[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #57. Dirty Dancing
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Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#57. Dirty Dancing de Emile Ardolino (1987)
Même les détracteurs du dimanche, les mauvaises langues les plus novices dans l'art de descendre amèrement une œuvre et ceux qui l'aiment (en gros, une bonne partie des haters sur les réseaux sociaux... sorry not sorry), n'auraient aucun mal à s'acharner sur la niaiserie effarante d'une romance à l'eau de rose telle que Dirty Dancing, dont même les esprits cinéphiles les plus raisonnés et raisonnables, ne sauraient expliquer la raison de son succès monstrueux au fil des décennies.
Loin du coup de pied dans la fourmilière d'un genre musical quasiment aux aboies dans les années 80, tout autant qu'il est loin de la flamboyance des plus belles romances made in Hollywood, salement plombé par une pluie de clichés et une écriture pas toujours adroite, le film d'Emile Ardolino (futur metteur en scène de Sister Act) réussit pourtant la prouesse, totalement improbable donc, d'incarner un pur plaisir coupable que l'on regarde encore et encore, avec une frénésie proche de la folie furieuse, bien aidé il est vrai, par une rediffusion annuelle programmée par le groupe M6 (pas merci).
L'histoire est simple, très simple (et partiellement autobiographique, si l'on en suit la scénariste Eleonor Bergstein), puisqu'elle narre celle dans les années 60, de Bébé, fille d'une riche famille juive, qui s’amourache de Johnny, un professeur de danse rebelle.
Par un concours de circonstances totalement incohérentes, elle va se retrouver à devoir remplacer, au pied levé hein, la partenaire de show de Johnny, alors qu'elle est danse comme un pied.
S'en suit alors une collaboration sensuelle et fatigante (pauvre Johnny), qui va renforcer les liens d'une union improbable mais sincère...
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Pur produit générationnel à la fois aussi célèbre pour ce qui se tramait en coulisse (Jennifer Grey et Patrick Swayze ne se supportaient pas, et ce depuis le tournage de Red Dawn du grand John Milius, une inimitié/tension sexuelle qui servira in fine le film), que ce qu'il montre à l'écran, des scènes de danses habilement chorégraphiées - Kenny " High School Musical " Ortega à la baguette - à ses répliques ridiculisement cultes ("Tu n'as pas besoin de parcourir le monde à la recherche de ton destin comme un cheval sauvage", "On ne laisse pas Bébé dans un coin", "Je portais une pastèque, c’est pas un crime de porter une pastèque ?", "L'homme est un loup pour l'homme mais surtout pour la femme",...), Dirty Dancing ne répond pourtant jamais à la fausse promesse de son titre pourtant évocateur : il est plus sensuel que sexuel, plus puritain que scandaleux (pour preuve la seule scène d'amour du film, ou les comédiens n'y apparaîtront pas totalement dévêtus), et tout dans le film a beau n'être que langage corporel, le contenu lui restera toujours gentiment dans les clous du divertissement tout public, pour ne pas brusquer son public cible.
Langage corporel par lequel est d'ailleurs, révélé les inégalités dont souffre le lieu de vacances des protagonistes, sorte de Club Med prout-prout au nord de l'état de New York.
Si les riches ont tout ce dont ils désirent, quand ils le désirent mais ne savent pas danser ou presque (détail pas si anodin en soit, que l'on pourrait pleinement décliner sur une question raciale, ce qui a pu être fait plus tard, notamment dans le rapport au sport), les membres du personnels qui sont à leurs services eux, n'ont pas forcément de richesse particulière et n'ont pour seul plaisir que de se déchainer sur des rythmes endiablés, une fois leurs jobs terminés.
C'est maigre et un brin naïf comme constat sur les disparités sociales certes (même si on évoque avec plus de justesse la libération sexuelle mais surtout le droit à l'avortement, qui est finalement la clé de voûte de l'intrigue et l'élément déclencheur de cette attirance sous fond de lutte des classes), mais on fait avec ce qu'on peut, surtout quand la base même du film est axé sur une simili-crise d'adolescence d'une héroïne peu empathique...
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Et pourtant, sous la puissance des sonorités old school d'une bande originale grandiose, marquée au fer rouge dans nos psychées de cinéphiles fragiles (Time of My Life en tête, dont on connait tous les paroles) et d'une pluie de scènes cultes (les répétitions entre Johnny et Bébé, l'échauffement à quatre pattes, l'entrainement au lac, le final qui donne toujours des frissons à chaque vision,...), on arrive à croire suffisamment en cette love-story entre une jeune ingénue et un beau gosse ténébreux (dont on se demande bien, tout du long, ce qu'il lui trouve, alors qu'il frôle l'épanouissement scénique avec la belle Penny), pour s'infliger des rewatchs intenses bien trop régulièrement, et en faire une madeleine de Proust certes un poil sèche, mais toujours ingérable avec de la volonté.
Sans doute, en grande partie, parce que feu Patrick Swayze nous manque et que sa carrière n'aurait sans doute pas été la même sans ce rôle, et sa passion pour exhiber son torse nu dans des danses sensuelles (cela marche aussi quand il castagne du loubard dans Roadhouse, où qu'il joue avec de la gadoue dans Ghost).
Mais peut-être aussi parce qu'on aime d'amour les mauvais films, tout simplement...
Jonathan Chevrier