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[CRITIQUE] : So Long, My Son


Réalisateur : Wang Xiaoshuai
Acteurs : Wang Jing-chun, Yong Mei, Qi Xi,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Chinois.
Durée : 3h05min

Synopsis :
Au début des années 1980, Liyun et Yaojun forment un couple heureux.
Tandis que le régime vient de mettre en place la politique de l’enfant unique, un évènement tragique va bouleverser leur vie.
Pendant 40 ans, alors qu’ils tentent de se reconstruire, leur destin va s’entrelacer avec celui de la Chine contemporaine.



Critique :


Cinéaste de la « sixième génération », une vague qui regroupe plusieurs proues du cinéma contemporain chinois, Wang Xiaoshuai revient à nouveau, après Red Amnesia (dont le titre explicte bien le sujet), sur les stigmates du passé et le poids de ce dernier sur son pays. So Long, My Son est une fresque intimiste sur un deuil, dans lequel les non-dits se savent tous et étouffent progressivement les protagonistes. Ce sont ces mêmes non-dits qui créent au fur et à mesure un voile de pudeur sur le drame qui est survenu des années auparavant, un drame que l’on observe que de loin et dont le réalisateur s’intéresse davantage aux conséquences qu’à l’action en elle-même. On préfère ne pas trop qualifier le film de mélo car le chagrin y apparaît comme trop progressif, plutôt étouffé qu’exacerbé. Les plans sont relativement simples et la musique très diluée. Le drame se révèle à travers des scènes du quotidien et est implicité avec une certaine maîtrise. Plutôt que de chercher à éclater davantage une situation tragique – dont l’élément perturbateur survient au début de l’oeuvre, Wang Xiaoshuai semble vouloir au contraire, rassembler les êtres et leur offrir, au terme de leurs souffrances, un moment de paix. De ce fait, sous la simplicité apparente de sa mise en scène (au contraire de son récit), le film est d’une intégrité et d’une complexité admirable.



Derrière l’histoire intime se joue celle avec un grand H. La dictature communiste et ses politiques misent en place lors du siècle dernier en Chine composent rapidement un étau qui se resserre autour des personnages. Le décès d’un premier enfant, le « trésor » dans une famille qui ne peut lui offrir de petit frère, permet d’observer l’échec de la politique de l’enfant unique, imposée sans sensibilisation, à coups d’avortements et stérilisations. Cette mesure est associée dans l’œuvre à une profonde restriction vaine du libre arbitre des uns et à la condamnation du bonheur des autres. Quelque chose s’est brisé dans le pays comme la vie des personnages lors des années 80 et la reconstruction n’est que trop longue. Le temps finit par prendre toute la place, dilatant les liens amicaux qui remplaçaient les liens familiaux, les personnages s’éparpillent dans le vaste pays ou le quitte, en quête d’un avenir meilleur à l’étranger. On en profite pour souligner au passage la qualité de l’interprétation (récompensé par deux prix à Berlin) et des maquillages.



L’histoire démarre dans les années 80 dans une ville ouvrière et se termine de nos jours, dans cette même ville plus si ouvrière. Mais le traitement est loin d’être linéaire, les époques se croisent sans cesse et les traumatismes ne se dévoilent qu’à taton à travers des flash-back progressifs. Ce récit qui ressemble parfois à une triste symphonie semble néanmoins parfois inutilement alambiqué. Si une certaine décomposition est nécessaire à la pudeur, si le rappel du passé ne peut exister qu’à travers les flash-back, on est un peu déconcerté par cette structure dont la formation d’une clef retarde les émotions. Néanmoins, par son approche intimiste du sujet et sa composition simple et juste de ses personnages, So Long, My Son finit par laisser au spectateur le goût doux-amer de la résilience et on en sort avec la sensation d’avoir traversé une expérience poignante.


Manon Franken