[CRITIQUE] : Deux Moi
Réalisateur : Cédric Klapisch
Acteurs : Ana Girardot, François Civil, Simon Abkarian, Camille Cottin, François Berléand, Eye Haïdara, Pierre Niney...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h50min.
Synopsis :
Rémy et Mélanie ont trente ans et vivent dans le même quartier à Paris. Elle multiplie les rendez-vous ratés sur les réseaux sociaux pendant qu'il peine à faire une rencontre. Tous les deux victimes de cette solitude des grandes villes, à l’époque hyper connectée où l’on pense pourtant que se rencontrer devrait être plus simple… Deux individus, deux parcours. Sans le savoir, ils empruntent deux routes qui les mèneront dans une même direction… celle d’une histoire amour ?
Critique :
Vrai conte moderne pétri de bons sentiments doublé d'un joli portrait sociétal sur deux âmes en peine qui ne demandent qu'à se trouver, #DeuxMoi, aussi drôle qu'il est poignant, fait l'apologie du beau cinéma simple et convivial, et incarne un feel good movie affûté et enchanteur pic.twitter.com/16jmWi6kwZ— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 11, 2019
On avait laissé le vénéré Cédric Klapisch il y a un tout petit peu plus de deux ans en pleine Bourgogne avec le magnifique Ce qui nous lie, belle dramédie sur une fratrie empathique et émouvante en plein coeur des vignobles.
Si l'air de la campagne lui a fait du bien, il préfère pourtant retrouver à nouveau celui bien plus polué de sa capitale d'amour avec Deux Moi, pour lequel il convoque deux membres importants du trio vedette de son précédent essai, la délicate et talentueuse Ana Girardot et le définitivement irrésistible en 2019, François Civil.
Toujours avec un regard affûté sur son époque, le papa de Casse-Tête Chinois s'échine cette fois à nous conter un juste mais douloureux portrait de la génération 2.0, des trentenaires désenchantés et repliés sur eux-mêmes, dont la vie est littéralement aspirée par la solitude, la dépression et le dictat aveuglant des réseaux sociaux.
Vrai conte moderne pétri de bons sentiments doublé d'un joli drame sociétal sur deux âmes en peine qui ne demandent qu'à se trouver, le film, aussi drôle qu'il est poignant, fait l'apologie du beau cinéma simple et convivial, au sein d'un feel good movie riche en émotions, filmé avec un amour de l'autre qui nous va droit au coeur.
Sans surprise puisque Klapisch ne fait que de suivre, non sans maitrise, le chemin balisé de sa belle filmographie (il casse cependant l'esprit choral de ses précédents essais, mais il retrouve toujours les thèmes qui lui sont cher : l'émancipation, la nécessité de créer des liens, l'amour,...) au milieu d'un cadre sublimé (un Paris qu'il connaît sur le bout de la pellicule, ambiguë dans sa froideur solitaire et sa lumière cachée qu'il faut trouver pour se sentir exister, une " cité des amoureux " qui peut nous dévorer de l'intérieur) mais surtout d'une vision infiniment moins joyeuse du vivre-ensemble, où l'utopie d'une communion générale laisse douloureusement place à l'individualisme cruel, à un manque cruel de connections et de sociabilité.
Rémy et Mélanie vivent dans le même quartier, devraient supposément se rencontrer tous les jours et pourtant rien n'y fait, ils se croisent sans se voir, existent sans vivre, souffre d'un mal sensiblement plus profond qu'une dépression et une douloureuse rupture.
En prenant à bras le corps les codes de la romcom, qu'il détourne avec une certaine irrévérence délicieuse - malgré la prévisibilité certaine de sa conclusion -, tout en s'attachant à séparer distinctement les deux parcours semés d'embûches de ses deux protagonistes principaux (et dans lesquels on se reconnaît tous un minimum, sans la moindre réserve), Klapisch s'attache à conter l'avant-rencontre, l'envers du décor d'une histoire dont on ne saura jamais au fond, si elle s'inscrira sur la durée où s'avérera aussi douce que l'on puisse l'espérer pour ses deux oiseaux brisés par la vie.
Le cinéaste préfère bien plus le voyage que sa destination en elle-même - et tant mieux -, ne masque pas leurs échecs, leurs détresses et puise alors dans l'universalité bouleversante du quotidien d'une cité des amoureux qui avalent pourtant bien plus de coeurs qu'elle n'en soigne, pour parler à un auditoire qui n'en attendait sans doute pas tant après une année 2019 déjà bien chargée en pépites hexagonales.
Fable urbaine optimiste, merveilleusement interprété par un casting impliqué et convaincant (Ana Girardot et François Civil son exceptionnel, Simon Abkarian est tout simplement formidable en épicier philosophe et chaleureux, Camille Cottin et François Berléand sont des pays géniaux), Deux Moi est beau moment de cinéma tendre et sincère, et de loin l'une des meilleures cuvées de son formidable metteur en scène.
Jonathan Chevrier