est vu des yeux d'un homme qui agit sans en avoir besoin), dans sa volonté d'incarner plus qu'un simple - mais percutant - récit de rupture à la subtilité étonnante, dont la trajectoire inexorablement descendante, accomplie dans la douleur puis dans la jouissance, se clôture sur ambivalence un tantinet paranoïaque à la K. Dick, hallucinant un monde qui n'est pas où surlignant une réalité si grotesque qu'elle paraît contrefaite. 


Questionnant continuellement notre rapport à la justice et à la violence dans un monde qui multiplie les conflits, ferme les yeux sur les inégalités sociales en privilégiant les plus riches et dépénalise l'exploitation de l'homme par l'homme, Joker est une odyssée apocalyptique dure et anarchiste dont on n'a pas fini de scruter l'ambivalence (partisan où non de la violence de son héros, telle est la question) et la pertinence, et dont on ne peut reprocher finalement que son laisser-aller formel, surlignant parfois bien trop ce qui n'a pas besoin de l'être, et ne rendant jamais vraiment justice autant au score anxiogène et mélancolique de Hildur Guðnadóttir, qu'à la photographie nostalgique de Lawrence Sher et la prestation ahurissante d'un Phoenix absolument parfait.
Référencé (les hits de Scorsese, Les Temps Modernes de Chaplin, The Man Who Laughs d'Ed Brubaker,...), politique voire dérangeant dans son explosion de violence (qui ne résulte que d'un ras-le-bol social total comme beaucoup de pays en connaît aujourd'hui, mais dont une mauvaise interprétation de la morale assez floue, pourrait s'avérer dangereuse), chaotique et protéiforme, Joker s'approprie les codes du genre super-héroïque pour s'ouvrir sa propre voie au sein d'une proposition actuellement foutrement lisse, et autant dire que l'on est plus que séduit par la contre-proposition qu'il nous offre - un vrai récit autant sur la rupture que sur l'acceptation fiévreuse d'une folie destructrice -, en espérant que son ambition soit contagieuse.


Jonathan Chevrier




L’inconvénient d’un film très marketé, c’est qu’on a des attentes. On entend tout le monde en extase, on lit des critiques dithyrambiques, bref on « ne peut pas ne pas y aller ». Donc on y va.
On y va en tendant la joue pour la claque magistrale qu’on nous a promis. On y va presque stressé d’être angoissé par un personnage qui sombre dans la folie meurtrière, contre qui même le CNC nous met en garde. Donc j’ai vu Joker. Et j’en suis sortie après deux heures de travelling et de gros plans sur un Joaquin Phoenix exceptionnel, et je me suis dit « So what ? ». C’est tout. Au final, le scénario, s’il y en a un, n’a pas dû être bien long.



On passe la première partie du film à être témoins d’agressions en tout genre de plus en plus violentes d’un homme seul et handicapé (interprété à merveille, une fois de plus). C’est assez inconfortable et on se morfond dans la pitié, seul sentiment éprouvé à l’égard du personnage. Vous allez me dire, c’est fait pour, on doit être mal à l’aise. Ah bon ? Pourquoi ? Parce que sans le voir tabassé, humilié, déprimé, on ne comprendrait pas la folie du Joker ? Pas d’accord. Mais passons.
Une fois que notre ami décide d’arrêter les médicaments et découvre un tas de trucs sur son passé déjà bien fucked up, il embrasse sa vraie nature et… tue tout le monde ? Ah. Déjà, le package maman malade + papa inconnu + je suis adopté + je suis malade aussi + je suis pauvre + je me fais virer + j’ai plus de psy, c’est assez lourd. Trop ? Non, jamais pour les américains. Vraiment, vous êtes sûrs ? Oui, oui, d’ailleurs on va aussi l’humilier à la télévision nationale comme ça il aura vraiment des raisons de pas être content du tout.
Et il n’est pas content du tout, ce dont on va s’apercevoir dans la deuxième partie du film quand sa « descente dans la folie meurtrière » (merci le CNC) est déjà bien entamée. Au milieu d’une rébellion qu’il a lancé sans faire exprès (ça arrive à tout le monde), il assassine tout ceux qui lui ont fait du mal, directement ou indirectement.



Bon je me moque, mais le film est doté d’une cinématographie sublime et d’un Joaquin Phoenix au sommet de son art. Ma question, en tant qu’amateure de comics et de super (et moins super) héros, c’est pourquoi ? Avait-on vraiment besoin d’une justification de la folie du Joker et de ses actes ? Un Joker juste fou et obsessionnel pour on ne sait quelles raisons à la Heath Ledger ce n’était pas assez ? Pour moi, ça suffisait amplement…


Eloïse



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